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25/07/2024 | FRANCE | N°491963

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 juillet 2024, 491963


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 17 novembre 2023 par laquelle le sous-préfet de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a suspendu la validité de son permis de conduire pour une durée de dix mois et d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui restituer ce permis. Par une ordonnance n° 2400279 du 6 février 2024, le juge des référés du tribunal administrat

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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 17 novembre 2023 par laquelle le sous-préfet de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a suspendu la validité de son permis de conduire pour une durée de dix mois et d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui restituer ce permis. Par une ordonnance n° 2400279 du 6 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de restituer à l'intéressé, à titre provisoire, son permis de conduire dans un délai de sept jours à compter de sa notification.

Par un pourvoi, enregistré le 20 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 11 novembre 2023, M. B... a emprunté une route temporairement fermée à la circulation et qu'il a été impliqué dans un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une automobiliste. Son permis de conduire a fait l'objet d'une décision de rétention immédiate par un officier de police judiciaire. Par décision du 17 novembre 2023, le sous-préfet de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a suspendu la validité du permis de conduire de l'intéressé pour une durée de dix mois. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, saisi par M. B..., a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de restituer son permis de conduire à l'intéressé, à titre provisoire, dans un délai de sept jours à compter de la notification.

2. Aux termes du I de l'article L. 224-1 du code de la route : " Les officiers et agents de police judiciaire retiennent à titre conservatoire le permis de conduire du conducteur :/ (...)/ 6° En cas d'accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne ou ayant occasionné un dommage corporel, lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le conducteur a commis une infraction en matière d'usage du téléphone tenu en main, de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d'intersection et de priorités de passage ; (...) ". L'article L. 224-2 du même code dispose : " I.- Le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis prévue à l'article L. 224-1, ou dans les cent vingt heures pour les infractions pour lesquelles les vérifications prévues aux articles L. 234-4 à L. 234-6 et L. 235-2 ont été effectuées, prononcer la suspension du permis de conduire lorsque :/ (...)/ 4° Le permis a été retenu à la suite d'un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne ou ayant occasionné un dommage corporel, en application du 6° du I de l'article L. 224-1, en cas de procès-verbal constatant que le conducteur a commis une infraction en matière d'usage du téléphone tenu en main, de respect des vitesses maximales autorisées ou des règles de croisement, de dépassement, d'intersection et de priorités de passage ;/ (...) II.- La durée de la suspension du permis de conduire ne peut excéder six mois. Cette durée peut être portée à un an en cas d'accident de la circulation ayant entraîné la mort d'une personne ou ayant occasionné un dommage corporel (...). III.- A défaut de décision de suspension dans le délai prévu au premier alinéa du I du présent article, le permis de conduire est remis à la disposition de l'intéressé, sans préjudice de l'application ultérieure des articles L. 224-7 à L. 224-9. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 224-7 de ce code : " Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas titulaire. (...). " Enfin, l'article R. 411-21-1 du même code dispose : " Pour prévenir un danger pour les usagers de la voie ou en raison de l'établissement d'un chantier, l'autorité investie du pouvoir de police peut ordonner la fermeture temporaire d'une route ou l'interdiction temporaire de circulation sur tout ou partie de la chaussée, matérialisée par une signalisation routière adaptée./ Le fait pour tout conducteur de ne pas respecter les interdictions de circuler prescrites en application du premier alinéa du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe./ Lorsque, en outre, cette interdiction concerne une route ou une section de route ne permettant pas d'éviter une descente dangereuse ou un tunnel, l'infraction est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe./ Toute personne coupable de ces infractions encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle./ Ces contraventions donnent lieu de plein droit à la réduction de trois points du permis de conduire. "

3. Il ressort des termes mêmes du mémoire en défense produit le 26 janvier 2024 par le préfet d'Ille-et-Vilaine que celui-ci faisait valoir que la décision litigieuse était fondée, non pas sur l'article L. 224-2 du code de la route, mais sur l'article L. 224-7 de ce code, au demeurant visé par l'arrêté litigieux. En retenant que cet arrêté était fondé sur l'article L. 224-2 du code de la route et que l'administration sollicitait une substitution de base légale, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier et s'est mépris sur la portée des écritures du préfet d'Ille-et-Vilaine. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Pour demander la suspension de l'arrêté qu'il attaque, M. B... soutient qu'il est insuffisamment motivé, faute de comporter l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement, qu'il a été pris sans procédure contradictoire alors qu'il comporte une mesure prise en considération de la personne, qu'il est entaché d'erreur de fait car aucun élément du dossier n'établit sa responsabilité dans l'accident qui a causé la mort de Mme A... et d'erreur d'appréciation, car la suspension de son permis de conduire pour une durée de dix mois est disproportionnée. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de M. B... tendant à la suspension de cet arrêté doit être rejetée.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 6 février 2024 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 25 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 491963
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 491963
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491963.20240725
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