La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2024 | FRANCE | N°475241

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 09 septembre 2024, 475241


Vu la procédure suivante :



L'association France nature environnement Midi-Pyrénées, la Ligue pour la protection des oiseaux, l'association patrimoine environnement territoire du pays belmontais, l'association pour la protection de l'identité culturelle et naturelle des monts de Lacaune, la fédération des grands-causses, l'université rurale du sud-Aveyron, l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, Mme E... D..., Mme K... B..., M. G... D..., M. A... I..., Mme L... I..., Mme H... C... et M.

F... J... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux...

Vu la procédure suivante :

L'association France nature environnement Midi-Pyrénées, la Ligue pour la protection des oiseaux, l'association patrimoine environnement territoire du pays belmontais, l'association pour la protection de l'identité culturelle et naturelle des monts de Lacaune, la fédération des grands-causses, l'université rurale du sud-Aveyron, l'association protégeons nos espaces pour l'avenir agissant pour le compte du collectif CO-27-XII environnement, Mme E... D..., Mme K... B..., M. G... D..., M. A... I..., Mme L... I..., Mme H... C... et M. F... J... ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de l'Aveyron a délivré à la société Ferme Eolienne d'Arnac-sur-Dourdou l'autorisation unique d'exploiter une centrale éolienne sur la commune d'Arnac-sur-Dourdou (Aveyron), ensemble l'arrêté modificatif du 28 mai 2020.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué l'affaire à la cour administrative d'appel de Toulouse, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 20TL23721 du 20 avril 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté cette requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 20 juin et 21 septembre 2023 et les 27 juin et 3 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue pour la protection des oiseaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la Ligue pour la protection des oiseaux et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 30 avril 2020, le préfet de l'Aveyron a délivré à la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou une autorisation unique pour exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur maximale de 126 mètres en bout de pâles et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune d'Arnac-sur-Dourdou (Aveyron). Par un arrêté du 28 mai 2020, le préfet de l'Aveyron a modifié l'arrêté du 30 avril 2020 pour tenir compte d'une erreur matérielle sur les coordonnées cartographiques du poste de livraison. La Ligue pour la protection des oiseaux se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 avril 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté sa requête, présentée avec d'autres personnes physiques ou morales, tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1° (...) et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (...) : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants (...) ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économique et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que l'Union européenne a adopté en décembre 2008 un paquet " énergie-climat ", transposé en droit interne par l'adoption de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement puis par l'article L. 100-4 du code de l'énergie, et que ces textes fixent l'objectif de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020, la cour a estimé que le projet litigieux, d'une puissance de dix-huit mégawatts, permettra de répondre aux besoins définis dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et d'atteindre les objectifs des politiques en matières d'énergies renouvelable tant au niveau régional que national, alors même que la région Occitanie a prévu, dans un document de planification, d'atteindre ses objectifs en matière d'énergie renouvelable par le développement de l'éolien en mer. Elle en a déduit que le projet répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. En statuant ainsi, alors que le projet de parc éolien n'apporterait qu'une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie dans un département qui ne souffre d'aucune fragilité d'approvisionnement électrique et compte déjà un grand nombre de parcs éoliens, la cour a entaché de l'arrêt attaqué d'erreur de qualification juridique des faits.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la Ligue pour la protection des oiseaux est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou une somme de 1 500 euros chacun à verser à la Ligue pour la protection des oiseaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la Ligue pour la protection des oiseaux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.

Article 3 : L'Etat et la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou verseront à la Ligue pour la protection des oiseaux une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ligue pour la protection des oiseaux, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Ferme éolienne d'Arnac-sur-Dourdou.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 juillet 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 9 septembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 475241
Date de la décision : 09/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 sep. 2024, n° 475241
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475241.20240909
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award