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09/09/2024 | FRANCE | N°487623

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 09 septembre 2024, 487623


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 24 août 2023, 26 janvier, 28 février, 3 mars et 11 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur de l'administration pénitentiaire du 27 mars 2023 refusant d'appliquer aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire la directive 2003/88/CE du Parlement e

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 24 août 2023, 26 janvier, 28 février, 3 mars et 11 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur de l'administration pénitentiaire du 27 mars 2023 refusant d'appliquer aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

2°) d'enjoindre au directeur de l'administration pénitentiaire de transposer la directive du 4 novembre 2003 aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la Première ministre du 3 août 2023 refusant, d'une part, de retirer ou d'abroger l'article 94 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, d'autre part, d'appliquer et de transposer la directive du 4 novembre 2003 aux personnels de l'administration pénitentiaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 55 et 88-1 ;

- la déclaration universelle des droits de l'homme ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte sociale européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 19 et 30 juillet 2024, 4 et 19 août 2024, présentées par M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la décision qu'il estime contenue dans un courriel reçu le 27 mars 2023 du directeur de l'administration pénitentiaire relatif à l'application aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, d'autre part, de la décision de la Première ministre du 3 août 2023 refusant de retirer ou d'abroger l'article 94 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et d'appliquer et de transposer la directive du 4 novembre 2003 aux personnels de l'administration pénitentiaire.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

3. Le courriel litigieux par lequel le ministre a répondu à une demande du requérant en lui faisant part de son interprétation de la portée de la directive européenne 2003/88/CE du Parlement européen du 4 novembre 2003 et de son application aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire ne révèle par lui-même aucune décision. Dès lors qu'il se borne à répondre à une demande d'information particulière présentée par le requérant, il ne saurait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des entreprises du secteur industriel de la défense. Par suite, les conclusions dirigées contre ce courriel sont irrecevables.

Sur les conclusions dirigées contre le refus de la Première ministre de retirer ou d'abroger l'article 94 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire :

4. Aux termes de l'article L. 133-4 du code pénitentiaire : " Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'Etat pour assurer la sécurité intérieure (...) ".

5. D'une part, aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, laquelle a repris sur ce point les dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 qui devait être transposée dans le droit interne des Etats au plus tard le 23 novembre 1996 : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / (...) b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ". Aux termes de l'article 16 de cette directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. (...) ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 17 de cette directive : " Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : / (...) b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes, notamment lorsqu'il s'agit de gardiens ou de concierges ou d'entreprises de gardiennage;(...) ". Aux termes de l'article 19 de la même directive : " La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3 (...) ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois ".

6. D'autre part, l'article 94 du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dispose que : " Les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire peuvent être appelés à exercer leurs fonctions, de jour et de nuit, au-delà des limites normalement fixées pour la durée hebdomadaire du travail. / D'une manière générale, les heures ainsi accomplies au-delà de ces limites sont compensées par des repos d'une durée égale qui sont accordés dans les plus courts délais compatibles avec les besoins du service. / Toutefois, lorsque les nécessités du service ne permettent pas d'appliquer les dispositions prévues à l'alinéa ci-dessus, des indemnités horaires pour travaux supplémentaires sont allouées au personnel de surveillance selon un régime spécial de rémunération dont les modalités sont fixées par arrêté conjoint du garde des sceaux, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre de l'économie et des finances ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail : " I. L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives, et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / (...) II. Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : / a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du comité d'hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique, qui déterminé les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2001-1381 du 31 décembre 2001 portant dérogations aux garanties minimales de la durée de travail et de repos applicables à certains agents du ministère de la justice : " Pour l'organisation du travail des personnels de l'administration pénitentiaire travaillant en horaires décalés, de jour comme de nuit, y compris les dimanches et jours fériés, il est déroge aux garanties minimales mentionnées au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, dans les conditions suivantes : / a) La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni 65 heures au cours d'une même semaine, ni 60 heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives. Le repos hebdomadaire ne peut être inférieur à 24 heures ; / (...) ".

7. Si le requérant soutient que l'article 94 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire méconnaît la directive du 4 novembre 2003 en ne limitant pas la durée hebdomadaire de travail des personnels de l'administration pénitentiaire à 48 heures sur une période de six mois et en ne mentionnant pas les repos hebdomadaires et journaliers, ces dispositions, qui se bornent à prévoir une durée de travail dérogatoire aux limites normalement fixées pour la durée hebdomadaire du travail n'ont, par elles-mêmes, pas pour effet de déroger aux dispositions de la directive 2003/88/CE.

8. En second lieu, le moyen soulevé par le requérant à l'appui de sa contestation de la décision de la Première ministre du 3 août 2023 refusant de retirer ou d'abroger l'article 94 du décret du 21 novembre 1966 portant règlement d'administration publique relatif au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, et d'appliquer et de transposer la directive du 4 novembre 2003 aux personnels de l'administration pénitentiaire, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 juillet 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.

Rendu le 9 septembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Antoine Berger

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 487623
Date de la décision : 09/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 sep. 2024, n° 487623
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:487623.20240909
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