Vu la procédure suivante :
M. G... F... et Mme B... A... épouse F... ont demandé, tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, D..., E... et C..., au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, de condamner in solidum le centre hospitalier intercommunal des Portes de l'Oise (CHIPO) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), devenue la société Relyens Mutual Insurance, son assureur, à verser, en réparation des préjudices subis du fait de l'arrêt cardio-respiratoire subi par D... F... quelques minutes après sa naissance le 18 juin 2009, la somme de 2 250 000 euros ainsi qu'une rente annuelle de 250 000 euros à D... F..., la somme de 300 000 euros à Mme F..., sa mère, la somme de 100 000 euros à M. F..., son père, et la somme de 50 000 euros chacun à E... et C... F..., ses frère et sœur, de mettre à leur charge solidaire les dépens ainsi que la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, au titre de la solidarité nationale, les mêmes sommes et de mettre à sa charge les dépens ainsi la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1806988 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 21VE00445 du 12 mai 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par les consorts F... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 octobre 2023, 25 janvier, 14 juin et 1er octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts F... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Portes de l'Oise, de la société Relyens Mutual Insurance et de l'ONIAM la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Celice-Texidor-Périer, leur avocat, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat des consorts F..., à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier intercommunal des Portes de l'Oise et de la société Relyens Mutual Insurance et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme B... F... a accouché, le 18 juin 2009 à 12h38, au centre hospitalier intercommunal des portes de l'Oise (CHIPO), d'une enfant prénommée D.... Alors que l'enfant avait été installée sur la poitrine de sa mère en " peau-à-peau " puis laissée seule avec ses parents, une sage-femme, alertée par le père, a constaté vers 13h que l'enfant était victime d'un arrêt cardio-respiratoire. L'équipe médicale, au terme d'environ quinze minutes d'intervention, est parvenue à la réanimer. L'enfant conserve toutefois de lourdes séquelles de ce malaise et de l'ischémie qui s'en est suivie, à l'origine de troubles neurologiques sévères et d'un très important retard de développement. Il en résulte également que les époux F... ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI), qui a confié à un pédiatre et à un gynécologue-obstétricien une mission d'expertise ayant abouti à un rapport du 14 novembre 2012. M. et Mme F... ont ensuite saisi, en leur nom propre et celui de leurs trois enfants, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à ce que le centre hospitalier et son assureur et, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), soient condamnés à les indemniser des préjudices subis. Le tribunal, après avoir ordonné une nouvelle expertise confiée à un collège d'experts dont le rapport a été remis le 2 juin 2017, a rejeté leur demande. Les consorts F... se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur appel contre ce jugement.
2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter l'indemnisation au titre de la faute, la cour a relevé que la survenue de l'arrêt cardiaque dont a été victime D... F... ne trouvait pas sa cause directe et certaine dans le " peau-à-peau " pratiqué juste après sa naissance, en se fondant notamment sur les conclusions du rapport d'expertise du 14 novembre 2012 affirmant qu'il était impossible de se prononcer avec certitude sur l'origine du malaise parmi trois hypothèses envisagées, dont deux sans rapport avec la pratique du " peau-à-peau ", et sur celles du rapport d'expertise du 2 juin 2017 qui, si elles affirment l'existence d'un lien entre le malaise et un manquement aux règles de l'art et aux données acquises de la science dans la mise en œuvre de cette pratique, ne fournissent pas d'explication quant au rôle joué par celle-ci dans les causes possibles de ce malaise permettant d'aboutir à cette conclusion. En statuant ainsi, les juges du fond ont jugé qu'il leur était impossible d'affirmer que les dommages invoqués trouvaient leur cause directe et certaine, fût-ce sous la forme d'une perte de chance, dans la pratique du " peau-à-peau ". Ce faisant, ils ont, sans commettre d'erreur de droit, porté sur les pièces du dossier qui leur était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et qui ne peut être utilement discutée devant le juge de cassation. Les consorts F... ne sont, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, qui est suffisamment motivé.
3. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des consorts F... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. G... F..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, au centre hospitalier intercommunal des Portes de l'Oise, pour lui-même et la société Relyens Mutual Insurance, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2024 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Laurence Helmlinger
Le rapporteur :
Signé : M. Cyrille Beaufils
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet