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04/11/2024 | FRANCE | N°492669

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 novembre 2024, 492669


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars et 16 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir les avis défavorables à son intégration directe en qualité d'auditrice de justice au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 émis par la commission d'avancement lors de ses travaux du 27 novembre au 8 décembre 2023 et du 3 au 12 juin 2024 ;



2°) d'enjoindre à l'administration de faire procéder au réexamen de sa demande par la commission d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars et 16 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les avis défavorables à son intégration directe en qualité d'auditrice de justice au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 émis par la commission d'avancement lors de ses travaux du 27 novembre au 8 décembre 2023 et du 3 au 12 juin 2024 ;

2°) d'enjoindre à l'administration de faire procéder au réexamen de sa demande par la commission d'avancement dans un délai de deux mois à compter de la décision à venir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 ;

- le décret n° 2024-772 du 7 juillet 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., docteure en droit, enseignante à l'université d'Avignon et avocate au barreau de Marseille, a présenté sa candidature à une intégration dans le corps judiciaire par la voie de l'Ecole nationale de la magistrature au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance a, lors de ses travaux du 27 novembre au 8 décembre 2023, émis un avis défavorable à cette candidature, notifié par un courrier du procureur général près la cour d'appel de Nîmes du 12 janvier 2024. Par un second avis, émis lors de ses travaux du 3 au 12 juin 2024 et notifié par un courrier électronique du 17 juin 2024, la commission s'est de nouveau prononcée défavorablement à la demande de réexamen de sa candidature présentée par Mme A.... Par la présente requête, Mme A... demande, dans le dernier état de ses conclusions, l'annulation de ces deux avis.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que toute décision prise par une autorité administrative comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. S'agissant d'un organisme collégial, il est satisfait aux exigences en découlant dès lors que la décision prise comporte la signature de son président, accompagnée des mentions prévues par cet article. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que le courrier du 12 janvier 2024 et le message électronique du 17 juin 2024, notifiant à Mme A... les avis qu'elle attaque, ne comportent pas les mentions en cause. Toutefois, s'agissant de la commission d'avancement, les dispositions de l'article 35 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, qui fixent sa composition et prévoient qu'elle est présidée par le doyen des présidents de la Cour de cassation, permettent par là-même d'en identifier avec certitude le président. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce magistrat ne présidait pas aux travaux de la commission d'avancement lorsqu'elle a rendu les avis litigieux. Ainsi, l'absence des mentions litigieuses n'est pas, en tout état de cause de nature à affecter la légalité des décisions attaquées.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Les avis défavorables rendus par la commission d'avancement sur une candidature à un recrutement direct, sur titre, en qualité d'auditeur de justice en application de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne sauraient être regardés comme le refus d'une autorisation ou d'un avantage dont l'attribution constitue un droit au sens de ces dispositions. Aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation de telles décisions. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées doit être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, alors applicable : " Peuvent être nommées directement auditeurs de justice les personnes que quatre années d'activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires : / 1° Si elles sont titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Et si elles remplissent les autres conditions fixées aux 2° à 5° de l'article 16. / Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions : / a) Les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures ; / (...) d) les personnes ayant exercé des fonctions d'enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d'enseignement supérieur pendant trois ans après l'obtention d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique (...) / Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le tiers du nombre des places offertes aux concours prévus à l'article 17 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion à laquelle ils seront intégrés. / Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34. ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne créent, au profit des candidats, aucun droit à être nommé à des fonctions d'auditeur de justice et que le législateur organique a entendu investir la commission d'avancement d'un large pouvoir dans l'appréciation de l'aptitude à exercer les fonctions d'auditeur de justice.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, dont l'article 14 prévoit que son article 1er entre en vigueur à des dates fixées par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, le 31 décembre 2024, ainsi que du décret du 7 juillet 2024 tirant les conséquences de la réforme des voies d'accès à la magistrature que l'abrogation de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 à laquelle procède le 9° de l'article 1er de cette loi organique n'avait pas pris effet à la date des avis litigieux. Le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient, du fait de cette abrogation, dépourvues de base légale doit, par suite, être écarté.

6. En second lieu, si Mme A... fait valoir, d'une part, qu'elle est titulaire d'un doctorat en droit, exerce en tant qu'avocate depuis 2021 et enseigne, en tant que chargée de travaux dirigés en licence de droit, à l'université d'Avignon et se prévaut, d'autre part, des attestations positives de plusieurs professionnels du droit l'ayant connue en tant qu'élève, stagiaire ou salariée, il ressort des pièces du dossier, et notamment des compte-rendus d'entretien établis par les chefs de juridiction, que ces derniers ont relevé d'importantes lacunes dans ses connaissances relatives tant à l'organisation et au fonctionnement de la juridiction judiciaire qu'aux questions statutaires et aux grandes réformes de l'institution, récentes ou en cours. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que les conditions dans lesquelles sa candidature a été examinée, et notamment les conditions dans lesquelles elle a été entendue par la commission d'avancement, lui ont été préjudiciables en raison de sa qualité de travailleur handicapé. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission d'avancement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en émettant des avis défavorables à sa candidature.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des avis de la commission d'avancement qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 novembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Magalie Café


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 492669
Date de la décision : 04/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2024, n° 492669
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492669.20241104
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