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18/11/2024 | FRANCE | N°489674

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 18 novembre 2024, 489674


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 27 et 28 novembre 2023 et le 16 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté leur demande du 27 juillet 2023 tendant à l'abrogation de la décision n° 2012-06 du 30 novembre 2012 du conseil su

périeur des messageries de presse (CSMP) ;



2°) d'enjoindre à l'Etat d'abro...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 27 et 28 novembre 2023 et le 16 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté leur demande du 27 juillet 2023 tendant à l'abrogation de la décision n° 2012-06 du 30 novembre 2012 du conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) ;

2°) d'enjoindre à l'Etat d'abroger la décision n° 2012-06 du conseil supérieur des messageries de presse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 ;

- la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes ;

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Messageries Lyonnaises de Presse et de la société MLP ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2024, présentée par la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 16 de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse : " L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est chargée de faire respecter les principes énoncés par la présente loi. Elle veille à la continuité territoriale et temporelle, à la neutralité et à l'efficacité économique de la distribution groupée de la presse ainsi qu'à une couverture large et équilibrée du réseau des points de vente. Elle concourt à la modernisation de la distribution de la presse et au respect du pluralisme de la presse. " L'article 18 de la loi du 2 avril 1947, dans sa rédaction résultant de la même loi, dispose que : " Pour l'exécution des missions qui lui sont confiées par l'article 16, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : / 1° Agrée les sociétés assurant la distribution de la presse dans le respect du cahier des charges mentionné à l'article 12 ; / 2° Est informée par chaque société agréée, deux mois avant leur entrée en vigueur, des conditions techniques, tarifaires et contractuelles de ses prestations. Dans un délai de deux mois à compter de cette transmission, elle émet un avis public sur ces conditions ou fait connaître ses observations à la société. Elle peut demander à la société de présenter une nouvelle proposition et, si nécessaire, modifier les conditions tarifaires ou suspendre leur application si elles ne respectent pas les principes de non-discrimination, d'orientation vers les coûts d'un opérateur efficace et de concurrence loyale. Elle peut également décider, pour assurer le respect de ces principes, d'un encadrement pluriannuel des tarifs de ces prestations. Elle rend publics les barèmes établis par les sociétés agréées au bénéfice de l'ensemble des clients ; / 3° Fixe les règles de répartition, entre toutes les entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse utilisant les services des sociétés agréées de distribution de la presse, des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens (...) ; / 4° Définit, par dérogation à l'article 3, les circonstances dans lesquelles une entreprise de presse peut, dans des zones géographiques déterminées et pour des motifs tirés de l'amélioration des conditions de desserte des points de vente, recourir à une distribution groupée sans adhérer à une société coopérative de groupage de presse ; elle précise dans ce cas les modalités de participation de l'entreprise à la répartition des coûts spécifiques mentionnés au 3° du présent article ; / 5° Est informée par les organisations professionnelles représentatives concernées de l'ouverture de leurs négociations en vue de la conclusion de l'accord interprofessionnel mentionné au 2° de l'article 5 ou d'un avenant à cet accord, reçoit communication de cet accord ou avenant et émet un avis public sur sa conformité aux principes énoncés par la présente loi. En cas de non-conformité de cet accord ou avenant ou de carence des parties dûment constatée au terme de six mois suivant l'ouverture des négociations ou, le cas échéant, suivant l'expiration de l'accord ou de l'avenant, l'autorité définit les règles d'assortiment des titres et de détermination des quantités servies aux points de vente ; / 6° Précise les règles mentionnées à l'article 14 relatives aux conditions d'implantation des points de vente et fixe, après avoir recueilli l'avis de leurs organisations professionnelles représentatives, les conditions de rémunération des diffuseurs de presse qui gèrent ces points de vente ; / 7° Rend public un schéma territorial d'orientation de la distribution de la presse prenant en compte les dépositaires centraux de presse. "

2. Aux termes du V de l'article 12 de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse : " A compter de la première réunion de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi : / 1° Les décisions prises par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse et le Conseil supérieur des messageries de presse avant la date de la réunion précitée sont maintenues de plein droit jusqu'à décision contraire de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse / (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. ". En l'absence de réponse expresse de la part de l'administration compétente, celle-ci est réputée, en vertu de l'article L. 231-4 du même code, l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant la réception de la demande par l'administration à laquelle elle était adressée.

4. Sur le fondement des dispositions de la loi du 2 avril 1947 dans leur rédaction antérieure à la loi 18 octobre 2019, le conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a, par une décision n° 2012-06 du 30 novembre 2012, rendue exécutoire par une délibération de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) n° 2013-01 du 8 janvier 2013, modifié sa délibération n° 2011-101 du 1er décembre 2011, rendue exécutoire par une délibération de l'ARDP n° 2011-01 du 19 décembre 2011, en instituant une rémunération à l'unité d'œuvre de la mission " logistique-transport " des dépositaires de presse. Par un courrier du 27 juillet 2023, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP ont demandé à la Première ministre d'abroger la décision n° 2012-06 du 30 novembre 2012 du CSMP. Elles demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur cette demande.

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'en confiant à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) les missions de régulation de la distribution de la presse précédemment assurées par le CSMP et l'ARDP, le législateur n'a pas doté cette autorité, ni aucune autre autorité administrative, du pouvoir, mis en œuvre dans la décision du 30 novembre 2012 par ces institutions, en application des dispositions de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947 dans leur rédaction antérieure à la loi 18 octobre 2019, de fixer les conditions de rémunération des dépositaires de presse. Toutefois, le législateur a prévu par le 1° du V de l'article 12 de la loi du 18 octobre 2019, que les décisions prises par les précédentes autorités de régulation restaient en vigueur jusqu'à ce que l'ARCEP en décide autrement. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision attaquée est réputée émaner de l'ARCEP, autorité compétente pour abroger la décision du 30 novembre 2012.

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la seule circonstance que, depuis la loi du 18 octobre 2019, aucune autorité administrative ne soit plus compétente pour fixer ou pour modifier les conditions de rémunération des dépositaires de presse ni la répartition de cette rémunération entre les messageries de presse ne saurait avoir pour effet de rendre illégal le maintien en vigueur de la décision du 30 novembre 2012 du CSMP. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus d'abroger cette décision serait entaché d'erreur de droit pour ce motif ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision du 30 novembre 2012 ne fait aucune obligation aux sociétés agréées de distribution de la presse de recourir à des dépositaires déterminés. Si les requérantes font valoir en outre, à l'appui du moyen tiré de ce que le maintien en vigueur des dispositions de cette décision relatives à la fixation de la rémunération des dépositaires et à sa répartition entre les messageries de presse porte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle des sociétés agrées de distribution de presse une atteinte qui n'est ni nécessaire ni proportionnée à l'objectif de pluralisme, en ce qu'il induirait une contrainte excessive pour les éditeurs de magazine et empêcherait la société MLP de renégocier la répartition du financement des distributions du soir et du dimanche, elles n'apportent pas de précisions permettant d'apprécier la portée de ces allégations et l'atteinte à ces libertés qui en résulterait, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un accord interprofessionnel transitoire a été conclu le 5 février 2024 sur cette rémunération. Par suite, les moyens tirés de ce que le refus d'abroger cette décision serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation pour ces motifs ne peuvent qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite d'abroger la décision du 30 novembre 2012 du CSMP.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées la société Messageries Lyonnaises de Presse et par la société MLP tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Messageries Lyonnaises de Presse et de la société MLP est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Messageries Lyonnaises de Presse et à la société MPLP et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Copie sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 octobre 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

La rapporteure :

Signé : Mme Amélie Fort-Besnard

Le secrétaire :

Signé : M. Guillaume Auge


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 489674
Date de la décision : 18/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2024, n° 489674
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489674.20241118
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