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18/11/2024 | FRANCE | N°494128

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 18 novembre 2024, 494128


Vu la procédure suivante :



Le préfet de la Vendée a déféré au tribunal administratif de Nantes les opérations électorales qui ont eu lieu le 21 décembre 2023 à Rives-de-l'Yon (Vendée) en vue de l'élection du maire délégué de la commune déléguée de Saint-Florent-des-Bois. A l'appui de leurs conclusions en défense, MM. C... et D... ont demandé au tribunal administratif de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2122-7 du code général des co

llectivités territoriales.



Par un jugement n° 2402747 du 18 avril ...

Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Vendée a déféré au tribunal administratif de Nantes les opérations électorales qui ont eu lieu le 21 décembre 2023 à Rives-de-l'Yon (Vendée) en vue de l'élection du maire délégué de la commune déléguée de Saint-Florent-des-Bois. A l'appui de leurs conclusions en défense, MM. C... et D... ont demandé au tribunal administratif de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales.

Par un jugement n° 2402747 du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MM. C... et D..., annulé l'élection de M. C... comme maire délégué de Saint-Florent-des-Bois et proclamé M. D... élu.

Par une requête enregistrée le 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Vendée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 3, 61-1 et 72 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 21 décembre 2023 pour l'élection du maire délégué de Saint-Florent-des-Bois, commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Rives-de-l'Yon (Vendée), un seul conseiller municipal, M. C..., s'est porté candidat. Lors des premier et deuxième tours de scrutin, quatorze suffrages se sont exprimés en faveur de M. C..., quatorze en faveur de M. D..., conseiller municipal et maire de la commune nouvelle, et un en faveur de M. E..., conseiller municipal. Lors du troisième tour de scrutin, quatorze suffrages se sont exprimés en faveur de M. D..., treize en faveur de M. C... et un en faveur de M. E.... Le bureau de vote ayant exclu du décompte l'ensemble des suffrages exprimés en faveur de M. D..., qui avait déclaré ne pas être candidat, le conseil municipal, par une délibération du 22 décembre 2023, a proclamé M. C... élu maire délégué de Saint-Florent-des-Bois. Par un jugement du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a, sur déféré du préfet de la Vendée, annulé ces opérations électorales et proclamé M. D... élu en qualité de maire délégué.

Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant le tribunal administratif :

2. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable à l'élection du maire délégué par l'article L. 2113-12-2 du même code : " Le maire est élu au scrutin secret et à la majorité absolue. / Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. / En cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu. " Ni ces dispositions, ni aucun autre texte ou principe n'imposent à un conseiller municipal de faire acte de candidature pour être élu maire ou maire délégué, ce dont il découle que des suffrages peuvent à chacun des tours de l'élection valablement se porter sur tout membre d'un conseil municipal sans qu'ait d'incidence la circonstance que celui-ci n'a pas déclaré son souhait d'être élu ou, même, a manifesté celui de ne pas l'être.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-15 du même code : " La démission du maire ou d'un adjoint est adressée au représentant de l'Etat dans le département. Elle est définitive à partir de son acceptation par le représentant de l'Etat dans le département ou, à défaut de cette acceptation, un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée (...) ". Ces dispositions, dont il résulte du renvoi de l'article L. 2113-17 du même code au 4ème alinéa de l'article L. 2511-25 de ce code qu'elles sont applicables aux maires délégués, donnent la faculté à un maire ou un maire délégué élu de renoncer à ses fonctions en cours de mandat s'il ne souhaite plus les exercer. En outre, lorsqu'au cours de la séance à laquelle il a été procédé à l'élection, un conseiller municipal élu maire ou maire délégué refuse d'accepter les fonctions auxquelles il vient d'être élu, le conseil municipal peut procéder immédiatement à une nouvelle élection pour le remplacer, sans nécessité pour le conseiller élu de présenter sa démission selon la procédure prévue à l'article L. 2122-15.

5. En n'imposant pas la présentation de candidatures pour l'élection du maire au sein du conseil municipal, le législateur a dans l'usage de son pouvoir d'appréciation, entendu donner la plus large latitude au vote des conseillers municipaux afin de faciliter la désignation des exécutifs communaux. Compte tenu de ce qui est dit au point 4, ce choix ne méconnaît ni les droits et libertés garantis en matière électorale par l'article 3 de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution. Il suit de là que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. M. C... n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, en tant qu'il refuse de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

Sur les autres moyens de la requête :

6. Aux termes de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. "

7. Le tribunal administratif de Nantes était saisi des opérations électorales ayant conduit à l'élection du maire délégué de la commune déléguée de Saint-Florent-des-Bois par un déféré au préfet de la Vendée. M. C... et M. D..., défendeurs dans l'instance, concluaient au rejet du déféré et à la validation des opérations électorales contestée. S'ils ont fait valoir dans leur mémoire que l'expression de suffrages en faveur de M. D... aurait résulté d'une manœuvre destinée à altérer la sincérité du scrutin, une telle argumentation était inopérante à l'appui de leurs conclusions. C'est, dès lors, sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif a pu s'abstenir d'y répondre. En outre, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les bulletins exprimés en faveur des conseillers municipaux qui ne s'étaient pas déclarés candidats devaient être décomptés dans le résultat, dès lors qu'il ne ressortait pas de l'instruction qu'ils étaient entachés de l'une des causes d'invalidité prévue par l'article L. 66 du code électoral, et qu'il en a déduit que l'élection avait été remportée par M. D..., ce dernier ayant obtenu la majorité relative des suffrages lors du troisième tour de scrutin.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son élection en qualité de maire délégué de Saint-Florent-des-Bois et proclamé élu M. D.... Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à M. B... D....

Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 18 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494128
Date de la décision : 18/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2024, n° 494128
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:494128.20241118
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