Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 15 novembre 2023 par laquelle le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine lui a retiré son agrément en qualité d'assistante maternelle. Par une ordonnance n° 2403655 du 16 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 et 17 mai et le 16 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Hauts-de-Seine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine et à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que, par une décision du 15 novembre 2023, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a retiré à Mme B... son agrément en qualité d'assistante maternelle. Le département des Hauts-de-Seine se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 avril 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de cette décision.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence. Il en va notamment ainsi lorsqu'est demandée au juge des référés la suspension de l'exécution d'une décision de retrait de l'agrément d'un assistant maternel prise sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles.
4. En jugeant que dès lors que l'exécution de la décision du 15 novembre 2023 aurait pour conséquence de priver Mme B... de l'exercice de sa profession et de ses revenus d'activité et qu'elle contribuait, notamment, à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, la condition d'urgence devait être regardée comme satisfaite, sans rechercher quelles étaient ses ressources et ses charges et alors qu'au surplus l'intéressée admettait que deux de ses trois enfants étaient autonomes financièrement, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
5. Le département des Hauts-de-Seine est en conséquence fondé à demander, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'ordonnance du 16 avril 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une visite à domicile réalisée le 15 juin 2023 dans le cadre d'une demande d'extension de son agrément en qualité d'assistante maternelle déposée par Mme B..., le département des Hauts-de-Seine a, par deux décisions du 26 juin 2023, refusé la demande d'extension d'agrément sollicitée et l'a mise en demeure de corriger des manquements susceptibles de mettre en danger les enfants dont elle avait la charge. A la suite d'une seconde visite inopinée de son logement réalisée le 9 octobre 2023 au cours de laquelle les mêmes manquements ont été constatés, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, après un avis favorable, rendu à l'unanimité, de la commission consultative paritaire départementale, lui a, le 15 novembre 2023, retiré son agrément.
8. Si, pour justifier de l'urgence qu'il y aurait à suspendre la décision en litige, Mme B... fait valoir que la décision de retrait de son agrément la priverait de la majeure partie de ses revenus et qu'eu égard à son âge et à sa situation au regard de ses droits à la retraite, elle ne pourrait prétendre à un autre emploi ou percevoir des allocations pour perte d'emploi, elle n'apporte toutefois pas d'éléments circonstanciés au soutien de cette allégation et n'indique pas le montant de la retraite qu'elle pourrait percevoir. Eu égard à la circonstance que la décision de retrait en litige est fondée sur la nécessité de garantir la santé et la sécurité des enfants qui lui sont confiés et que les manquements relevés par le président du conseil départemental, notamment s'agissant des mesures de prévention de la mort inattendue du nourrisson, font suite à plusieurs constats et mises en demeure antérieurs relatifs à la sécurité des enfants, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'urgence, qui s'apprécie objectivement et globalement, justifie la suspension de l'exécution de la décision attaquée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'un au moins des moyens soulevés est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 15 novembre 2023, les conclusions de Mme B... tendant à ce que son exécution soit suspendue ne peuvent qu'être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département des Hauts-de-Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 avril 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département des Hauts-de-Seine et à Mme A... B....