Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2409042 du 15 juillet 2024, la présidente du tribunal administratif de Montreuil a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le jugement du 11 avril 2024 par laquelle le tribunal judiciaire de Versailles a sursis à statuer sur le litige opposant M. A... B... et l'union de recouvrement cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France concernant le recouvrement de cotisations et contributions sociales dues au titre des années 2018 à 2022 jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité de l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'URSSAF d'Île-de-France.
Par trois mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 août, 5 et 20 septembre 2024, M. B... demande au Conseil d'État de déclarer que l'exception d'illégalité de l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'URSSAF d'Île-de-France est fondée. Il soutient que cet arrêté est entaché d'incompétence, les ministres signataires n'ayant ni en vertu du code de la sécurité sociale, ni en vertu de leurs décrets d'attribution, la capacité de créer un nouvel organisme de droit privé régi par le code de la mutualité par fusion de deux organismes de droit privé préexistants et que les conseils d'administration des organismes fusionnés n'avaient pas compétence pour se prononcer sur une telle opération de fusion donnant naissance à une nouvelle personne morale de droit privé.
La ministre du travail, des solidarités et de la santé a présenté des observations, enregistrées le 13 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 ;
- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;
- la loi n° 2012-355 du 14 mars 2012 ;
- le décret n° 60-452 du 12 mai 1960 ;
- le décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985 ;
- le décret n° 2011-1079 du 8 septembre 2011 ;
- le décret n° 2012-768 du 24 mai 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi : " Des unions de recouvrement assurent : / 1° Le recouvrement des cotisations d'assurances sociales, d'accidents du travail, d'allocations familiales dues par les employeurs au titre des travailleurs salariés ou assimilés, par les assurés volontaires et par les assurés personnels ; / 2° Le recouvrement des cotisations d'allocations familiales dues par les employeurs et membres des professions libérales ; / 3° Une partie du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales, dans les conditions prévues aux articles L. 133-6-2, L. 133-6-3 et L. 133-6-4 ; / 4° Le recouvrement d'une partie de la contribution sociale généralisée selon les dispositions des articles L. 136-1 et suivants ; / (...) Les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L. 216-1. / Un décret détermine les modalités d'organisation administrative et financière de ces unions. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 216-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 14 mars 2012 relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité : " Les caisses primaires d'assurance maladie et les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle et les caisses d'allocations familiales sont constituées et fonctionnent conformément aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application ". Aux termes de l'article D. 213-1 de ce code, dans sa rédaction issue du décret du 8 septembre 2011 portant création de conseils départementaux au sein des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales dont la circonscription est régionale : " La circonscription territoriale d'une union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales est départementale ou régionale. Elle est fixée, ainsi que le siège de l'union, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ". Sur ce fondement, le ministre de l'économie et des finances a, par arrêté du 7 août 2012, créé l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France, dont la circonscription correspond à la région administrative de l'Île-de-France, dissous les unions de Seine-et-Marne et de Paris-région parisienne et transféré leurs biens, droits et obligations à l'union nouvellement créée. Par un jugement du 11 avril 2024, le tribunal judiciaire de Versailles a saisi la juridiction administrative à fin d'apprécier la légalité de cet arrêté, sans limiter la portée de la question soumise. Dès lors, il appartient au Conseil d'Etat d'examiner les moyens présentés par M. B....
2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux (...) de la sécurité sociale (...) ". Si l'administration des organismes de sécurité sociale, dotés de la personnalité morale, par des représentants des employeurs et des salariés constitue l'un des principes fondamentaux de la sécurité sociale, ce principe doit être apprécié dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique, en raison du caractère des activités assumées par ces organismes. En particulier, il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer l'organisation administrative de ce service public et de délimiter les circonscriptions territoriales des organismes de sécurité sociale. Par suite, le pouvoir réglementaire était compétent pour prévoir la possibilité de déterminer, par arrêté ministériel, la circonscription et le siège des URSSAF et de procéder, le cas échéant, à la fusion de deux ou plusieurs unions. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'article D. 213-1 du code de la sécurité sociale, de même que l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'URSSAF d'Île-de-France, seraient entachés d'incompétence.
3. En deuxième lieu, l'article D. 213-1 du code de la sécurité sociale donne compétence au ministre chargé de la sécurité sociale pour fixer la circonscription et le siège des URSSAF. En vertu des attributions qui lui étaient confiées par l'article 1er du décret du 24 mai 2012 visé ci-dessus, le ministre de l'économie et des finances, qui était " responsable de l'équilibre général des comptes sociaux et des mesures de financement de la protection sociale ", devait être regardé comme seul " chargé de la sécurité sociale " au sens de l'article D. 213-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence du fait qu'il a été signé par délégation de ce ministre.
4. En troisième lieu, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 231-8-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, en vertu duquel : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'organisme, à l'exception de celles déléguées par lui-même ou les caisses nationales à une union ou à un groupement d'organismes ", les conseils d'administration des URSSAF de Seine-et-Marne et de Paris-région parisienne ont rendu un avis sur le projet d'arrêté les fusionnant au sein de la nouvelle URSSAF d'Île-de-France. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure.
5. En dernier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 2 du décret du 12 mai 1960 relatif à l'organisation et au fonctionnement de la sécurité sociale, qui ont été abrogées par le décret du 17 décembre 1985 relatif au code de la sécurité sociale (partie Législative et partie Décrets en Conseil d'Etat). Contrairement à ce qu'il soutient, les URSSAF ne relèvent pas du code de la mutualité mais uniquement du code de la sécurité sociale, ainsi que le mentionnent les articles L. 213-1 et L. 216-1 de ce code cités au point 1.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'URSSAF d'Île-de-France est entaché d'illégalité.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'URSSAF d'Île-de-France, soulevée par M. B... devant le tribunal judiciaire de Versailles, n'est pas fondée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France et au président du tribunal judiciaire de Versailles.
Copie en sera adressée à la ministre de la santé et de l'accès aux soins et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics