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20/12/2024 | FRANCE | N°493301

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 20 décembre 2024, 493301


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le maire de Tinqueux l'a mise à la retraite d'office pour invalidité et d'enjoindre au maire de cette commune de la réintégrer dans ses fonctions, de reconstituer sa carrière et de procéder à son reclassement ou, à défaut, de réexaminer sa décision. Par une ordonnance

n° 2400608 du 18 mars 2024, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le maire de Tinqueux l'a mise à la retraite d'office pour invalidité et d'enjoindre au maire de cette commune de la réintégrer dans ses fonctions, de reconstituer sa carrière et de procéder à son reclassement ou, à défaut, de réexaminer sa décision. Par une ordonnance n° 2400608 du 18 mars 2024, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tinqueux la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de Mme A... B... et à la SCP Richard, avocat de la commune de Tinqueux ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B..., adjointe administrative principale territoriale, employée par la commune de Tinqueux depuis 1999, a été placée en congé de longue maladie à compter du 17 octobre 2017, puis en congé de longue durée du 18 octobre 2018 au 17 octobre 2022, puis en disponibilité d'office à titre conservatoire avec maintien de ses droits à demi-traitement. Par un arrêté du 14 décembre 2023, le maire de Tinqueux l'a admise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 1er janvier 2024. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, de l'exécution de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas de caractère d'urgence ou lorsqu'il apparait manifeste, au vu de la demande, (...) qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

Sur le pourvoi :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 522-11 du code de justice administrative : " L'ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre 2 du titre IV du livre VII ", au nombre desquelles figurent, en application de l'article R. 742-2 du même code, " les visas des dispositions législatives et réglementaires " dont le juge fait application.

4. Pour juger que les moyens invoqués par Mme B... n'étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 14 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a implicitement mais nécessairement fait application des textes législatifs et règlementaires qu'elle avait invoqués à l'appui de son argumentation, notamment le décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales et les dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives à la motivation des décisions individuelles. En ne mentionnant ces textes ni dans l'analyse des mémoires, ni dans les visas, ni dans les motifs de son ordonnance, le juge des référés a entaché celle-ci d'irrégularité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 5-1 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Le conseil médical réuni en formation plénière est consulté pour avis en application : (...) 4° Du quatrième alinéa de l'article 32 et des articles 37, 37-6, 37-8 du présent décret (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article 32 du même décret : " S'il y a présomption d'inaptitude définitive, le conseil médical en formation plénière se prononce également sur l'application de l'article 37 ci-dessous ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service, est reclassé dans un autre emploi (...). A défaut, il est soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis du conseil médical compétent ".

6. Il ressort de ces dispositions que le conseil médical réuni en formation plénière, qui comprend, outre les trois médecins membres du comité médical en formation restreinte, deux représentants de l'administration et deux représentants du personnel, doit être consulté pour avis par l'autorité territoriale qui souhaite admettre à la retraite pour invalidité un agent ne pouvant ni reprendre son service ni être reclassé. L'arrêté du 14 décembre 2023 par lequel le maire de Tinqueux a admis d'office Mme B... à la retraite pour invalidité vise seulement l'avis du conseil médical réuni en formation restreinte le 7 juillet 2022, favorable au prolongement du congé de longue durée de Mme B... jusqu'au 17 octobre 2022, date d'expiration de ses droits, et invitant l'autorité territoriale, en présumant l'inaptitude définitive de la requérante à ses fonctions et à toute fonction, à " instruire un dossier de retraite pour invalidité ". Par suite, en écartant comme n'étant pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 14 décembre 2023 le moyen tiré de ce qu'il est entaché d'un vice de procédure, qui a privé l'intéressée d'une garantie, en ce qu'il n'a pas été pris après avis du comité médical réuni en formation plénière, conformément aux dispositions du décret du 30 juillet 1987, le juge des référés a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

8. En application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur le règlement au titre de la procédure de référé :

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui était placée en disponibilité d'office à titre conservatoire depuis le 18 octobre 2022, bénéficiait du maintien de ses droits à percevoir un demi-traitement. Si la décision du 14 décembre 2023 par laquelle le maire de Tinqueux l'a admise d'office à la retraite pour invalidité a pour effet d'interrompre le versement de ce demi-traitement par la commune à compter du 1er janvier 2024, la mise à la retraite d'office de l'intéressée lui ouvre toutefois droit à percevoir une pension de retraite pour invalidité à compter de la même date. Dans ces conditions, en se bornant à alléguer sommairement ne plus percevoir de rémunération et à produire des justificatifs de dépenses, Mme B... ne justifie pas d'une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, que Mme B... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2023 du maire de Tinqueux l'admettant à la retraite pour invalidité.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tinqueux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser à la commune de Tinqueux au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune de Tinqueux.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Nicole da Costa

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 493301
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 493301
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole da Costa
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP RICHARD ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493301.20241220
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