Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la santé et de la prévention sur sa demande tendant à l'abrogation des dispositions réglementaires fixant le statut des préparateurs en pharmacie hospitalière ;
2°) d'enjoindre à la ministre de la santé et de la prévention de prendre de nouvelles dispositions plaçant ces professionnels au nombre des auxiliaires médicaux mentionnés au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique et leur conférant un statut distinct de celui des préparateurs en pharmacie officinale et d'en tirer les conséquences ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 23 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre du " Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 décembre 2024, présentée par le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière a adressé le 18 mars 2024 à la ministre de la santé et de la prévention une demande tendant à la modification des dispositions du code de la santé publique régissant le statut des préparateurs en pharmacie hospitalière et à l'abrogation de l'arrêté du 23 septembre 2022 relatif à la mise en œuvre du " Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé " et de l'article D. 4381-1 du code de la santé publique. Le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision née du refus implicite de la ministre de faire droit à cette demande. A l'appui de cette requête, le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 4241-13 et L. 4301-1 du code de la santé publique.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. L'article L. 4241-13 du code de la santé publique dispose : " Peut exercer la profession de préparateur en pharmacie hospitalière dans les établissements publics de santé, les hôpitaux des armées et les autres éléments du service de santé des armées et en porter le titre toute personne titulaire d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre délivré à la suite d'une formation lui ayant permis d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de cette profession et figurant sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur. / Les préparateurs en pharmacie hospitalière sont autorisés à seconder le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ainsi que les pharmaciens qui l'assistent, en ce qui concerne la gestion, l'approvisionnement, la délivrance et la préparation des médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 ainsi que des dispositifs médicaux stériles. Ils exercent leurs fonctions sous la responsabilité et le contrôle effectif d'un pharmacien ".
4. D'une part, si ces dispositions définissent les conditions de diplôme auxquelles doivent satisfaire les préparateurs en pharmacie hospitalière ainsi que certaines conditions de leur exercice professionnel, elles ne concernent pas les préparateurs en pharmacie officinale. Par suite, elles ne sauraient, en tout état de cause, méconnaître le principe constitutionnel d'égalité devant la loi faute de traiter différemment ces professionnels, dont il est soutenu qu'ils sont placés dans une situation différente.
5. D'autre part, l'article L. 4301-1 du code de la santé publique définit les conditions dans lesquelles les auxiliaires médicaux, mentionnés au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, peuvent être amenés en exercer " en pratique avancée " afin d'assister un médecin. Il ressort des pièces du dossier que les préparateurs en pharmacie hospitalière, qui sont appelés à assister non pas un médecin, mais un pharmacien, n'ont pas vocation à exercer dans ce cadre. Les dispositions contestées ne sont, dès lors, pas applicables au litige. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que les préparateurs en pharmacie hospitalière ne sont, eu égard à leurs missions, à leur formation et aux conditions de leur exercice, pas placés dans la même situation que les auxiliaires médicaux de sorte que le principe constitutionnel d'égalité devant la loi ne s'oppose pas à ce qu'ils soient traités de manière différente.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.
Sur la légalité de la décision attaquée :
7. En premier lieu, si le requérant reproche aux dispositions dont il demande l'abrogation de n'opérer aucune distinction entre les préparateurs en pharmacie hospitalière et les préparateurs en pharmacie officinale, dont il estime qu'ils sont placés dans des situations différentes, le principe d'égalité, qui n'oblige, en tout état de cause, pas à traiter de façon différente des situations différentes, ne saurait avoir été méconnu de ce seul chef.
8. En deuxième lieu, à supposer même que les dispositions invoquées fassent obstacle à la participation des préparateurs en pharmacie hospitalière éligibles au programme hospitalier de recherche infirmier et paramédical, le moyen pris de ce que cette exclusion serait illégale n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. En troisième lieu, est, de même, dénué des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé le moyen pris de ce que les préparateurs en pharmacie hospitalière seraient privés de la possibilité de figurer au " Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé ", dont les modalités sont prévues par l'arrêté du 23 septembre 2022 visé ci-dessus.
10. Enfin, aux termes de l'article D. 4381-1 du code de la santé publique : " Auprès du ministre chargé de la santé, le Haut Conseil des professions paramédicales a pour missions : / 1° De promouvoir une réflexion interprofessionnelle sur : / a) Les conditions d'exercice des professions paramédicales, l'évolution de leurs métiers, la coopération entre les professionnels de santé et la répartition de leurs compétences ; / b) La formation et les diplômes ; / c) la place des professions paramédicales dans le système de santé ; / 2° De participer, en coordination avec la Haute Autorité de santé, à la diffusion des recommandations de bonne pratique et à la promotion de l'évaluation des pratiques des professions paramédicales ; / Dans la conduite de ses missions, le Haut Conseil des professions paramédicales prend en compte les études et réflexions menées au niveau européen et international ". Le requérant ne peut utilement demander l'abrogation de ces dispositions, qui n'ont pas pour objet d'arrêter la composition du Haut Conseil des professions paramédicales, au soutien d'un moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité faute pour les préparateurs en pharmacie hospitalière d'être représentés au sein du Haut Conseil.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête du Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière.
Article 2 : La requête du Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national professionnel des préparateurs en pharmacie hospitalière et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 décembre 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 27 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Alain Seban
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet