Vu la procédure suivante :
Mme A... D... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 février 2022 par laquelle le maire de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a délivré à la société civile immobilière Kap.974 un permis de construire autorisant la réalisation d'une extension de 125,91 m² sur une construction existante, ainsi que la décision du 10 juin 2022 rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 2209533 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 6 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Nazaire et la société Kap.974 demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme D... et M. B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... et M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Barbé, maîtresse des requêtes en service extraordinaire ;
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Saint-Nazaire et de la société Kap.974 et au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme D... et M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Saint-Nazaire a délivré à la société Kap.974, par un arrêté du 14 février 2022, un permis de construire pour la réalisation d'une extension d'environ 125 m² sur une construction existante. La commune de Saint-Nazaire et la société Kap.974 se pourvoient en cassation contre le jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de Mme D... et M. B..., annulé cet arrêté, ainsi que le rejet de leur recours gracieux, pour excès de pouvoir.
2. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a jugé, en premier lieu, que le permis de construire attaqué méconnaissait les dispositions de l'article 2.2.3 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, qui s'opposaient à ce que soit autorisée l'extension d'une construction, identifiée comme élément de patrimoine " trois étoiles " par le plan de zonage de ce plan et, en second lieu, que, bien que le bâtiment litigieux ait été reclassé dans la catégorie des éléments de patrimoine " deux étoiles ", susceptibles de faire l'objet d'une extension, par une modification simplifiée n° 3 du plan local d'urbanisme intervenue le 4 avril 2023, il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou 600-5-1 du code de l'urbanisme au motif que, compte tenu de la présence à proximité d'éléments de patrimoine appartenant à la catégorie " trois étoiles ", la régularisation du vice relevé était susceptible d'apporter au projet, dans son ensemble, s'agissant de sa volumétrie, de son aspect et de sa superficie, un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les règles applicables aux éléments de patrimoine s'opposaient nécessairement à l'extension d'une maison d'habitation classée dans la catégorie " deux étoiles " se trouvant dans le périmètre de protection des éléments de patrimoine classés dans la catégorie " trois étoiles ", le tribunal a commis une erreur de droit.
6. Il suit de là que la commune de Saint-Nazaire et la société Kap.974 sont fondées, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... et M. B... une somme globale de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Nazaire et une somme globale de 1 500 euros à verser à la société Kap.974 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la somme réclamée par Mme D... et M. B... soit mise à la charge de la commune de Saint-Nazaire et de la société Kap.974, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : Mme D... et M. B... verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune de Saint-Nazaire et une somme globale de 1 500 euros à la société civile immobilière Kap.974 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme D... et M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Nazaire, première requérante dénommée, pour les deux requérantes, et à Mme A... D... et M. C... B....