Vu la procédure suivante :
Les communes de Stains et de L'Ile-Saint-Denis, à l'appui de leur requête d'appel tendant à l'annulation du jugement n° 2000173 du 3 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elles disent avoir subis du fait de ses carences dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et dans les domaines de la sécurité, de l'éducation et de la justice, ont produit un mémoire, enregistré le 14 juin 2024 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elles soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par un arrêt n° 23PA01361 du 4 octobre 2024, enregistré le 7 octobre 2024 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande des communes de Stains et de L'Ile-Saint-Denis, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° et du sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 96-241 du 26 mars 1996 ;
- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la commune de Stains et de la commune de L'Ile-Saint-Denis ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2024, présentée par la commune de Stains et la commune de L'Isle-Saint-Denis ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales : " La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale a pour objet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ". L'article L. 2334-16 du même code dispose que bénéficient de cette dotation, " les deux premiers tiers des communes de plus de 10 000 habitants et plus, classées, chaque année, en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges défini à l'article L. 2334-17 ". Selon l'article L. 2334-17 de ce même code, cet indice est, pour une commune de plus de 10 000 habitants, obtenu par l'addition pondérée de quatre critères, fondés sur un rapport de comparaison entre la commune en cause avec la moyenne des communes de plus de 10 000 habitants. Dans la version de cet article applicable au litige, cet indicateur synthétique est constitué à 30 % par le rapport entre le potentiel financier de la commune et celui des communes de plus de 10 000 habitants prévu au 1° de cet article, à 30 % par le rapport entre la proportion de bénéficiaires d'aides au logement de la commune et celui des communes de plus de 10 000 habitants prévu au 3°, à 25 % par le rapport entre le revenu moyen par habitant de la commune et celui des communes de plus de 10 000 habitants prévu au 4° et à 15 % du rapport prévu au 2°, qui est ainsi présenté : " 2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus ". Le sixième alinéa de cet article L. 2334-17 dispose que : " Les logements sociaux retenus pour l'application du présent article sont les logements locatifs appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, aux sociétés d'économie mixte locales et aux filiales de la société ICADE, à l'exclusion des logements-foyers mentionnés au 5° de l'article L. 831-1 du code de la construction et de l'habitation. Sont aussi retenus comme des logements sociaux pour l'application du présent article les logements de la Société nationale immobilière ou de ses filiales qui appartenaient au 1er janvier 2006 à la société ICADE et qui sont financés dans les conditions fixées par le troisième alinéa de l'article L. 2335-3 et le dernier alinéa des articles L. 5214-23-2, L. 5215-35 et L. 5216-8-1 du présent code. Sont également considérés comme des logements sociaux pour l'application du présent article les logements faisant l'objet d'une opération de requalification de copropriétés dégradées reconnue d'intérêt national selon les modalités définies à l'article L. 741-2 du code de la construction et de l'habitation. Sont également considérés comme des logements sociaux pour l'application du présent article les logements appartenant à l'Entreprise minière et chimique et aux sociétés à participation majoritaire de l'Entreprise minière et chimique, les logements appartenant aux houillères de bassin, aux sociétés à participation majoritaire des houillères de bassin ainsi qu'aux sociétés à participation majoritaire des Charbonnages de France, les logements de la Société nationale immobilière qui appartenaient au 1er janvier 2001 aux Houillères du bassin de Lorraine et aux sociétés à participation majoritaire des Houillères du bassin de Lorraine et les logements appartenant à l'Etablissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais et les logements locatifs ayant bénéficié de prêts spéciaux consentis par le Crédit foncier de France appartenant à des personnes morales autres que celles citées ci-dessus à la condition qu'ils constituent sur le territoire d'une commune un ensemble d'au moins 2 000 logements (...) ".
3. A l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité qu'elles soulèvent à l'encontre des dispositions du 2° et du sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, les communes de Stains et de L'Ile-Saint-Denis soutiennent qu'elles méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti à l'article 72 de la Constitution.
4. L'indice synthétique calculé selon les dispositions de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales a principalement pour objet de permettre de classer les communes de plus de 10 000 habitants afin de déterminer celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine. Il résulte des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 26 mars 1996, dont les dispositions critiquées sont issues, que le législateur, sans chercher à établir une définition du logement social ni à énumérer de manière exhaustive tous les logements pouvant être qualifiés de " logements sociaux " aux termes d'autres législations, a entendu fixer une liste limitative de logements sociaux locatifs, aisément recensables dans toutes les communes, afin de fiabiliser le calcul du critère de la proportion de logements sociaux à prendre en compte pour le calcul de l'indice synthétique permettant d'allouer la dotation de solidarité urbaine.
5. D'une part, en retenant cette définition des logements sociaux pris en compte et, plus généralement, en définissant l'indicateur synthétique permettant de classer les communes, lequel repose non seulement sur le critère relatif à la proportion de logements sociaux mais aussi sur trois autres critères relatifs au potentiel financier, au revenu moyen par habitant et à la proportion de bénéficiaires d'aides sociales au logement, pris en compte, respectivement, pour 30%, 25% et 30% de cet indice, le législateur a adopté des critères objectifs et rationnels au regard de l'objet de la dotation de solidarité urbaine. Par suite, et en tout état de cause, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est dépourvu de caractère sérieux.
6. D'autre part, le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le caractère sérieux. Il ne saurait, dans ces conditions, conduire à transmettre la question de constitutionnalité soulevée au Conseil constitutionnel.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les communes de Stains et de L'Ile-Saint-Denis.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Stains, à la commune de L'Ile-Saint-Denis et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin