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15/01/2025 | FRANCE | N°473898

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15 janvier 2025, 473898


Vu la procédure suivante :



La société Saveurs d'ici a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000434 du 11 octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par une ordonnance n° 23BX00106 du 23 janvier 2023, la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté

l'appel formé par la société Saveurs d'ici contre ce jugement.



Par un p...

Vu la procédure suivante :

La société Saveurs d'ici a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000434 du 11 octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 23BX00106 du 23 janvier 2023, la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Saveurs d'ici contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Saveurs d'ici demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de la société Saveurs d'ici ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Saveurs d'ici a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application, aux bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2013 et 2014, de l'abattement prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts. Par un jugement du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ces deux exercices à la suite de cette rectification. La société Saveurs d'ici se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 janvier 2023 par laquelle la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " I. Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées (...) à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement (...) lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : / (...) / 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B (...) ; / (...) / Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement prévu au premier alinéa est pratiqué. (...) II.- Les bénéfices mentionnés au I, réalisés et déclarés (...) par les entreprises répondant aux conditions prévues au I, à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, font l'objet, dans la limite de 150 000 €, d'un abattement au titre de chaque exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008 ". Le I de l'article 199 undecies B du même code dispose que les " contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Le I de l'article 239 ter du même code prévoit que : " Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi (...) du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés ". Enfin, aux termes de l'article 218 bis de ce code : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de celles désignées au 5 de l'article précité, sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8,8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ". Il résulte de ces dispositions qu'une société civile de construction vente régie par l'article 239 ter du code général des impôts est soumise, ainsi que le précise le second alinéa du I de cet article, au même régime qu'une société en nom collectif effectuant les mêmes opérations, c'est-à-dire au régime prévu à l'article 8 du même code pour les sociétés de personnes. Ces sociétés ont une personnalité distincte de celle de leurs associés et exercent une activité qui leur est propre.

4. En application des dispositions mentionnées aux points 2 et 3, l'éligibilité à l'abattement prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts s'apprécie au niveau de la société soumise au régime fiscal prévu à l'article 8 de ce code, à raison de l'activité qu'elle exerce, indépendamment de celle exercée par ses associés.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que lorsqu'une entreprise éligible à l'abattement prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts est associée d'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, cet abattement s'applique aux bénéfices, y compris financiers et exceptionnels, résultant de l'exploitation de l'activité propre de cette entreprise, à l'exclusion des bénéfices correspondant à la quote-part lui revenant des résultats de la société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes dans laquelle elle détient une participation.

6. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que son auteure a, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, jugé que l'administration fiscale avait pu à bon droit remettre en cause l'abattement prévu par le I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dont s'était prévalue la société Saveurs d'ici, au motif qu'elle n'exerçait pas à titre principal une activité industrielle ou commerciale dès lors que l'essentiel des produits qu'elle réalisait étaient issus de placements financiers et de participations dans des sociétés civiles de construction vente soumises au régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'en statuant ainsi alors que ni la circonstance que la société Saveurs d'ici avait réalisé des bénéfices financiers, ni la circonstance qu'une partie de ses bénéfices correspondait à la quote-part lui revenant de résultats des sociétés soumises au régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts dans lesquelles elle détenait des participations, ne pouvait être utilement prise en compte pour déterminer si l'activité de la société Saveurs d'ici, qui exerçait, selon ses statuts, au titre des exercices en litige, une activité de production industrielle de plats cuisinés, de samoussas, de pâtisseries et autres spécialités locales, était éligible à l'avantage fiscal en cause, l'auteure de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Saveurs d'ici est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Saveurs d'ici, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 23 janvier 2023 de la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à la société Saveurs d'ici la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Saveurs d'ici et à la ministre chargée des comptes publics.

.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas,

M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 15 janvier 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Planchette

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473898
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - QUESTIONS COMMUNES - PERSONNES IMPOSABLES - SOCIÉTÉS DE PERSONNES - ACTIVITÉ ÉLIGIBLE À L’ABATTEMENT DE 50 % EN FAVEUR DES BÉNÉFICES PROVENANT D'EXPLOITATIONS SITUÉES DANS UN DÉPARTEMENT D’OUTRE-MER (ART - 44 QUATERDECIES DU CGI) – APPRÉCIATION – CAS D’UNE SOCIÉTÉ SOUMISE AU RÉGIME FISCAL DE L’ARTICLE 8 DU CGI.

19-04-01-01-02-03 En application des articles 8 et 44 quaterdecies ainsi que du I de l’article 199 undecies B du code général des impôts (CGI), l’éligibilité à l’abattement prévu au I de ce même article 44 quaterdecies s’apprécie au niveau de la société soumise au régime fiscal prévu à l’article 8 de ce code, à raison de l’activité qu’elle exerce, indépendamment de celle exercée par ses associés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - CALCUL DE L'IMPÔT - ABATTEMENT DE 50 % EN FAVEUR DES BÉNÉFICES PROVENANT D'EXPLOITATIONS SITUÉES DANS UN DÉPARTEMENT D’OUTRE-MER (ART - 44 QUATERDECIES DU CGI) – 1) EXERCICE D’UNE ACTIVITÉ ÉLIGIBLE – APPRÉCIATION – CAS D’UNE SOCIÉTÉ SOUMISE AU RÉGIME FISCAL DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES – 2) ASSIETTE – CAS D’UNE ENTREPRISE ASSOCIÉE D’UNE TELLE SOCIÉTÉ.

19-04-02-01-08 1) En application des articles 8 et 44 quaterdecies ainsi que du I de l’article 199 undecies B du code général des impôts (CGI), l’éligibilité à l’abattement prévu au I de ce même article 44 quaterdecies s’apprécie au niveau de la société soumise au régime fiscal prévu à l’article 8 de ce code, à raison de l’activité qu’elle exerce, indépendamment de celle exercée par ses associés. ...2) Il en résulte que lorsqu’une entreprise éligible à l’abattement prévu au I de l’article 44 quaterdecies est associée d’une société soumise au régime fiscal des société de personnes, cet abattement s’applique aux bénéfices, y compris financiers et exceptionnels, résultant de l’exploitation de l’activité propre de cette entreprise, à l’exclusion des bénéfices correspondant à la quote-part lui revenant des résultats de la société soumise au régime fiscal des société de personnes dans laquelle elle détient une participation.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - RÉGIME ÉCONOMIQUE ET FINANCIER - ABATTEMENT DE 50 % EN FAVEUR DES BÉNÉFICES PROVENANT D'EXPLOITATIONS SITUÉES DANS UN DÉPARTEMENT D’OUTRE-MER (ART - 44 QUATERDECIES DU CGI) – 1) EXERCICE D’UNE ACTIVITÉ ÉLIGIBLE – APPRÉCIATION – CAS D’UNE SOCIÉTÉ SOUMISE AU RÉGIME FISCAL DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES – 2) ASSIETTE – CAS D’UNE ENTREPRISE ASSOCIÉE D’UNE TELLE SOCIÉTÉ.

46-01-06 1) En application des articles 8 et 44 quaterdecies ainsi que du I de l’article 199 undecies B du code général des impôts (CGI), l’éligibilité à l’abattement prévu au I de ce même article 44 quaterdecies s’apprécie au niveau de la société soumise au régime fiscal prévu à l’article 8 de ce code, à raison de l’activité qu’elle exerce, indépendamment de celle exercée par ses associés. ...2) Il en résulte que lorsqu’une entreprise éligible à l’abattement prévu au I de l’article 44 quaterdecies est associée d’une société soumise au régime fiscal des société de personnes, cet abattement s’applique aux bénéfices, y compris financiers et exceptionnels, résultant de l’exploitation de l’activité propre de cette entreprise, à l’exclusion des bénéfices correspondant à la quote-part lui revenant des résultats de la société soumise au régime fiscal des société de personnes dans laquelle elle détient une participation.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jan. 2025, n° 473898
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:473898.20250115
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