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30/01/2025 | FRANCE | N°497272

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 30 janvier 2025, 497272


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L.521-3 du code de justice administrative, d'ordonner sous astreinte, d'une part, au préfet de Seine-et-Marne de la convoquer afin d'enregistrer sa demande de carte de résident et de lui délivrer une attestation de prolongation d'instruction d'une demande de titre de séjour et, d'autre part, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de transmettre à ce préfet l'attestation d'état civil prévue à

l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L.521-3 du code de justice administrative, d'ordonner sous astreinte, d'une part, au préfet de Seine-et-Marne de la convoquer afin d'enregistrer sa demande de carte de résident et de lui délivrer une attestation de prolongation d'instruction d'une demande de titre de séjour et, d'autre part, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de transmettre à ce préfet l'attestation d'état civil prévue à l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la fabrication du titre de séjour et de procéder à la mise à jour de la fiche " Telemofpra " la concernant.

Par une ordonnance n° 2402198 du 12 août 2024, ce juge des référés a, d'une part, enjoint au préfet de Seine-et-Marne d'enregistrer la demande de Mme A... en qualité de bénéficiaire de la protection internationale et de lui délivrer, dans un délai de dix jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail devant, le cas échéant, être renouvelée sans discontinuité jusqu'à la remise effective de la carte de résident à laquelle elle a droit et, d'autre part, enjoint au directeur général de l'OFPRA de transmettre au préfet l'attestation d'état civil de Mme A..., prévue à l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la fabrication de la carte de résident, dans un délai d'un mois à compter de son ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 11 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cette ordonnance ;

2°) statuant en référé dans cette mesure, de rejeter la demande de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA et à Me Galy, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que, par une décision du 3 juillet 2023, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu le statut de réfugié à Mme A..., ressortissante nigériane. Sa demande de titre de séjour n'ayant pas été enregistrée, Mme A... a demandé à ce juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner, sous astreinte, d'une part, au préfet de Seine-et-Marne de la convoquer afin d'enregistrer sa demande de carte de résident et de lui délivrer une attestation de prolongation d'instruction d'une demande de titre de séjour et, d'autre part, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de remettre à ce préfet l'attestation d'état civil, prévue à l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la fabrication du titre de séjour et de procéder à la mise à jour de la fiche " Telemofpra " la concernant. Par une ordonnance du 12 août 2024, le juge des référés a fait droit à sa demande. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en tant que, par son article 2, elle lui enjoint de transmettre au préfet, dans un délai d'un mois, l'attestation d'état civil de Mme A..., en vue de la fabrication de sa carte de résident.

2. Aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est habilité à délivrer aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d'apatride, après enquête s'il y a lieu, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. Les pièces délivrées par l'office ne sont pas soumises à l'enregistrement ni au droit de timbre ". Le décret du 6 mai 2017 relatif à l'état civil dispose que " les personnes habilitées auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à exercer les fonctions d'officier de l'état civil sont, dans le cadre de ces activités, placées sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris ". En outre, l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " l'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". S'agissant des personnes ayant obtenu la qualité de réfugié, l'annexe 10 de ce code dispose que les justificatifs d'état civil sont constitués par une " attestation d'état civil (transmise par l'OFPRA à la préfecture en vue de la fabrication du titre) ". Enfin, l'article R. 431-15-3 de ce code dispose que dès que le réfugié demande la délivrance de la carte de résident prévue à l'article L. 424-1, " une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande mentionnée au deuxième alinéa de l'article R. 431-15-1, d'une durée de six mois renouvelable, est mise à sa disposition par le préfet au moyen de ce téléservice. Cette attestation porte la mention " reconnu réfugié ". Ce document lui permet de justifier de la régularité de son séjour pendant la durée qu'il précise et lui confère le droit d'exercer la profession de son choix dans les conditions prévues à l'article L. 414-10 ".

3. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, l'attestation d'état civil transmise par l'OFPRA à la préfecture en vue de la fabrication du titre de séjour constitue le document justifiant de l'état civil du demandeur requis par l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas détachable de l'activité d'état civil qui incombe à l'OFPRA et, d'autre part, l'activité de l'OFPRA en matière d'état-civil est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire. En conséquence, les litiges relatifs à la délivrance par l'OFPRA des attestations tenant lieu d'acte d'état civil ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires.

4. Pour écarter l'exception d'incompétence soulevée devant lui, le juge des référés du tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce que l'attestation d'état civil mentionnée à l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituait pas un acte d'état civil au sens de l'article L. 121-9 de ce code. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cette attestation n'est pas détachable de l'activité d'état civil de l'OFPRA et que les litiges relatifs à sa délivrance ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la demande présentée par Mme A... doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

7. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 12 août 2024 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'OFPRA de transmettre au préfet de Seine-et-Marne l'attestation d'état civil prévue à l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 janvier 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Pierra Mery

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 497272
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

- LITIGES RELATIFS À LA DÉLIVRANCE PAR L’OFPRA DES ATTESTATIONS TENANT LIEU D’ACTE D’ÉTAT CIVIL EN VUE DE LA FABRICATION DE TITRES DE SÉJOUR – COMPÉTENCE JUDICIAIRE [RJ1].

095-01-06 Il résulte des articles L. 121-9, R. 431-10 et R. 431-15-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ainsi que du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017, que, d’une part, l’attestation d’état civil transmise par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à la préfecture en vue de la fabrication du titre de séjour constitue le document justifiant de l’état civil requis par l’article R. 431-10 du CESEDA et n’est pas détachable de l’activité d’état civil qui incombe à l’OFPRA et, d’autre part, l’activité de l’OFPRA en matière d’état-civil est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire....En conséquence, les litiges relatifs à la délivrance par l’OFPRA des attestations tenant lieu d’acte d’état civil ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - ÉTAT DES PERSONNES - LITIGES RELATIFS À LA DÉLIVRANCE PAR L’OFPRA DES ATTESTATIONS TENANT LIEU D’ACTE D’ÉTAT CIVIL EN VUE DE LA FABRICATION DE TITRES DE SÉJOUR – COMPÉTENCE JUDICIAIRE [RJ1].

17-03-02-08-03 Il résulte des articles L. 121-9, R. 431-10 et R. 431-15-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ainsi que du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017, que, d’une part, l’attestation d’état civil transmise par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à la préfecture en vue de la fabrication du titre de séjour constitue le document justifiant de l’état civil requis par l’article R. 431-10 du CESEDA et n’est pas détachable de l’activité d’état civil qui incombe à l’OFPRA et, d’autre part, l’activité de l’OFPRA en matière d’état-civil est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire....En conséquence, les litiges relatifs à la délivrance par l’OFPRA des attestations tenant lieu d’acte d’état civil ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ÉTAT DES PERSONNES - QUESTIONS DIVERSES RELATIVES À L`ÉTAT DES PERSONNES - LITIGES RELATIFS À LA DÉLIVRANCE PAR L’OFPRA DES ATTESTATIONS TENANT LIEU D’ACTE D’ÉTAT CIVIL EN VUE DE LA FABRICATION DE TITRES DE SÉJOUR – COMPÉTENCE JUDICIAIRE [RJ1].

26-01-04 Il résulte des articles L. 121-9, R. 431-10 et R. 431-15-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ainsi que du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017, que, d’une part, l’attestation d’état civil transmise par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à la préfecture en vue de la fabrication du titre de séjour constitue le document justifiant de l’état civil requis par l’article R. 431-10 du CESEDA et n’est pas détachable de l’activité d’état civil qui incombe à l’OFPRA et, d’autre part, l’activité de l’OFPRA en matière d’état-civil est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire....En conséquence, les litiges relatifs à la délivrance par l’OFPRA des attestations tenant lieu d’acte d’état civil ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2025, n° 497272
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pierra Mery
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : GALY ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497272.20250130
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