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30/01/2025 | FRANCE | N°498412

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 30 janvier 2025, 498412


Vu la procédure suivante :



Par un jugement n° 2407072 du 14 octobre 2024, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, avant de statuer sur la demande de M. F... B... tendant à l'annulation de la décision du 29 août 2024 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis fin au bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrat

ive, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumett...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2407072 du 14 octobre 2024, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, avant de statuer sur la demande de M. F... B... tendant à l'annulation de la décision du 29 août 2024 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis fin au bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est-il une " autorité chargée de l'asile " au sens des dispositions du 3° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile '

2°) En cas de réponse positive à la première question, la circonstance que le demandeur d'asile n'ait pas répondu à une ou plusieurs convocations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration constitue-t-elle un des " cas exceptionnels " dans lesquels lOffice peut retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, au sens des dispositions de l'article 20 de la directive 2013/33/UE auxquelles renvoie l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile '

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

REND L'AVIS SUIVANT

1. Aux termes de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " 1. Les Etats membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : / (...) b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national ; (...) / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1 (...) du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. (...) ".

2. L'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que : " Il est mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / (...) 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 551-18 du même code : " La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application de l'article L. 551-16 est écrite, motivée et prise après que le demandeur a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans un délai de quinze jours. Elle prend en compte la situation particulière et la vulnérabilité de la personne concernée. Dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 551-16, elle ne peut être prise que dans des cas exceptionnels. "

3. En vertu de l'article L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, établissement public administratif de l'Etat qui est mentionné, aux côtés de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au chapitre 1er du titre II du livre 1er de ce code intitulé " Administrations en charge de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", est notamment chargé, sur l'ensemble du territoire, de coordonner la gestion de l'hébergement dans les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile et a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives à l'accueil des demandeurs d'asile et à la gestion de l'allocation pour demandeur d'asile. A ce titre, il lui revient, en application des articles L. 522-1 et suivant du même code, d'évaluer la vulnérabilité des demandeurs d'asile et, en vertu des articles L. 551-1 et suivants de ce code, de se prononcer sur le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

4. Il résulte de l'économie générale de ces dispositions que l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être regardé comme une autorité chargée de l'asile. Il en va notamment ainsi pour l'application des dispositions du 3° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Le fait pour un demandeur d'asile de ne pas se présenter à des convocations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est susceptible de constituer un des " cas exceptionnels ", au sens des dispositions du point 1 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, auquel renvoie l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article D. 551-18 de ce code, pouvant justifier que l'Office mette fin aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie ce demandeur. La décision de mettre fin aux conditions matérielles d'accueil est toutefois subordonnée à un examen préalable de la situation particulière de l'intéressé au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que des circonstances ayant conduit à son défaut de présentation, et doit être proportionnée ainsi que le prévoit l'article 20 de cette directive.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Grenoble, à M. F... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 janvier 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme A... K..., M. E... M..., M. L... G..., M. J... N..., M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 30 janvier 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 498412
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Autres

Analyses

- AUTORITÉS CHARGÉES DE L’ASILE – INCLUSION – OFII.

095-01 Il résulte de l’économie générale des articles L. 121-1, L. 522-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être regardé comme une autorité chargée de l’asile. Il en va notamment ainsi pour l’application des dispositions du 3° de l’article L. 551-16 du CESEDA.

- CESSATION DES CONDITIONS MATÉRIELLES D’ACCUEIL (ART - L - 551-16 DU CESEDA) – 1) AUTORITÉS CHARGÉES DE L’ASILE – INCLUSION – OFII – 2) MOTIF DE NATURE À LA JUSTIFIER – DÉFAUT DE PRÉSENTATION À UNE CONVOCATION DE L’OFII – EXISTENCE – CONDITIONS.

095-02-06-02 1) Il résulte de l’économie générale des articles L. 121-1, L. 522-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être regardé comme une autorité chargée de l’asile. Il en va notamment ainsi pour l’application des dispositions du 3° de l’article L. 551-16 du CESEDA. ...2) Le fait pour un demandeur d’asile de ne pas se présenter à des convocations de l’OFII est susceptible de constituer un des « cas exceptionnels », au sens du point 1 de l’article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, auquel renvoie l’article L. 551-16 du CESEDA, et de l’article D. 551-18 de ce code, pouvant justifier que l’Office mette fin aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficie ce demandeur. La décision de mettre fin aux conditions matérielles d’accueil est toutefois subordonnée à un examen préalable de la situation particulière de l’intéressé au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d’accueil ainsi que des circonstances ayant conduit à son défaut de présentation, et doit être proportionnée ainsi que le prévoit l’article 20 de cette directive.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2025, n° 498412
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498412.20250130
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