Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 26 décembre 2023 et le 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 20 octobre 2023 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". L'article 21-4 du même code prévoit toutefois que : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai d'un an à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant marocain, a souscrit le 28 juin 2021 une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage. Par le décret attaqué, la Première ministre s'est opposée à l'acquisition de la nationalité française au motif que M. A... ne pouvait être regardé comme digne de l'acquérir.
3. En premier lieu, aux termes des deux premiers alinéas de l'article 32 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Lorsque le Gouvernement veut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par une personne l'ayant réclamée au titre de l'article 21-2,21-13-1 ou 21-13-2 du code civil, le ministre chargé des naturalisations notifie les motifs de fait et de droit qui justifient l'intention de faire opposition à l'intéressé qui dispose d'un délai qui ne peut être inférieur à un mois pour produire un mémoire en défense. / La notification est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle peut également l'être en la forme administrative par l'autorité qui a reçu la déclaration. / Le décret d'opposition prend effet à la date de sa signature ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a indiqué à M. A... les motifs s'opposant à l'acquisition de la nationalité française par une lettre notifiée le 15 juin 2023. M. A... a produit des observations en défense, reçues le 4 août 2023. La circonstance que l'administration n'ait pas répondu aux arguments présentés par l'intéressé est sans incidence sur la régularité de la procédure.
5. En deuxième lieu, le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, suffisamment motivé.
6. En troisième lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que ce décret a été signé par la Première ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Le décret et l'ampliation notifiée à M. A... n'avaient pas à être revêtus de ces signatures.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier, en particulier des indications circonstanciées données par le ministre de l'intérieur, fondées sur une note blanche du 3 mars 2023 versée au débat contradictoire, que M. A... a entretenu et entretient des liens avec des individus acquis aux thèses rigoristes de l'Islam et contribue dans le cadre de sa profession à la diffusion de thèses visant à l'instauration d'un califat islamique mondial fondé sur la charia. Il a ainsi eu de nombreux contacts téléphoniques avec des militants islamistes radicaux entre novembre 2021 et janvier 2022. En estimant, à la date du décret attaqué, que ces faits, eu égard à leur gravité ainsi que leur caractère répété et récent, rendaient M. A... indigne d'acquérir la nationalité française, la Première ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 20 octobre 2023 par lequel la Première ministre lui a refusé l'acquisition de la nationalité française. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.