Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine l'a, le 11 janvier 2018, déchu des droits à subvention qu'il détenait en application de la convention du 9 novembre 2011, signée en vue de la sortie de flotte du navire Basurdéa, et la décision du même préfet du 11 avril 2018 rejetant le recours gracieux qu'il avait formé contre cette décision et, d'autre part, de le décharger de la somme globale de 57 000 euros mise à sa charge le 20 mars 2018 par le président directeur général de l'Agence de services et de paiement en exécution de la décision de déchéance de droits du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine du 11 janvier 2018. Par un jugement n° 1801084, 1801085 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20BX03085 du 25 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2022 et 23 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil du 27 juillet 2006 ;
- l'arrêté du 3 août 2011 relatif à la mise en œuvre d'un plan de sortie de flotte pour les navires pêchant l'anguille ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., alors marin-pêcheur à Capbreton (Landes) et armateur propriétaire du navire de pêche professionnel " Basurdea ", a demandé, le 11 août 2011, à bénéficier d'une aide publique à l'arrêt définitif des activités de pêche de ce navire avec la participation financière du Fonds européen pour la pêche (FEP), dans le cadre du plan de sortie de flotte mis en place par l'arrêté du 3 août 2011 relatif à la mise en œuvre d'un plan de sortie de flotte pour les navires pêchant l'anguille. Par une convention n° 36588/2011 du 9 novembre 2011, le préfet de la région Aquitaine lui a attribué une aide publique d'un montant de 57 000 euros pour la destruction de ce navire. Par un avenant du 13 avril 2012, l'aide a été attribuée à la copropriété Basurdea, dont M. B... est propriétaire majoritaire et mandataire. Par une décision de déchéance de droits du 11 janvier 2018, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a demandé à M. B... le remboursement total de cette aide en raison de l'absence de destruction du navire. Par un courrier du 11 avril 2018, le même préfet a rejeté le recours gracieux de M. B... du 7 mars 2018 à l'encontre de cette décision. Entre-temps, le 20 mars 2018, le directeur de l'Agence de services et de paiement (ASP) a, en exécution de ladite décision, émis, à l'encontre de la copropriété Basurdea, un état exécutoire d'un montant de 57 000 euros. Par un jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de M. B... tendant, d'une part, à l'annulation des décisions du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine du 11 janvier 2018 et du 11 avril 2018 et, d'autre part, à la décharge de la somme de 53 000 euros mise à sa charge le 20 mars 2018 par le président de l'ASP. M. B... se pourvoit contre l'arrêt du 25 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (CE) n° 1198/2006 du 27 janvier 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche : " 1. Chaque État membre établit un programme opérationnel destiné à mettre en œuvre les politiques et les priorités appelées à être cofinancées par le FEP. Le programme opérationnel est compatible avec le plan stratégique national. / (...) / 4. L'État membre présente à la Commission une proposition de programme opérationnel contenant tous les éléments visés à l'article 20 dans un délai permettant son adoption le plus rapidement possible. 5. La Commission examine la proposition de programme opérationnel afin de déterminer si elle contribue à la réalisation des objectifs fixés à l'article 4, respecte les principes directeurs énoncés à l'article 19 et est compatible avec le volet pertinent du plan stratégique national, en tenant compte de l'évaluation ex ante prévue à l'article 48. / (...) L'État membre présente ensuite son programme opérationnel à la Commission qui arrête une décision approuvant ledit programme dans les meilleurs délais et au plus tard quatre mois après la réception du programme ". Aux termes de l'article 21 du même règlement : " Les interventions du FEP en faveur de l'adaptation de la flotte de pêche communautaire concernent: / a) les aides publiques aux propriétaires de navires de pêche et aux pêcheurs concernés par des plans d'ajustement de l'effort de pêche lorsque ceux-ci font partie : / (...) / vi) de plans nationaux de sortie de flotte dans le cadre des obligations définies aux articles 11 à 16 du règlement (CE) n° 2371/2002 relatifs à l'adaptation de la capacité de pêche de la flotte de pêche communautaire. / (...) ". Aux termes de son article 22 : " 1. Chaque État membre définit, dans son plan stratégique national, sa politique en matière d'ajustement de l'effort de pêche (...). / 2. Les plans d'ajustement de l'effort de pêche peuvent comporter toutes les mesures pertinentes figurant dans le présent chapitre ". Enfin, aux termes de son article 23 : " 1. Le FEP contribue au financement de l'arrêt définitif des activités de pêche de navires de pêche pour autant qu'il s'inscrive dans un plan d'ajustement de l'effort de pêche visé à l'article 21, point a). L'arrêt définitif des activités de pêche d'un navire de pêche ne peut se faire que par : / a) la démolition du navire de pêche, / b) sa réaffectation, sous pavillon d'un État membre et avec immatriculation dans la Communauté, à des activités autres que la pêche, / c) sa réaffectation à la création de récifs artificiels. Les États membres veillent à ce qu'une évaluation de l'impact sur l'environnement soit réalisée avant ces opérations et à ce que ces dernières contribuent à la réalisation des objectifs visés à l'article 38, paragraphe 2, point a). / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 3 août 2011 relatif à la mise en œuvre d'un plan de sortie de flotte pour les navires pêchant l'anguille, qui a mis en œuvre, au niveau national, le programme opérationnel en vue d'un soutien communautaire au titre du FEP en France pour la période de programmation 2007-2013, approuvé par la décision C(2007) 6791 de la Commission des Communautés Européennes du 19 décembre 2007 : " Les dossiers de demande d'aide à la cessation définitive d'activité sont déposés auprès des directions de la mer. La date limite de réception du dossier est fixée au 26 août 2011. (...) Un projet de convention de sortie de flotte est proposé à l'armateur. (...) Le demandeur (...) s'engage à détruire son navire dans un délai de trois mois à compter de la date de décision administrative d'octroi de l'aide par le préfet de région. (...) Seule la destruction est retenue comme mode de sortie de flotte. (...) ".
4. Il résulte des dispositions du règlement (CE) n° 1198/2006 du 27 janvier 2006 citées au point 2 qu'il appartient à chaque Etat membre, quand il définit un plan national de sortie de flotte au financement duquel le FEP est appelé à contribuer, de choisir, parmi les trois modalités énumérées à son article 23, celles qu'il entend retenir afin d'assurer l'ajustement de son effort de pêche, sans imposer de toutes les retenir. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en ne retenant comme mode de sortie de flotte que la destruction du navire, qui est l'une des trois modalités prévues par l'article 23 du règlement (CE) n° 1198/2006 du 27 janvier 2006, l'article 5 de l'arrêté du 3 août 2011 n'a pas méconnu les dispositions de ce règlement.
5. En deuxième lieu, la différence de traitement opérée entre les pêcheurs ayant procédé à la destruction de leurs navires et ceux les ayant réaffectés à une activité autre que la pêche procède directement de la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 23 du règlement (CE) n° 1198/2006, de n'accorder le bénéfice de l'aide à l'arrêt définitif des activités de pêche que dans le cas de la démolition du navire de pêche. M. B..., qui ne conteste pas la validité des dispositions du règlement au regard du principe de non-discrimination du droit de l'Union européenne, ne saurait par suite utilement soutenir que l'article 5 de l'arrêté du 3 août 2011 méconnaîtrait ce même principe.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 9 novembre 2011 entre le préfet de la région Aquitaine et M. B... : " En cas de non-respect des clauses du présent arrêté et en particulier la non-exécution totale ou partielle de l'opération, de l'utilisation des fonds non conformes à l'objet du présent arrêté, ou de refus de se soumettre aux contrôles, le préfet décide de mettre fin à l'aide et d'exiger le reversement partiel ou total des sommes déjà versées, majoré d'intérêts de retard et éventuellement de pénalités financières, sans préjudice des autres poursuites et sanctions prévues dans les textes en vigueur ". En estimant qu'une exécution seulement partielle de l'opération n'oblige pas le préfet à n'exiger qu'un reversement partiel de l'aide, la cour administrative d'appel n'a ni dénaturé ces stipulations, ni commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie sera transmise à l'Agence de services et de paiement.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, conseillers d'Etat, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 21 février 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin