Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 492230, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées (SYNERPA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 décembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la comptabilité analytique applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes gérés par des organismes à but lucratif ou non habilités ou minoritairement habilités à l'aide sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 492614, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mars et 1er novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées (SYNERPA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note d'information n° DGCS/SD5B/2024/1 du 2 janvier 2024 relative à la mise en œuvre d'une comptabilité analytique dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) gérés par des organismes à but lucratif ou non - ou minoritairement - habilités à l'aide sociale à l'hébergement, et à la mission d'attestation du commissaire aux comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 ;
- l'ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2016-1815 du 21 décembre 2016 ;
- le décret n° 2022-734 du 28 avril 2022 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 fixant les modèles de documents mentionnés aux articles R. 314-211, R. 314-216, R. 314-217, R. 314-219, R. 314-223, R. 314-224, R. 314-225, R. 314-232, R. 314-233, R. 314-240 et R. 314-242 du code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 janvier 2025, présentée par le syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées ;
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 28 avril 2022 portant diverses mesures d'amélioration de la transparence financière dans la gestion des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a complété l'article R. 314-104 de ce code par un II ainsi rédigé : " Lorsqu'un même organisme gère plusieurs établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I, une comptabilité analytique distincte est tenue pour chaque établissement ou service, aux fins de retracer l'utilisation des dotations publiques, d'établir le cas échéant les marges réalisées et les flux financiers existant entre l'organisme gestionnaire et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes qu'il gère. / Chaque organisme gestionnaire fait attester par un commissaire aux comptes les éléments de comptabilité analytique mentionnés à l'alinéa précédent. / Un arrêté du ministre chargé de l'action sociale fixe les règles de mise en œuvre de cette comptabilité analytique et les modalités de l'attestation du commissaire aux comptes, ainsi que les modalités de leur transmission aux autorités de tarification et de contrôle ".
2. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'arrêté du 29 décembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la comptabilité analytique applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes gérés par des organismes à but lucratif ou non habilités ou minoritairement habilités à l'aide sociale, pris pour l'application de ce décret, et, d'autre part, de la note d'information du 2 janvier 2024 relative à la mise en œuvre d'une comptabilité analytique dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) gérés par des organismes à but lucratif ou non - ou minoritairement - habilités à l'aide sociale à l'hébergement, et à la mission d'attestation du commissaire aux comptes, qui apporte des précisions sur la mise en œuvre de cet arrêté.
Sur l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Il résulte de ces dispositions que M. B... A..., nommé directeur général de la cohésion sociale par un décret du 20 juillet 2022, publié au Journal officiel de la République française du lendemain, avait qualité pour signer l'arrêté attaqué au nom du ministre chargé de l'action sociale.
4. En deuxième lieu, si le dernier alinéa de l'article R. 314-101 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant du décret du 21 décembre 2016 modifiant les dispositions financières applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, prévoit que " les dispositions des deux derniers alinéas de l'article R. 314-104 ne sont pas applicables " aux établissements et services gérés par une personne morale de droit privé à but lucratif et relevant d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens mentionné au IV ter de l'article L. 312-12 ou à l'article L. 313-12-2 de ce code, il doit être regardé, en l'absence de tout doute sur la portée de ce renvoi, comme faisant référence aux deux derniers alinéas de ce qui, postérieurement au décret du 21 décembre 2016, par l'effet du décret du 28 avril 2022 portant diverses mesures d'amélioration de la transparence financière dans la gestion des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, est devenu le I de cet article et ne vise pas les nouvelles dispositions introduites par ce dernier décret au sein d'un II qu'il a créé au sein de l'article R. 314-104 du même code. Le ministre chargé de l'action sociale était donc compétent pour édicter l'arrêté d'application de ce II concernant les établissements et services gérés par une personne morale de droit privé à but lucratif et relevant d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens mentionné au IV ter de l'article L. 312-12 ou à l'article L. 313-12-2 de ce code.
5. En dernier lieu, si, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 22 janvier 2009 créant l'Autorité des normes comptables, dans sa rédaction applicable au litige, cette autorité " 1° (...) établit sous forme de règlements les prescriptions comptables générales et sectorielles que doivent respecter les personnes physiques ou morales soumises à l'obligation légale d'établir des documents comptables conformes aux normes de la comptabilité privée ; / 2° Elle donne un avis sur toute disposition législative ou réglementaire contenant des mesures de nature comptable applicables aux personnes visées au 1°, élaborée par les autorités nationales (...) ", l'arrêté attaqué n'avait pas à être établi par cette autorité ou après son avis dès lors qu'il ne contient aucune mesure ou prescription comptable générale ou sectorielle, mais seulement des dispositions visant à l'application de la comptabilité analytique des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes gérés par des organismes à but lucratif.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, si le syndicat requérant soutient que l'arrêté qu'il attaque est illégal en raison de l'illégalité de l'article R. 314-104 du code de l'action sociale et des familles, qui constitue sa base légale, d'une part, cet article, issu du décret du 28 avril 2022 précité, qui a été pris sur le fondement de l'article L. 314-13 du même code habilitant un décret en Conseil d'Etat à déterminer les modalités d'application des dispositions financières de ce code applicables aux établissements et services soumis à autorisation, n'est pas lui-même dépourvu de base légale et n'est pas devenu illégal du fait de l'adoption de la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 ayant créé à son article 62 l'article L. 313-13-3 du même code, qui ne comporte aucune disposition à laquelle il serait contraire.
7. D'autre part, le contrôle exercé par l'autorité de tarification en matière budgétaire, comptable et financière tenant à la nécessité de contrôler l'usage qui est fait des fonds publics servant à les financer, il justifie de disposer non seulement d'une comptabilité analytique pour les établissements concernés mais aussi des marges réalisées et des flux financiers existant entre l'organisme gestionnaire et les établissements qu'il gère. Il définit avec une précision suffisante cette obligation de communication pour atteindre le résultat attendu et pouvait se borner à renvoyer à un arrêté ministériel ultérieur la fixation de ses modalités, s'agissant en particulier de l'établissement d'une comptabilité analytique par section tarifaire et de la définition des marges réalisées par les établissements concernés.
8. Enfin, en soumettant les seuls établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes gérés par des organismes à but lucratif à l'obligation de transmettre aux autorités de tarification une comptabilité analytique, le pouvoir réglementaire a pris en compte la nature commerciale de cette catégorie d'établissements, laquelle peut justifier un suivi renforcé de l'utilisation des deniers publics versés à ces établissements, sans être manifestement disproportionné au regard de l'objectif ainsi poursuivi, ni, par suite, porter une atteinte illégale au principe d'égalité faute de prévoir la même obligation à l'égard des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes gérés par des personnes publiques ou privées à but non lucratif.
9. En deuxième lieu, selon le II de l'article 2 de l'arrêté attaqué : " La marge réalisée est définie comme étant le résultat de chacune des sections tarifaires de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, avant impôt sur les sociétés et participation des salariés ". L'exclusion, pour la détermination des marges réalisées par les établissements concernés dont il doit être rendu compte dans le cadre de la comptabilité analytique prévue par l'article R. 314-104 du code de l'action sociale et des familles aux fins d'améliorer la transparence financière de leur gestion, de l'impôt sur les sociétés et de la participation des salariés aux bénéfices de l'entreprise, ne méconnaît pas les articles R. 314-166 et R. 314-176 du même code, qui prévoient qu'aucun impôt ni aucune participation ne peuvent être imputés comme charges d'exploitation sur les sections tarifaires relatives aux soins et à la dépendance. Par mesure de simplification, le pouvoir réglementaire pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, procéder à la même exclusion au titre de la section tarifaire relative à l'hébergement.
10. En dernier lieu, si l'article 6 de l'arrêté attaqué prévoit qu'il entre en vigueur " à compter de l'exercice budgétaire et comptable 2023 ", cette entrée en vigueur est conforme à l'article 3 du décret du 28 avril 2022 précité qui prévoit une application du II de l'article R. 314-104 du code de l'action sociale et des familles à compter du même exercice. Il ne porte pas, ce faisant, atteinte au principe de sécurité juridique ni ne méconnaît l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors, d'une part, que l'article 4 de l'arrêté attaqué prévoit que les données de la comptabilité analytique sont établies annuellement à la même date de clôture que celle retenue pour l'établissement des comptes annuels de l'organisme gestionnaire, soit postérieurement à cette clôture, et, d'autre part, que le I de l'article 3 de l'arrêté attaqué prévoit que l'utilisation des dotations publiques annuelles est justifiée dans l'annexe 9E1 " Tableau de présentation tarifaire d'un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, d'une petite unité de vie ou d'un accueil de jour " que les établissements concernés étaient déjà tenus de produire en vertu de l'arrêté du 27 décembre 2016 fixant les modèles de documents mentionnés aux articles R. 314-211, R. 314-216, R. 314-217, R. 314-219, R. 314-223, R. 314-224, R. 314-225, R. 314-232, R. 314-233, R. 314-240 et R. 314-242 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l'arrêté du 25 novembre 2022 modifiant les modèles de documents prévus dans le chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l'action sociale et des familles, également applicable à compter de l'exercice 2023, et que l'état " Suivi des réserves, des subventions, des reports à nouveau, des provisions réglementées, des provisions et des fonds dédiés, constitués sur des financements publics " figurant à l'annexe I de l'arrêté attaqué est conforme au modèle d'état réalisé des recettes et des dépenses figurant à l'annexe 8 du même arrêté du 27 décembre 2016 et prévoyant une répartition des charges par section tarifaire pour les établissements concernés.
11. Il résulte de ce qui précède que le syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2023.
Sur la note d'information attaquée :
12. En premier lieu, les conclusions du syndicat requérant tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2023 ayant été rejetées, il n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la note d'information attaquée devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cet arrêté. Il n'est pas non plus fondé à soutenir que la note d'information attaquée devrait être annulée par les mêmes moyens que ceux écartés aux points 6 à 9.
13. En deuxième lieu, l'article R. 314-104 du code de l'action sociale et des familles confie au ministre chargé de l'action sociale la compétence pour fixer les règles de mise en œuvre de la comptabilité analytique applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et les modalités de l'attestation par un commissaire aux comptes de ces éléments, ainsi que les modalités de leur transmission aux autorités de tarification et de contrôle. Par suite, ce ministre était compétent pour prendre, sur ce fondement, les dispositions en litige relatives à l'objet de la mission du commissaire aux comptes, au périmètre de son contrôle et aux méthodes qu'il doit employer. La circonstance qu'il l'ait fait par la note d'information attaquée plutôt que par arrêté est sans influence sur leur légalité. Il en va de même de la circonstance que cette note fasse figurer en annexe un avis technique de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes que ce ministre n'aurait pas été lui-même compétent pour prendre.
14. En dernier lieu, selon l'article 5 de l'arrêté du 29 décembre 2023 : " L'attestation établie, au titre de chaque exercice, par le commissaire aux comptes, ou lorsqu'il n'en n'existe pas, par un commissaire aux comptes désigné à cet effet, est transmise par l'organisme gestionnaire aux autorités de tarification compétentes dans les deux mois qui suivent l'approbation, au sein de cet organisme, de ces comptes au titre de l'exercice concerné ". Les nouvelles missions des commissaires aux comptes précisées par les dispositions de la note attaquée doivent être effectuées postérieurement à l'établissement des comptes de l'établissement concerné, soit au-delà du 30 avril de l'année suivant l'exercice comptable considéré et sur la base de données récapitulées par l'organisme gestionnaire après la clôture de l'exercice. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la note attaquée, publiée le 15 janvier 2024, n'est donc entachée d'aucune rétroactivité en tant qu'elle s'applique à compter de l'exercice comptable 2023.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes du syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes du syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national des établissements, résidences et services d'aides à domicile privés pour personnes âgées et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 25 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Luc Matt
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber