La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2025 | FRANCE | N°491576

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 20 mars 2025, 491576


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février, 5 avril et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Office national pour le logement étudiant, venant aux droits de l'association Fac Habitat, demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler la décision du 25 septembre 2023 par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a prononcé à l'encontre de l'association Fac Habi

tat une sanction pécuniaire d'un montant de 17 100 euros à verser à la Caisse de garant...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 février, 5 avril et 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Office national pour le logement étudiant, venant aux droits de l'association Fac Habitat, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 25 septembre 2023 par laquelle le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a prononcé à l'encontre de l'association Fac Habitat une sanction pécuniaire d'un montant de 17 100 euros à verser à la Caisse de garantie du logement locatif social dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en réduisant le montant de la sanction infligée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association Office national pour le logement étudiant venant aux droits de Fac Habitat ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du II de l'article L. 342-2 du code de la construction et de l'habitation, l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) " exerce ses missions sur : / (...) / 4° Toute autre personne morale, quel qu'en soit le statut, ou personne physique exerçant une activité de construction ou de gestion d'un ou plusieurs logements locatifs sociaux mentionnés à l'article L. 302-5, à l'exception de celles concernées uniquement au titre de logements conventionnés mentionnés à l'article L. 321-8 ; (...) ". Aux termes du I du même article, l'agence " a pour missions : / 1° De contrôler, de manière individuelle et thématique : / a) Le respect, par les organismes mentionnés au II, à l'exception de ceux mentionnés au 4° du même II, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables (...) ; / b) L'emploi conforme à leur objet des subventions, prêts ou avantages consentis par l'Etat ou par ses établissements publics et par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ; / c) Le respect, par les organismes mentionnés au II, de la décision 2012/21/ UE de la Commission européenne, du 20 décembre 2011, relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'Etat sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ; / d) Les procédures de contrôle interne et d'audit interne mises en place par les organismes mentionnés au II, à l'exception de ceux mentionnés au 4° du même II ; / e) Conformément à l'article L. 353-11, pour les personnes morales et physiques mentionnées au 4° du II du présent article, l'application des conventions ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement mentionnées à l'article L. 831-1, y compris les conventions en cours, notamment le respect des règles d'accès des locataires sous condition de ressources et de plafonnement des loyers auxquelles demeurent soumis ces logements ainsi que les conditions d'application de ces règles, à l'exception des conventions mentionnées à l'article L. 321-8 (...) ".

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 442-6-2 du même code : " Lors de la demande d'attribution d'un logement social ou de la signature du bail, le bailleur ne peut réclamer au demandeur ou preneur le paiement de frais à quelque titre que ce soit. "

3. Enfin, aux termes de l'article L. 442-8-1 du même code : " I. - Par dérogation à l'article L. 442-8, les organismes [d'habitations à loyer modéré] mentionnés à l'article L. 411-2 peuvent louer, meublés ou non, des logements, (...) : / (...) / -à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire à (...) des personnes de moins de trente ans (...) ; / -à des associations dont l'objet est de favoriser le logement des étudiants et de gérer des résidences universitaires ; (...) ". Aux termes de l'article L. 442-8-2 du même code : " Les sous-locataires sont assimilés aux locataires, dans la mesure et dans les conditions prévues par le présent article. / Les sous-locataires mentionnés à l'article L. 442-8-1 sont assimilés à des locataires pour bénéficier de l'aide personnalisée au logement ou des allocations de logement mentionnées à l'article L. 821-1. / Les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée sont applicables au contrat de sous-location dans les conditions prévues aux I, III et VIII de l'article 40 de cette loi. / Les articles L. 442-1 à L. 442-5, les dispositions relatives au niveau de ressources prévues à l'article L. 441-1 et les chapitres Ier et VI du titre Ier de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée sont applicables aux contrats de sous-location des logements loués dans les conditions mentionnées au I de l'article L. 442-8-1, à l'exception de son avant-dernier alinéa, pendant la durée du contrat de location principal. (...) "

4. Il résulte de l'instruction que l'association Fac Habitat, aux droits de laquelle vient l'association requérante, a pour objet le logement des étudiants et jeunes de moins de trente ans et loue à cette fin, auprès d'organismes d'habitations à loyer modéré, des logements qu'elle sous-loue à de telles personnes sur le fondement de l'article L. 442-8-1 cité au point 3 ci-dessus. Il en résulte également que cette association a fait l'objet, sur le fondement du II de l'article L. 342-2 cité au point 1, d'un contrôle de l'ANCOLS du 3 février au 2 avril 2020. A l'issue de ce contrôle, l'ANCOLS a relevé que l'obligation faite par Fac Habitat à ses sous-locataires, en vertu de ses statuts, d'adhérer à l'association et de lui verser une cotisation mensuelle constitue une méconnaissance de l'article L. 442-6-2 cité au point 2. Fac Habitat n'ayant pas déféré à la mise en demeure de l'ANCOLS de modifier ses statuts et de mettre ses pratiques en conformité avec ces dispositions, le ministre chargé du logement, sur proposition du conseil d'administration de l'ANCOLS, a, par la décision du 25 septembre 2023 attaquée, prononcé à l'encontre de l'association une sanction d'un montant de 17 100 euros.

Sur le bien-fondé de la sanction attaquée :

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 442-8-2 cité au point 3 que, si les articles L. 442-1 à L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux contrats de sous-location des logements loués dans les conditions mentionnées au I de l'article L. 442-8-1, tel n'est, en revanche, pas le cas des dispositions de l'article L. 442-6-2, qui n'étaient, dès lors, pas applicables aux rapports entre l'association Fac Habitat et ses locataires. Par suite, l'association requérante est fondée à soutenir qu'en retenant un manquement de sa part à ces dispositions, le ministre en a méconnu le champ d'application.

Sur les substitutions de motifs demandées :

6. Le juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une sanction administrative, peut substituer au motif sur lequel s'est fondé l'autorité administrative un autre motif de droit ou de fait relatif au même manquement, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par ladite autorité lors de l'instruction de l'affaire, que la personne sanctionnée bénéficie des mêmes garanties de procédure et que la décision du juge ne conduise pas à aggraver la sanction infligée.

7. En premier lieu, le ministre chargé du logement soutient qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur un manquement de l'association Fac Habitat aux stipulations du 1° de l'article 18 de la convention-type conclue en application des articles L. 353-1 et L. 831-1 du code de la construction et de l'habitation entre l'Etat et l'organisme d'habitations à loyer modéré, annexée à l'article D. 353-1 du même code. Ces stipulations, qui sont relatives aux conditions de location des logements d'une résidence universitaire, prévoient que : " (...) Les logements sont loués nus ou meublés à des étudiants, des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage et des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, à titre de résidence principale, et occupés au moins huit mois par an. A titre exceptionnel, des logements peuvent être loués à des enseignants et des chercheurs (...) ". Toutefois, il ne saurait être déduit de ces stipulations que les conditions qu'elles posent quant à la qualité des personnes susceptibles de se voir louer un logement en résidence universitaire seraient exclusives de toute autre condition à la conclusion d'un bail avec ces personnes. Le ministre n'est, par suite, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'elles feraient obstacle à l'obligation d'adhésion à l'association imposée par Fac Habitat à ses locataires. Par ailleurs, le ministre ne soutient ni n'allègue, en tout état de cause, que le cumul du montant de la cotisation obligatoire et des loyers effectivement pratiqués par l'association conduirait cette dernière à méconnaître les stipulations du 2° du même article 18 de la convention-type aux termes desquelles : " Le loyer pratiqué pour chaque logement est fixé dans la limite du loyer maximum prévu par la présente convention. "

8. En second lieu, si le ministre soutient que l'obligation d'adhésion imposée par l'association à ses sous-locataires méconnaîtrait le principe selon lequel, hormis les cas où la loi en dispose autrement, nul n'est tenu d'adhérer à une association régie par la loi du 1er juillet 1901, il résulte toutefois des termes mêmes de l'article L. 342-2 du code de la construction et de l'habitation cité au point 1 que l'ANCOLS, sur proposition de laquelle est prise la sanction attaquée, n'est susceptible de faire porter son contrôle des personnes exerçant une activité de gestion d'un ou plusieurs logements locatifs sociaux que sur le respect des dispositions qu'énumère ce même article, au nombre desquels ne figure pas le principe de la liberté d'association, alors au demeurant que la possibilité de gérer des logements locatifs sociaux par une association dont l'objet est de favoriser le logement des étudiants et de gérer des résidences universitaires est prévue par les termes mêmes de l'article L. 442-8-2 du code de la construction et de l'habitation.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association Office national pour le logement étudiant est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association Office national pour le logement étudiant, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 25 septembre 2023 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à l'association Office national pour le logement étudiant une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Office national pour le logement étudiant et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 491576
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2025, n° 491576
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sarah Houllier
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491576.20250320
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award