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25/03/2025 | FRANCE | N°494983

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 mars 2025, 494983


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 10 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet par le Premier ministre de sa demande du 9 février 2024 tendant à l'abrogation du décret n° 2015-877 du 16 juillet 2015 relatif aux règles d'affiliation des personnes relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale et de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale ;



2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le décret n° 2015-877 du 16 juillet 2015 relat...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet par le Premier ministre de sa demande du 9 février 2024 tendant à l'abrogation du décret n° 2015-877 du 16 juillet 2015 relatif aux règles d'affiliation des personnes relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale et de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le décret n° 2015-877 du 16 juillet 2015 relatif aux règles d'affiliation des personnes relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale en tant qu'il fixe les dispositions en vigueur de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu du I de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret du 16 juillet 2015 relatif aux règles d'affiliation des personnes relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions des articles D. 171-4 à D. 171-11, les travailleurs mentionnés à l'article D. 171-2 sont affiliés, cotisent et bénéficient des prestations simultanément auprès de chacun des régimes de sécurité sociale dont relèvent leurs activités ". L'article D. 171-2 de ce code, dans sa rédaction résultant du même décret, prévoit que : " Les dispositions des articles D. 171-3 à D. 171-11 sont applicables aux travailleurs des branches d'activité ou entreprises mentionnées à l'article R. 711-1 ou relevant de l'article R. 711-24, lorsqu'ils exercent simultanément une activité salariée ou assimilée relevant du régime général de sécurité sociale ". Les fonctionnaires de l'Etat sont au nombre de ceux relevant d'un régime spécial en vertu du 1° de l'article R. 711 1 du même code. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par le Premier ministre à sa demande tendant à l'abrogation de ces dispositions de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale et à ce qu'il lui soit enjoint de les abroger.

Sur l'office du juge de l'excès de pouvoir dans le contentieux du refus d'abroger un acte réglementaire :

2. En raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Cette contestation peut prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de faits postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".

3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation.

4. Il résulte du point 3 que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

5. S'agissant des règles relatives à la détermination de l'autorité compétente pour édicter un acte réglementaire, leur changement ne saurait avoir pour effet de rendre illégal un acte qui avait été pris par une autorité qui avait compétence pour ce faire à la date de son édiction. Un tel changement a, en revanche, pour effet de faire cesser l'illégalité dont était entaché un règlement édicté par une autorité incompétente dans le cas où ce changement a conduit, à la date à laquelle le juge statue, à investir cette autorité de la compétence pour ce faire.

Sur les moyens soulevés :

6. En premier lieu, l'article L. 171-2-1 du code de la sécurité sociale, créé par la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, dispose que : " Les personnes exerçant simultanément plusieurs activités sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités ".

7. S'il revient au seul législateur de déterminer les catégories de personnes affiliées à un régime de sécurité sociale, une telle détermination relevant des principes fondamentaux de la sécurité sociale réservés à la loi par l'article 34 de la Constitution, la disposition en litige de l'article D. 171-3 du code de la sécurité sociale prévoyant que les personnes exerçant simultanément plusieurs activités sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités trouve, à la date de la présente décision, sa base légale dans l'article L. 171-2-1 du code de la sécurité sociale cité au point précédent. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du refus de l'abroger en raison de l'incompétence dont le décret du 16 juillet 2015 dont elle est issue aurait initialement été entaché ne peut, eu égard à l'office du juge de l'excès de pouvoir dans le contentieux du refus d'abroger un acte réglementaire, rappelé aux points 2 à 5, qu'être écarté.

8. En second lieu, dès lors que la disposition en litige résulte, à la date de la présente décision, de la loi elle-même, le requérant ne peut utilement soutenir qu'elle méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi, cette disposition législative ne pouvant être contestée en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 mars 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Luc Matt

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 494983
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2025, n° 494983
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494983.20250325
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