Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juin et 12 septembre 2024 et le 20 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation (FHP-SMR) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 avril 2024 fixant pour l'année 2024 l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de soins médicaux et de réadaptation (ODSMR) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Barbé, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du I de l'article L. 162-23 du code de la sécurité sociale : " I.- Chaque année, est défini un objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités mentionnées au 4° de l'article L. 162-22 qui sont exercées par les établissements de santé mentionnés au même article L. 162-22. Cet objectif est constitué du montant annuel des charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférentes aux frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés au cours de l'année dans le cadre de ces activités. Le contenu de cet objectif est défini par décret. / Le montant de cet objectif est arrêté par l'Etat en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. / Il prend en compte les évolutions de toute nature à la suite desquelles des établissements, des services ou des activités sanitaires ou médico-sociaux se trouvent placés, pour tout ou partie, sous un régime juridique ou de financement différent de celui sous lequel ils étaient placés auparavant, notamment les conversions d'activité. Il peut être corrigé en fin d'année pour prendre en compte les évolutions intervenues en cours d'année. / Il distingue les parts afférentes : / 1° Aux dépenses relatives au financement de la liste des spécialités pharmaceutiques définie à l'article L. 162-23- 6 ; / 2° A la dotation nationale définie à l'article L. 162-23-8 ". L'article L. 162-23-3 du même code précise que, pour ces activités de soins médicaux et de réadaptation, les différents établissements de santé mentionnés à l'article L. 162 22 de ce code " bénéficient d'un financement mixte sous la forme de recettes issues directement de l'activité, dans les conditions prévues au I de l'article L. 162-23-4, et d'une dotation forfaitaire visant à sécuriser de manière pluriannuelle le financement de leurs activités, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du I de l'article R. 162-34-3 du même code : " Chaque année, dans un délai de quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget arrêtent : / 1° Le montant de l'objectif de dépenses mentionné au I de l'article L. 162-23 ; / 2° La part affectée aux dépenses relatives au financement de la liste des spécialités pharmaceutiques définie à l'article L. 162-23-6 ; / 3° La part affecté à la dotation nationale définie à l'article L. 162-23-8 (...) ".
2. Pour l'application de ces dispositions, l'arrêté du 12 avril 2024 en litige fixe, pour l'année 2024, l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de soins médicaux et de réadaptation à 11 191,8 millions d'euros et la part de cet objectif affectée à la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation définie à l'article L. 162-23-8 à 971,2 millions d'euros. La Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation en demande l'annulation pour excès de pouvoir.
3. En premier lieu, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au pouvoir réglementaire d'épuiser, par le seul arrêté attaqué, la compétence qu'il tient des dispositions réglementaires mentionnées au point 1. Ainsi, les moyens tirés de ce que cet arrêté serait entaché " d'incompétence négative " et méconnaîtrait les dispositions des articles L. 162-23 et R. 162-34-3 du code de la sécurité sociale faute d'avoir fixé, outre le montant de l'objectif de dépenses afférent aux activités aux soins médicaux et de réadaptation, la part de cet objectif affectée aux dépenses relatives au financement de la liste des spécialités pharmaceutiques définie à l'article L. 162-23-6 ne peuvent qu'être écartés.
4. En second lieu, si le pouvoir réglementaire est compétent pour fixer les montants des objectifs de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de soins médicaux et de réadaptation en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par la loi de financement de l'année notamment sur la base des prévisions macro-économiques qu'elle retient, il ne saurait, en revanche, ainsi d'ailleurs que la fédération requérante l'admet elle-même, s'écarter du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie en fonction duquel les montants de ces objectifs doivent, alors même qu'il ne s'agit que d'objectifs, être fixés. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui retient une évolution des charges des établissements devant être supportées par l'assurance maladie obligatoire de 4,2 %, dont 3,2 % correspond aux nouveaux besoins de financement, soit 370 millions d'euros de mesures nouvelles, prend en compte, dans la limite permise par le montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, le besoin additionnel de moyens lié à l'application de la réforme du financement des établissements de santé. La fédération requérante ne peut utilement faire valoir que la répartition de cette augmentation entre différentes catégories d'établissements serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, cette répartition ne résultant pas de l'arrêté attaqué.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation doivent être rejetées. Il en va de même, par suite, de ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation (FHP - SMR) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins médicaux et de réadaptation et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Elise Barbé, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 25 mars 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
La rapporteure :
Signé : Mme Elise Barbé
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly