Vu la procédure suivante :
L'association Servir a demandé au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Nancy d'annuler et de réformer les décisions du 3 mars 2021 du président du conseil départemental du Territoire de Belfort par lesquelles celui-ci a arrêté les comptes administratifs pour l'exercice 2019, d'une part, de la section hébergement de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) La Rosemontoise et, d'autre part, de la maison d'enfants à caractère social (MECS) La Villa des Sapins. Par un jugement nos 21-009 NC 90, 21-010 NC 90 du 20 mai 2022, le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Nancy a rejeté à ces demandes.
Par une décision n° A22.009 du 25 mars 2024, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a partiellement fait droit à l'appel formé par l'association Servir contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 13 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Territoire de Belfort demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle fait droit à l'appel de l'association Servir ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de l'association Servir ;
3°) de mettre à la charge de l'association Servir la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département du Territoire de Belfort ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Servir gérait l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) La Rosemontoise et la maison d'enfants à caractère social (MECS) La Villa des Sapins, dont l'exploitation lui a été retirée par le département du Territoire de Belfort en raison de carences graves de gestion. Par deux décisions du 3 mars 2021, le président du conseil départemental a arrêté les comptes administratifs pour 2019 de ces deux établissements, en rejetant des dépenses à hauteur de 162 521 euros pour l'EHPAD et de 130 545 euros pour la MECS. Par un jugement du 20 mai 2022, le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Nancy a rejeté la demande de réformation de ces décisions présentée par l'association Servir. Par une décision du 25 mars 2024 contre laquelle le département du Territoire de Belfort se pourvoit en cassation en tant qu'elle réintègre des dépenses à hauteur de 35 162 euros pour l'EHPAD et de 6 745 euros pour la MECS, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a partiellement fait droit à l'appel de l'association.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 314-52 du code de l'action sociale et des familles : " L'autorité de tarification peut, avant de procéder à l'affectation d'un résultat, rejeter les dépenses qui sont manifestement étrangères, par leur nature ou par leur importance, à celles qui avaient été envisagées lors de la procédure de fixation du tarif, et qui ne sont pas justifiées par les nécessités de la gestion normale de l'établissement ". Il appartient, sur ce fondement, à l'autorité de tarification d'exercer un contrôle approprié de l'usage qui est fait des fonds publics servant à financer les établissements et services sociaux et médico-sociaux.
3. En premier lieu, la cour a relevé que les dépenses d'électricité de l'EHPAD La Rosemontoise, qui avaient été prises en compte à hauteur de 70 000 euros lors de la fixation de son tarif pour 2019, se sont en définitive élevées à 140 324 euros, soit le double de la consommation moyenne annuelle des trois années précédentes. La cour a également relevé que ce dépassement était le résultat d'une surconsommation à partir du mois d'août 2019, dont le responsable technique de l'établissement n'avait commencé à rechercher la cause que le 21 novembre 2019 et qui n'avait pris fin que le 27 avril 2020 après que l'armoire de compensation électrique eut été débranchée. Dès lors qu'ainsi qu'elle l'a pourtant relevé, il résultait de ses constatations que l'établissement avait anormalement tardé à réagir, qu'il n'avait pas fait établir de diagnostic par un professionnel ni cherché à se faire indemniser par le prestataire intervenu sur l'armoire de compensation en août 2020 dont l'association estime pourtant qu'il serait à l'origine de cette surconsommation électrique, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant qu'était justifiée par les nécessités de la gestion normale de l'établissement, au sens de l'article R. 314-52 du code de l'action sociale et des familles, la prise en charge par le département de la moitié du surcoût, soit la somme de 35 162 euros, au titre du compte administratif de l'établissement pour l'exercice 2019.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président du conseil départemental a écarté du compte administratif de la MECS La Villa des Sapins pour l'exercice 2019 un montant de 123 045 euros au titre des dépenses de personnel, correspondant à l'écart net constaté entre le budget alloué et le total des dépenses comptabilisées. La Cour a jugé que le département établissait l'absence de nécessité pour la gestion normale de l'établissement de la somme de 116 300 euros correspondant à la rémunération d'un directeur de transition, mais qu'il n'expliquait pas pour quels motifs il avait refusé de prendre en charge la somme restante de 6 745 euros qui avait été explicitée par l'association dans son rapport d'activité. Dès lors que, s'agissant de cette dernière somme, le département avait contesté devant les juges du fond la nécessité des dépassements de dépenses constatés au titre des différents postes auxquels l'association soutenait que cette somme était susceptible de se rattacher, à savoir l'indemnité de départ à la retraite du directeur de l'établissement, des missions d'intérim pour le remplacement de personnels absents, ainsi que des indemnités de licenciement et de rupture conventionnelle, la Cour a commis une erreur de droit en jugeant qu'en l'absence d'une contestation plus précise de la part du département, l'association était en droit, sans avoir à justifier de la nécessité de ces dépassements, d'en obtenir la réintégration.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le département du Territoire de Belfort est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 5 de la décision attaquée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Servir une somme de 3 000 euros à verser au département du Territoire de Belfort au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er à 5 de la décision du 25 mars 2024 de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'association Servir versera au département du Territoire de Belfort une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département du Territoire de Belfort et à l'association Servir.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 25 mars 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Luc Matt
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly