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10/04/2025 | FRANCE | N°491272

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 avril 2025, 491272


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 avril 2018 par laquelle l'inspecteur d'académie et directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'un allègement de service d'une quotité d'un quart de service au titre de l'année scolaire 2018 2019, ainsi que la décision du 5 juin 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1803694 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande

de M. A....



Par un arrêt n° 21TL21205 du 28 novembre 2023...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 avril 2018 par laquelle l'inspecteur d'académie et directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'un allègement de service d'une quotité d'un quart de service au titre de l'année scolaire 2018 2019, ainsi que la décision du 5 juin 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1803694 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....

Par un arrêt n° 21TL21205 du 28 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 29 janvier et 11 avril 2024 et 31 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Robin Soyer, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, Feliers, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. A..., professeur des écoles, a été reconnu travailleur handicapé à compter de l'année 2009. Affecté à temps complet dans une école à Decazeville (Aveyron) à partir du 1er septembre 2016, il a sollicité le bénéfice d'un allègement de service d'une quotité d'un quart de ses obligations de service au titre de l'année scolaire 2018-2019. Par deux décisions des 16 avril et 5 juin 2018, l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron a rejeté cette demande et le recours gracieux formé par M. A... contre ce refus. Par un jugement du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 28 novembre 2023, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, la cour administrative de Toulouse a rejeté l'appel formé par celui-ci contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles : " La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. / Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu'il s'agisse (...) de l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d'autonomie (...) ". En vertu des dispositions du I de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983, aujourd'hui codifiées à l'article L. 131-8 du code général de la fonction publique, les employeurs publics auxquels ces dispositions s'appliquent prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète et sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées pour eux, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification. L'article 40 ter de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 131-8 du code général de la fonction publique, prévoit que des aménagements d'horaires propres à faciliter son exercice professionnel ou son maintien dans l'emploi sont accordés à sa demande au fonctionnaire reconnu handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service.

3. D'autre part, aux termes de l'article 63 de cette même loi du 11 janvier 1984, désormais codifié à l'article L. 826-1 du code général de la fonction publique : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique (...) ". Aux termes de l'article R. 911-12 du code de l'éducation : " Les personnels enseignant des premier et second degrés (...), lorsqu'ils sont confrontés à une altération de leur état de santé, peuvent solliciter un aménagement de leur poste de travail ou une affectation sur un poste adapté, dans les conditions prévues aux articles R. 911-15 à R. 911-30 ". L'article R. 911-15 de ce code dispose que : " L'aménagement du poste de travail est destiné à permettre le maintien en activité des personnels mentionnés à l'article R. 911-12 dans le poste occupé (...) ". Aux termes de l'article R. 911-16 du même code : " Préalablement à toute décision d'aménagement du poste de travail, l'autorité compétente recueille l'avis du médecin conseiller technique ou du médecin de prévention et celui du supérieur hiérarchique du demandeur ". Enfin, aux termes de l'article R. 911-17 de ce code : " En cas de décision favorable de l'autorité compétente, les modalités de l'aménagement du poste de travail sont mises en œuvre par le supérieur hiérarchique de ce fonctionnaire ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il résulte des dispositions des articles R. 911-16 et R. 911-17 du code de l'éducation citées au point 3 que l'avis du supérieur hiérarchique sur une demande d'aménagement de poste de travail a vocation à éclairer l'autorité décisionnaire sur la compatibilité avec les nécessités de service de l'aménagement sollicité, indépendamment de l'appréciation portée par le médecin conseiller technique ou le médecin de prévention sur le bien-fondé de la demande de l'intéressé au regard de son état de santé, et est de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'avant de se prononcer sur la demande d'aménagement du poste de travail formulée par M. A..., le directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron n'a pas recueilli l'avis du supérieur hiérarchique de celui-ci. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en jugeant que l'absence d'avis exprès émis par son supérieur hiérarchique était demeurée sans incidence sur le sens de la décision contestée au motif que la demande de l'intéressé avait été transmise sous couvert de ce supérieur, alors que cette transmission était dénuée de toute appréciation sur cette demande, la cour administrative d'appel de Toulouse a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ressort des pièces du dossier qu'avant de se prononcer sur la demande de M. A... tendant à l'aménagement de son poste de travail par l'allègement d'un quart de sa quotité de service au titre de l'année scolaire 2018-2019, le directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron n'a pas recueilli l'avis du supérieur hiérarchique de l'intéressé sur cette demande, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 911-16 du code de l'éducation et que, eu égard à la finalité de cet avis, la seule transmission de la demande sous couvert du supérieur hiérarchique n'a pu pallier l'absence de cet avis. Cette absence a, dès lors, été de nature à influer sur le sens de la décision et M. A... est fondé à soutenir que la décision du 16 avril 2018 est entachée d'illégalité et, par suite, à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision du 5 juin 2018.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 28 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Toulouse et le jugement du 19 janvier 2021 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : Les décisions des 16 avril et 5 juin 2018 de l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale de l'Aveyron, sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 491272
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2025, n° 491272
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Robin Soyer
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, FELIERS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491272.20250410
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