Vu la procédure suivante :
L'association pour la protection des animaux sauvages a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a complété son arrêté du 17 janvier 2020 portant dérogation aux interdictions de destruction, de perturbation intentionnelle ou de dégradation de spécimens et d'habitats d'espèces animales protégées dans le cadre d'un projet de parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Cruis (Alpes-de-Haute-Provence).
Par une ordonnance n° 2309725 du 13 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 novembre et 13 décembre 2023 et le 27 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association pour la protection des animaux sauvages demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association pour la protection des animaux sauvages soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance :
- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce que la procédure de consultation du public prévue à l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement serait irrégulière ;
- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce que la société Boralex aurait dû obtenir une nouvelle demande de dérogation en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement au vu du caractère substantiel de la modification apportée au projet qu'elle porte ;
- d'erreur de droit, en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière faute, pour le préfet, d'avoir au préalable consulté le Centre national de protection de la nature et le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel ;
- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier, en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
- d'erreur de droit, en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu'il ne justifierait pas remplir les trois conditions cumulatives fixées par l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association pour la protection des animaux sauvages et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Boralex ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a pris, le 17 janvier 2020, un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction, de perturbation intentionnelle ou de dégradation de spécimens et d'habitats d'espèces animales protégées concernant le projet, porté par la société Boralex, de construction d'un parc photovoltaïque au sol, composé de deux emprises distinctes pour une superficie totale de 16,7 hectares, sur le territoire de la commune de Cruis. Le 29 août 2023, à la suite de nouveaux inventaires, la société Boralex a porté à la connaissance de l'Etat une atteinte nouvelle à des espèces protégées. Ce porter-à-connaissance a été complété le 20 septembre 2023 d'une note d'information additionnelle concernant le Lézard ocellé, le Traquet oreillard et l'Alexanor et sa plante-hôte. Au vu de ces éléments, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a, par arrêté du 29 septembre 2023, complété l'arrêté du 17 janvier 2020 en élargissant le périmètre de la dérogation s'agissant des espèces protégées mentionnées dans l'arrêté initial, en y adjoignant douze espèces protégées et en édictant de nouvelles prescriptions. L'association pour la protection des animaux sauvages a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre l'exécution de cet arrêté. Par une ordonnance du 13 novembre 2023 contre laquelle l'association pour la protection des animaux sauvages se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
2. Si, ainsi que le relève le ministre chargé de l'environnement, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt n° 23MA00806 du 31 mai 2024, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 février 2023 rejetant un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 17 janvier 2020 et, d'autre part, annulé cet arrêté ainsi que la décision préfectorale du 25 juin 2020 portant rejet du recours gracieux contre cet arrêté, elle n'a pas annulé l'arrêté du 29 septembre 2023. Dès lors, le litige n'est pas privé d'objet et il y a lieu de statuer sur le présent pourvoi.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
4. Pour rejeter la demande de suspension qui lui était soumise, le juge des référés du tribunal administratif a relevé qu'aucun moyen n'était, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
5. En ne retenant pas comme étant de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 29 septembre 2023, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de consultation du public prévue par les dispositions de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement, de l'absence de nouvelle demande de dérogation à la protection des espèces au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, de l'absence de nouvelle saisine du Conseil national de protection de la nature et du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel au titre des articles R. 411-13-1 et R. 411-13-2 du code de l'environnement, du défaut de motivation de l'arrêté modificatif au regard des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et de la méconnaissance des mesures de protection prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement s'agissant du Traquet oreillard, le juge des référés n'a entaché l'appréciation portée sur le caractère sérieux des moyens ni de dénaturation ni d'erreurs de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que l'association pour la protection des animaux sauvages n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association pour la protection des animaux sauvages est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la protection des animaux sauvages, à la société Boralex et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2025 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 14 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café