Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nancy de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 11 juillet 2024 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait interdiction d'exercer les fonctions visées à l'article L. 212-13 du code de l'éducation pour une durée de deux ans.
Par une ordonnance n° 2402400 du 27 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 11 et 23 septembre 2024 et 30 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nancy que par un arrêté du 11 juillet 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle a fait interdiction, pour une durée de deux ans, à M. B..., éducateur sportif, d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 et L. 322-7 du code du sport et d'intervenir auprès des mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code. L'intéressé se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 août 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce qu'il ordonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. A l'appui de sa contestation de la décision par laquelle la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a interdit pour une durée de deux ans d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 et L. 322-7 du même code ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'elles ouvrent la possibilité à la personne faisant l'objet d'une telle décision de présenter préalablement à son édiction des observations écrites ou, le cas échéant, orales, sans prévoir qu'elle soit informée de son droit de se taire, méconnaissent ainsi les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment en ce qu'elles n'imposent pas une telle obligation d'information lorsque la personne est entendue dans le cadre d'une enquête ou d'une procédure administrative alors qu'une autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à son encontre, susceptible de concerner en tout ou partie des faits relevant de la procédure administrative donnant lieu à l'audition.
4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-13 du code du sport : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 ". Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Une telle interdiction, à finalité préventive, constitue une mesure de police.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes des dispositions de la première phrase de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
6. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions de la première phrase de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en tant qu'en vertu de l'article L. 121-1 du même code, elles s'appliquent aux mesures de police mentionnées au 1° de l'article L. 211-2 du même code. Ces dispositions, qui sont issues de l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, alors que le délai d'habilitation permettant de prendre cette ordonnance est expiré et qu'elle n'a pas été ratifiée, relèvent du domaine de la loi et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
7. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 et n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, il résulte de ces dispositions le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Elles impliquent que la personne poursuivie ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
8. La décision par laquelle l'autorité administrative prononce l'interdiction d'exercer prévue par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 212-13 du code du sport ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition mais une mesure de police ainsi qu'il a été dit au point 3. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que les dispositions législatives contestées méconnaîtraient l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'elles ne prévoient pas, lorsqu'il est envisagé de prononcer une telle mesure, la garantie tenant à ce que la personne concernée soit informée du droit qu'elle a de se taire. Il ne peut pas plus être utilement soutenu que ces dispositions méconnaîtraient l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
9. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur les autres moyens du pourvoi :
10. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".
11. Pour demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque, M. B... soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a :
- insuffisamment motivé celle-ci ;
- commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués n'était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée alors que l'arrêté litigieux est manifestement insuffisamment motivé, que la décision d'interdiction temporaire d'exercice a été prise sans avis préalable d'une commission dans les conditions prévues à l'article L. 212-13 du code du sport, que l'arrêté litigieux avait été pris sur la base d'une instruction manifestement lacunaire et exclusivement à charge et enfin que la suspension prononcée est manifestement disproportionnée ;
- commis une erreur de droit en ne regardant pas comme propre à créer un doute sérieux le moyen tiré de la méconnaissance du droit de se taire et des droits de la défense, notamment en ce qu'il n'a pas été informé de son droit de se taire avant d'être entendu lors de l'enquête administrative alors qu'une procédure disciplinaire avait déjà été engagée à son encontre.
12. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : Le pourvoi de M. B... n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.