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06/05/2025 | FRANCE | N°492200

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 06 mai 2025, 492200


Vu la procédure suivante :



La société de droit allemand Metzler Investment a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours de l'année 2004 et de l'année 2005. Par un jugement n° 1012285 du 26 avril 2022, ce tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'année 2004, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.



Par un arr

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Vu la procédure suivante :

La société de droit allemand Metzler Investment a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours de l'année 2004 et de l'année 2005. Par un jugement n° 1012285 du 26 avril 2022, ce tribunal, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'année 2004, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt nos 22PA04063, 22PA04067 du 27 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Metzler Investment contre ce jugement en tant qu'il lui était défavorable.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 28 mai 2024 et le 17 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Metzler Investment demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Metzler Investment ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fonds d'investissement allemand MI-Fund 123 a perçu en 2005 des dividendes de source française qui ont été soumis à la retenue à la source en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux conventionnel de 15 %, pour un montant de 209 864 euros. Par un jugement du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société de droit allemand Metzler Investment, agissant pour le compte du fonds d'investissement, tendant à la restitution de ces retenues à la source. Cette société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 18 février 2025, postérieure à l'introduction du pourvoi, la directrice des impôts des non-résidents a prononcé la restitution de la retenue à la source en litige à hauteur du montant de 193 514 euros. Par suite, les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Ne reste dès lors en litige que la somme de 16 350 euros correspondant à la retenue à la source se rattachant aux dividendes, versés le 24 mai 2005, liés à la détention de 1 000 actions de la société Total.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité :/ (...) / d) Etre accompagnée (...) dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. / (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 200-2 du même livre : " Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif ". Ni ces dispositions, qui s'imposent indistinctement à toutes les actions tendant à la restitution d'une imposition qui n'a pas donné lieu à l'émission d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, quel que soit le fondement juridique sur lequel elles sont introduites, ni aucune autre ne précisent, pour ce qui concerne les réclamations tendant à la restitution d'un impôt recouvré par la voie de retenue à la source opérée par un tiers, la nature des pièces justifiant cette retenue qui doivent, à peine d'irrecevabilité, accompagner la réclamation. Un contribuable non résident formant une réclamation tendant à la restitution de la retenue à la source qui a été prélevée sur ses revenus tirés de produits visés aux articles 108 à 117 du code général des impôts en vertu du premier alinéa du 2 de l'article 119 bis de ce code peut donc satisfaire aux prescriptions de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales précité en produisant toutes pièces établissant l'application de cette retenue, pour peu qu'elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l'identité de l'établissement payeur au sens des dispositions des articles 1672 du même code, 75 de l'annexe II à ce code et 381 A de l'annexe III à ce même code. Toutefois, dans l'hypothèse où le contribuable justifie, en dépit de démarches en ce sens effectuées auprès tant de l'établissement auquel il a confié la tenue du compte sur lequel sont inscrits ses titres que de l'émetteur de ces titres, être dans l'impossibilité de produire cette information, une réclamation doit être regardée comme recevable si elle est assortie d'un extrait de compte ou de tout document équivalent émanant de l'établissement teneur du compte sur lequel sont inscrits les titres dont procèdent les revenus soumis à la retenue en litige, désignant ces titres avec une précision suffisante pour permettre leur identification, notamment au moyen de leur numéro international d'identification, indiquant la date de leur inscription en compte et mentionnant la date de versement ainsi que les montants nets et bruts des revenus, en vue de permettre à l'administration de rechercher l'identité de l'établissement payeur par l'exercice de ses pouvoirs de contrôle, notamment de son droit de communication auprès du débiteur des revenus sur lesquels la retenue a été opérée ou des intermédiaires successifs établis en France. Il n'en va différemment que si l'établissement qui a produit l'extrait de compte ou le document équivalent n'est pas situé dans un Etat ou un territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale incluant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1672 du code général des impôts :

"'1. La retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis est payée par la personne qui effectue la distribution, à charge par elle d'en retenir le montant sur les sommes versées aux bénéficiaires desdits revenus. / 2. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est versée au Trésor par la personne établie en France qui assure le paiement des revenus. / (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 57 de l'annexe II à ce code : "1. Toute personne ou société qui fait profession de payer des intérêts, dividendes, revenus et autres produits de valeurs mobilières ou dont la profession comporte à titre accessoire des opérations de cette nature, ne peut effectuer de ce chef aucun paiement ni ouvrir aucun compte sans exiger du requérant la justification de son identité et l'indication de son domicile réel. / Elle est, en outre, tenue de remettre à la direction des services fiscaux du lieu de l'établissement payeur, dans des conditions qui sont arrêtées par le ministre de l'économie et des finances, le relevé des sommes payées par elle, sous quelque forme que ce soit, sur présentation ou remise de coupons ou d'instruments représentatifs de coupons ". Aux termes de l'article 17 A de l'annexe IV au même code : "'1. Toute opération portant sur des coupons ou instruments représentatifs de coupons d'actions et parts sociales de sociétés françaises qui fait l'objet du relevé prévu à l'article 57 de l'annexe II au CGI donne lieu à l'établissement d'un document comportant l'indication de l'identité et du domicile réel ou du siège social du bénéficiaire ainsi que de la pièce éventuellement présentée pour en justifier, la désignation des valeurs mobilières dont procèdent les revenus payés et le décompte des sommes mises en paiement avec l'indication, le cas échéant, de la retenue opérée au profit du Trésor. / (...) / 3. Les pièces établies sont réunies en deux liasses relatives l'une aux paiements faits à des personnes ayant en France leur domicile réel ou leur siège social et l'autre aux paiements faits à des personnes domiciliées ou ayant leur siège hors de France. / 4. Ces liasses ainsi que l'état visé à l'article

188 H sont conservés à la disposition de l'administration selon les modalités prévues au I de l'article L 102 B du livre des procédures fiscales'". Il résulte de ces dispositions que les établissements payeurs de la retenue à la source mentionnés à l'article 1672 du code général des impôts sont tenus de recueillir des renseignements relatifs à l'identité des bénéficiaires des revenus des valeurs mobilières des sociétés françaises dont procèdent les revenus assujettis et de tenir à la disposition de l'administration les informations relatives aux montants et à la date des versements effectués. L'administration fiscale dispose ainsi, sous réserve de connaître l'identité de l'établissement payeur, des moyens lui permettant de contrôler tant le montant que le reversement effectif au Trésor public de la retenue opérée par celui-ci sur des revenus de capitaux mobiliers versés à un contribuable non résident, auquel la preuve de ce reversement ne saurait incomber.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la restitution de la retenue à la source en litige afférente aux dividendes liés à la détention de 1 000 actions de la société Total pour le montant de 16 350 euros, la société requérante a produit un tableau établi par la banque BNY Mellon Asset Servicing ayant encaissé les dividendes, faisant apparaître le même montant de 16 350 euros de retenue à la source à raison de la détention, respectivement, de 20 800 actions de la société Total et de 1 000 actions de la même société. En jugeant, s'agissant de la retenue à la source restant en litige, que le vice de forme opposé par l'administration fiscale dans le cadre du rejet de la réclamation, tiré du défaut de justification du paiement de cette somme, ne pouvait être regardé comme ayant été régularisé devant le tribunal administratif au motif que le tableau produit était entaché d'incohérences, la cour, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, n'a pas dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Metzler Investment n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur la retenue à la source restant en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la société Metzler Investment au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer, à concurrence du montant de 193 514 euros, sur les conclusions du pourvoi de la société Metzler Investment.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Metzler Investment est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 500 euros à la société Metzler Investment au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Metzler Investment et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 6 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

Le secrétaire :

Signé : M. Gilles Ho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 492200
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2025, n° 492200
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492200.20250506
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