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07/05/2025 | FRANCE | N°499674

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 07 mai 2025, 499674


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé à des retraits de points de son permis de conduire et la décision référencée " 48 SI " du 14 février 2023 par laquelle il a constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul. Par un jugement n° 2307440 du 10 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a annulé les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises l

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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé à des retraits de points de son permis de conduire et la décision référencée " 48 SI " du 14 février 2023 par laquelle il a constaté la perte de validité de ce permis pour solde de points nul. Par un jugement n° 2307440 du 10 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a annulé les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises les 18 avril et 17 mai 2022, annulé la décision " 48 SI " du 14 février 2023, enjoint au ministre de restituer les points illégalement retirés à M. B... et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi enregistré le 12 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ses articles 1er, 2 et 3, il annule les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises les 18 avril et 17 mai 2022, annule la décision du 14 février 2023 et lui enjoint de restituer les points illégalement retirés ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance.

Le pourvoi a été communiqué à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 février 2023, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. B... pour solde de points nul. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 octobre 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a, sur la demande de M. B..., annulé les décisions de retrait de points consécutives à deux infractions commises les 18 avril et 17 mai 2022, récapitulées dans cette décision, annulé par voie de conséquence la décision du 14 février 2023 en tant qu'elle constate la perte de validité du permis de conduire de l'intéressé et enjoint au ministre de restituer à M. B... les points illégalement retirés.

2. La délivrance, préalablement au règlement de l'amende, de l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une condition de la légalité des décisions de retrait de points. Le paiement par le contrevenant de l'amende forfaitaire majorée prévue par le second alinéa de l'article 529-2 du code de procédure pénale implique nécessairement qu'il a préalablement reçu l'avis d'amende forfaitaire majorée. Le formulaire d'avis d'amende forfaitaire majorée utilisé par l'administration est revêtu des mentions qui permettent au contrevenant de comprendre qu'en l'absence de contestation de l'amende, il sera procédé au retrait de points et qui portent à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route. Ainsi, le paiement de l'amende forfaitaire majorée suffit à établir que l'administration s'est acquittée envers le titulaire du permis de son obligation d'information, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, démontre que cet avis était inexact ou incomplet. Il en va toutefois différemment lorsqu'il a été procédé au recouvrement forcé de l'amende forfaitaire majorée.

3. Pour annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé au retrait des points affectés au permis de conduire de M. B... à la suite des infractions commises les 18 avril et 17 mai 2022, relevées par procès-verbal électronique sans interception du véhicule, le tribunal administratif a jugé que le ministre n'apportait pas la preuve que M. B... aurait payé les amendes forfaitaires majorées correspondant à ces infractions. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment de deux bordereaux de situation des amendes et condamnations pécuniaires établis par la trésorerie compétente et produits par l'administration à l'appui de son mémoire en défense, que les amendes forfaitaires majorées correspondant à ces infractions avaient fait l'objet d'un règlement partiel, il a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Le ministre de l'intérieur est, par suite, fondé à demander l'annulation de son jugement en tant qu'il annule les retraits de points consécutifs aux infractions des 18 avril et 17 mai 2022, qu'il annule par voie de conséquence la décision du 14 février 2023 en tant qu'elle constate la perte de validité du permis de conduire de M. B... et qu'il lui enjoint de restituer à l'intéressé les points illégalement retirés.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, si les amendes forfaitaires majorées correspondant aux infractions des 18 avril et 17 mai 2022 ont bien fait l'objet d'un règlement partiel, les mentions " AOB " et " AOE " figurant sur les bordereaux de situation produits par l'administration établissent que ce règlement est intervenu à la suite, respectivement, d'une opposition administrative bancaire et d'une opposition administrative employeur. Il suit de là qu'ainsi que le soutenait M. B..., ces paiements, intervenus à la suite de recouvrements forcés, ne sont pas de nature à établir qu'il a bien reçu les avis de paiement correspondant ni que l'administration s'est bien acquittée à son égard, préalablement au paiement, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.

7. M. B... est dès lors fondé à demander l'annulation des décisions de retrait de points consécutives à ces infractions. Cette annulation ayant pour effet de porter son capital de points à un solde non nul, il est également fondé à demander l'annulation de la décision du 14 février 2023 en tant qu'elle constate la perte de validité de son permis pour solde de points nul.

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". La présente décision impliquant nécessairement que l'administration restitue à M. B... les points illégalement retirés à la suite des infractions des 18 avril et 17 mai 2022, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette restitution dans un délai de deux mois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 10 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé au retrait des points affectés au permis de conduire de M. B... à la suite des infractions commises les 18 avril et 17 mai 2022 sont annulées.

Article 3 : La décision référencée " 48 SI " du 14 février 2023 du ministre de l'intérieur, en tant qu'elle constate que le permis de conduire de M. B... a perdu sa validité, est annulée.

Article 4 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de restituer à M. B... les points illégalement retirés à la suite des infractions des 18 avril et 17 mai 2022 dans un délai de deux mois.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... B....


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 499674
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2025, n° 499674
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Erwan Le Bras
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:499674.20250507
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