La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2025 | FRANCE | N°492584

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09 mai 2025, 492584


Vu les procédures suivantes :



I°) Sous le n° 492584, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 mars et le 21 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, les sociétés Aéroports de la Côte d'Azur, Aéroports de Lyon et Aéroport Toulouse-Blagnac demandent au Conseil d'État :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-90 du 8 février 2024 précisant les modalités de déclaration et d'acquittement de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue dis

tance ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en applica...

Vu les procédures suivantes :

I°) Sous le n° 492584, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 mars et le 21 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, les sociétés Aéroports de la Côte d'Azur, Aéroports de Lyon et Aéroport Toulouse-Blagnac demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-90 du 8 février 2024 précisant les modalités de déclaration et d'acquittement de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°) Sous le n° 492637, par une requête, enregistrée le 15 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Aréa, la société des autoroutes Esterel-Côte d'Azur (ESCOTA), la société APRR, la société Autoroutes du sud de la France (ASF), la société Cofiroute, la société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF), la société des Autoroutes Paris Normandie (SAPN), la société Autoroute de liaison Seine-Sarthe (ALiS) et la société Atlandes demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-90 du 8 février 2024 précisant les modalités de déclaration et d'acquittement de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code des impositions sur les biens et services ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023, notamment son article 100 ;

- la décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 2024-1102 QPC du 12 septembre 2024 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Aéroports de la Côte d'Azur, Aéroports de Lyon et Aéroport Toulouse-Blagnac et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Aréa, la société des autoroutes ESCOTA, la société APRR, la société ASF, la société Cofiroute, la société ALiS et la société Atlandes ;

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés Aéroport de la Côte-d'Azur et autres et les sociétés Aréa et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 février 2024 précisant les modalités de déclaration et d'acquittement de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Il y a lieu de joindre leurs requêtes et de statuer par une seule décision.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Les erreurs ou les omissions dans les visas d'un acte administratif ne sont pas de nature à en affecter la légalité. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué, pris sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, serait illégal faute de mention de la date à laquelle ce rapport a été établi ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l'exception d'inconstitutionnalité :

3. Par sa décision n° 2024-1102 QPC du 12 septembre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les 2° et 3° de l'article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services, le second alinéa de l'article L. 425-4 du même code, les articles L. 425-5 et L. 425-6 de ce code, les premier et dernier alinéas de son article L. 425-7, le premier alinéa de son article L. 425-8 ainsi que ses articles L. 425-12 et L. 425-15, dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, et les mots " et à l'article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services " figurant au premier alinéa du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la même loi. Les requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que le décret qu'elles attaquent serait illégal en raison de la contrariété de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution.

En ce qui concerne les moyens tirés, par voie d'exception, de la méconnaissance du droit de l'Union européenne :

4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". Aux termes de l'article 108 de ce traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. / 4. La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d'État que le Conseil a déterminées, conformément à l'article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article ".

5. Il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide relevant de l'article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations qu'elles prévoient, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'illégalité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 précité de l'article 108 du traité, de la notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution. L'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées instituent des aides d'Etat au sens de l'article 107 du traité et, dans l'affirmative, si elles sont susceptibles d'être exemptées de notification à la Commission européenne sur le fondement du paragraphe 4 précité de son article 108.

6. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la qualification d'aide d'État au sens de l'article 107 du traité suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu'il existe une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les États membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence.

7. Aux fins d'apprécier, parmi les quatre conditions requises, la sélectivité de la mesure en cause, il convient, selon cette même jurisprudence, d'examiner si, dans le cadre d'un régime juridique donné, ladite mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d'autres se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. S'agissant d'une mesure fiscale, il convient à cet égard d'identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal " normal " applicable dans l'État membre concerné, puis de rechercher, dans un deuxième temps, si la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d'aide d'État ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel ces mesures s'inscrivent et est justifiée par les principes fondateurs ou directeurs de ce système. En dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l'Union fait l'objet d'une harmonisation, c'est l'État membre concerné qui détermine, par l'exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l'impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal " normal ", à partir duquel il convient d'analyser la condition relative à la sélectivité. Il en va notamment ainsi de la détermination de l'assiette de l'impôt et de son fait générateur.

8. Le cadre de référence pertinent pour examiner le caractère sélectif d'une éventuelle mesure d'aide est constitué, au cas d'espèce, par le régime de taxation frappant l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance, institué, dans un objectif de rendement budgétaire, par les articles L. 425-1 à L. 425-20 du code des impositions sur les biens et services. Ce régime soumet à cette taxe l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, entendues comme celles qui permettent la réalisation de déplacements de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d'engins de transport. Les dispositions en cause ont, en outre, été conçues pour imposer spécialement les entreprises exploitant des infrastructures les plus rentables et générant un chiffre d'affaires important.

9. En premier lieu, compte tenu de la différence de situation factuelle et juridique des exploitants de l'un et l'autre de ces types d'infrastructures, les requérantes ne sauraient soutenir que le choix du législateur de limiter, dans la détermination des caractéristiques de l'impôt, l'assiette de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance aux produits de l'exploitation d'infrastructures permettant le transport de personnes ou de marchandises au moyen d'engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d'aéronefs ou d'engins flottants, qui relèvent du code des transports, et de ne pas inclure dans cette assiette les produits issus de l'exploitation de canalisations de transport telles que les oléoducs et les gazoducs, confèrerait des avantages sélectifs dont pourraient bénéficier certaines entreprises au détriment d'autres qui seraient placées dans une situation comparable.

10. En deuxième lieu, l'article L. 425-4 du code des impositions sur les biens et service définit les déplacements de longue distance comme ceux dont l'origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d'une même autorité organisatrice de mobilité mentionnée au I de l'article L. 1231-1 du code des transports ou de la région d'Ile de France. Le législateur s'est ainsi fondé, pour définir les déplacements de longue distance et, par voie de conséquence, déterminer les infrastructures dont l'exploitation est assujettie à la taxe, sur un critère cohérent tiré de l'organisation administrative et territoriale de la mobilité en France, reflétant la distinction entre les déplacements usuels constatés à l'intérieur d'un même territoire de mobilité organisée à l'échelle locale et les déplacements qui, excédant un tel périmètre, doivent être regardés comme des déplacements de longue distance. Les dispositions critiquées ont en outre pour objet de tenir compte de la spécificité des infrastructures de transport permettant la réalisation, quel qu'en soit le mode, de déplacements dans les limites de la région d'Ile-de-France, eu égard à leur particulière densité et à la nature des déplacements qu'elles permettent. Par suite, le moyen tiré de ce que le critère retenu pour déterminer les infrastructures dont l'exploitation est assujettie à la taxe créerait une différenciation entre personnes placées dans une situation factuelle et juridique comparable doit être écarté.

11. En troisième lieu, les infrastructures de transport de longue distance qui ne sont pas situées en totalité sur le territoire de taxation et celles qui, bien qu'intégralement situées sur ce territoire, sont, telles que l'aéroport international de Bâle-Mulhouse, principalement utilisées pour la réalisation de déplacements autorisés par un Etat étranger dans le cadre d'une convention conclue par la France avec ce dernier, se trouvent dans une situation factuelle et juridique différente de celle des autres infrastructures permettant la réalisation de déplacements de longue distance. Les requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que leur exclusion du champ d'application de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance constituerait une dérogation injustifiée au système de référence.

12. En quatrième lieu, l'activité de production et de vente d'électricité exercée par une entreprise exploitant une infrastructure de transport de longue distance ne peut être regardée, lorsqu'elle donne lieu à la vente, non aux usagers de cette infrastructure, mais à des tiers, comme présentant un lien avec une telle infrastructure. Par suite, les exploitants d'infrastructures de transports, lorsqu'ils vendent l'électricité qu'ils produisent aux usagers de leurs infrastructures, n'étant pas placés, au regard de l'objectif visé par la taxe, dans une situation factuelle et juridique comparable à celle dans laquelle ils se trouvent lorsqu'ils vendent l'électricité à des tiers, le 2° de l'article L. 425-6 du code des impositions sur les biens et services n'instaure pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de dérogation injustifiée au système de référence.

13. En cinquième lieu, l'article L. 425-2 du code des impositions sur les biens et services prévoit que l'exploitation d'une infrastructure de transport de longue distance, rattachée au territoire de taxation, est soumise à la taxe à la double condition que les revenus de l'exploitation encaissés au cours de l'année civile excèdent cent-vingt millions d'euros et que le niveau moyen de rentabilité de l'exploitant excède 10%. L'article L. 425-7 de ce code précise que le niveau de rentabilité de l'exploitant s'entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d'affaires. En vertu des dispositions de l'article L. 425-8 du même code, ce niveau moyen est évalué sur une période comprenant les sept derniers exercices comptables achevés, en excluant les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux pour lesquels il est le plus faible.

14. En appréciant, d'une part, le dépassement des seuils de revenus et de rentabilité emportant assujettissement à la taxe au niveau du redevable de celle-ci, sans procéder à une approche consolidée dans l'hypothèse où l'entreprise exploitant la ou les infrastructures de transport de longue distance ferait partie d'un groupe, en tenant compte, d'autre part, pour déterminer le niveau moyen de rentabilité de cet exploitant, des autres activités qu'il exploite le cas échéant, et en appréciant, enfin, ce niveau moyen de manière uniforme, quel que soit le modèle économique du redevable, sur une période de sept années, le législateur a retenu des critères d'assujettissement et d'appréciation des facultés contributives des redevables cohérents avec l'objectif qu'il s'est assigné, tel que rappelé au point 8.

15. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le régime de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance reposerait sur des critères manifestement discriminatoires et accorderait des avantages sélectifs à certains exploitants d'infrastructures de transport. Le moyen tiré de ce que le législateur, en instaurant cette taxe, aurait institué une aide d'Etat illégale faute de notification préalable à la Commission européenne doit, par suite en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel :

16. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de la convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

17. En premier lieu, les requérantes se fondent, pour soutenir que les dispositions instituant la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance méconnaîtraient ces stipulations, sur les différences de traitement que subiraient les exploitants de ces infrastructures selon l'implantation géographique de celles-ci, selon les modalités de réalisation d'autres activités par ces exploitants, ou encore selon leurs modalités d'organisation interne. Les sociétés redevables de la taxe doivent toutefois, pour les motifs énoncés aux points 9 à 14 de la présente décision, être regardées comme placées, au regard des buts poursuivis par le législateur et des caractéristiques de la taxe, dans une situation différente de celle des sociétés qui exploitent des infrastructures ne permettant pas la réalisation de déplacements de longue distance au sens donné à cette notion par le second alinéa de l'article L. 425-4 du code des impositions sur les biens et services ou ne satisfaisant pas aux autres critères d'assujettissement à la taxe.

18. En deuxième lieu, si les requérantes soutiennent que les articles L. 425-1 à L. 425-8 du code des impositions sur les biens et services méconnaîtraient les stipulations citées au point 16 en ce qu'elles prévoient l'application d'un traitement identique à tous les redevables sans tenir compte de leur modèle économique et de leurs contraintes réglementaires, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard au cadre économique et juridique dans lequel les exploitants assujettis à la taxe exercent leurs activités et, notamment, peuvent répercuter sur les usagers des infrastructures de transport tout ou partie du coût de cette taxe, ces dispositions auraient pour effet d'entraîner une discrimination au sens des stipulations invoquées.

19. En dernier lieu, le législateur, en instaurant la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, a entendu, dans un objectif de rendement budgétaire, imposer spécialement les exploitations d'infrastructures de transport de longue distance les plus rentables et générant un chiffre d'affaires important. Il en résulte que la circonstance que la loi conduirait, en pratique, à faire peser cette taxe sur les seuls aéroports et sociétés concessionnaires d'autoroutes, à l'exclusion des autres exploitants d'infrastructures de transport de longue distance, ne saurait être de nature à établir qu'ainsi que le soutiennent requérantes, ces redevables subiraient des effets préjudiciables disproportionnés, sans justification objective et raisonnable, dans le but exclusif d'imposer les profits des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la société Aéroports de la Côte d'Azur et autres et des sociétés Aréa et autres doivent être rejetées, y compris les conclusions qu'elles présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la société Aéroports de la Côte d'Azur et autres et des sociétés Aréa et autres sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroports de la Côte d'Azur et à la société Aréa, premières dénommées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 avril 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Sylvie Pellissier, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 9 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Marie Prévot

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492584
Date de la décision : 09/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2025, n° 492584
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Prévot
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492584.20250509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award