La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2025 | FRANCE | N°492917

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 12 mai 2025, 492917


Vu la procédure suivante :



La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le montant du décompte général et définitif du marché de sécurisation de la ligne 946 de Coni à Vintimille, lot n° 1 " Voie, filets détecteurs, GPA ", à la somme de 11 236 709,74 euros hors taxes et de condamner l'établissement public SNCF Réseau, auquel s'est substituée la société SNCF Réseau, à lui verser la somme de 6 083 782,61 euros hors taxes (HT) assortie des intérêts moratoires, à compter du 31 décembre 2018 ou, à défaut, à co

mpter du 12 avril 2019, et de la capitalisation des intérêts, au titre du règlement de c...

Vu la procédure suivante :

La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le montant du décompte général et définitif du marché de sécurisation de la ligne 946 de Coni à Vintimille, lot n° 1 " Voie, filets détecteurs, GPA ", à la somme de 11 236 709,74 euros hors taxes et de condamner l'établissement public SNCF Réseau, auquel s'est substituée la société SNCF Réseau, à lui verser la somme de 6 083 782,61 euros hors taxes (HT) assortie des intérêts moratoires, à compter du 31 décembre 2018 ou, à défaut, à compter du 12 avril 2019, et de la capitalisation des intérêts, au titre du règlement de ce marché après déduction des acomptes déjà versés. Par un jugement n°s 1810361, 1823672, 1922075/3-1 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 2 011 003,44 euros au profit de la société SNCF Réseau et rejeté le surplus de la demande de la société Colas Rail.

Par un arrêt n° 21PA06168 du 26 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Colas Rail, ramené le solde du décompte général à la somme de 134 412,97 euros hors taxes au profit de la société SNCF Réseau, condamné la société Colas Rail à payer à la société SNCF Réseau, à titre de solde du marché, la somme totale de 134 412,97 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019 avec capitalisation des intérêts et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mars, 21 juin et 12 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SNCF Réseau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 4 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit dans cette mesure à ses conclusions d'appel ;

3°) de rejeter le pourvoi incident de la société Colas Rail ;

4°) de mettre à la charge de la société Colas Rail la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

le code civil ;

le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SNCF Réseau et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Colas Rail ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre de l'opération de sécurisation de la ligne de train allant de Coni à Vintimille, l'établissement public SNCF Réseau a confié à la société Colas Rail, par un marché notifié le 19 juillet 2017, le lot B1 relatif aux " voie, filets détecteurs et grillages plaqués ancrés " pour un montant estimatif de 4 934 267,77 euros hors taxes (HT). Un ordre de service no 1 a fixé au 7 août 2017 le point de départ du délai global de l'ensemble des études et travaux, de deux-cent-soixante-dix jours calendaires, lui-même décomposé en six délais particuliers, selon la portion de la voie de chemin de fer ou la nature des travaux concernés. En cours d'exécution du marché, la société Colas Rail a d'abord saisi SNCF Réseau de cinq demandes de rémunération complémentaire, adressées entre le 22 janvier et le 1er mars 2018, pour un montant total de 1 348 619,98 euros hors taxes, qui ont été implicitement rejetées. Elle a ensuite transmis une sixième demande de rémunération complémentaire, pour un montant de 4 015 827,72 euros HT, correspondant à la période du 1er janvier au 31 mai 2018, également implicitement rejetée. Les travaux ont été réceptionnés le 31 mai 2018. Le 3 avril 2019, SNCF Réseau a notifié à la société Colas Rail le décompte général du marché fixant à hauteur de 4 668 658,76 euros HT le montant du marché et retenant 2 172 185,15 euros de pénalités et réfactions à la charge de la société Colas Rail. Cette dernière a contesté ce décompte en présentant, le 15 mai 2019, des réserves et un mémoire de réclamation, pour un montant de 6 083 782,61 euros HT, reprenant les demandes de règlement complémentaire précédemment notifiées. En outre, la société Colas Rail a demandé le paiement de sommes au titre des écarts de métrés et contesté l'application des pénalités de retard et réfactions infligées. Cette demande a été rejetée par une décision notifiée le 2 juillet 2019. Par un jugement du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a fixé le solde du marché à la somme de 2 011 003,44 euros HT au profit de de la société SNCF Réseau, venue au droit de l'établissement public éponyme, et a rejeté le surplus de la demande de la société Colas Rail. Par un arrêt du 26 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Paris a ramené le solde du décompte général à la somme de 134 412,97 euros HT au profit de la société SNCF Réseau, condamné la société Colas Rail à payer cette somme à la société SNCF Réseau, à titre de solde du marché, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019 avec capitalisation des intérêts. La société SNCF Réseau se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a ramené à 134 412,97 euros HT la condamnation prononcée à l'encontre de la société Colas Rail. La société Colas Rail demande, par la voie du pourvoi incident, que l'arrêt soit annulé en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des surcoûts subis en raison des retards dans le démarrage du chantier.

Sur le pourvoi principal :

2. Aux termes de l'article 2.62 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) Travaux de la SNCF : " Lorsque l'entrepreneur estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d'œuvre dans les quinze jours à compter de la notification de cet ordre ". L'article 5.3 du même cahier dispose : " Lorsque, en exécution des stipulations du marché, un document doit être remis, dans un certain délai, par l'entrepreneur au maître d'ouvrage, à la personne responsable du marché ou au maître d'œuvre, ou bien, réciproquement, doit être remis à l'entrepreneur, ou encore lorsque la remise d'un document marque le point de départ d'un délai, le document doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. La date du récépissé ou de l'avis de réception postal est retenue comme date de remise du document. / Toutefois, si le marché l'autorise, toute autre forme de transmission peut être utilisée à condition qu'elle permette de déterminer de manière certaine le signataire et la date de remise du document ".

3. Il ressort des énonciations, non arguées de dénaturation, de l'arrêt attaqué que par un courrier du 3 août 2018 intitulé " ordre de service n° 21 ", reçu le 9 août 2018, SNCF Réseau a notifié à la société Colas Rail le décompte mensuel n° 9, en lui précisant qu'il était inférieur à celui porté sur la facture d'acompte en raison de l'application de pénalités de retard. La société Colas Rail a contesté l'application de ces pénalités par un courrier du 23 août 2018 adressé en recommandé avec accusé de réception qui n'a été reçu que le 29 août 2018. Il a toutefois fait l'objet d'un envoi anticipé, dans le délai de quinze jours suivant la date de réception de l'ordre de service, par courrier électronique. En jugeant que la société Colas Rail était dès lors recevable à contester l'application des pénalités de retard qui ont été mises à sa charge dans le décompte général, alors qu'en l'absence de stipulation du marché autorisant une autre forme de transmission, son courrier de réserves ne pouvait être regardé comme ayant été régulièrement notifié à SNFC Réseau avant la date à laquelle la lettre recommandée avec accusé de réception a été reçue, soit au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article 2-62 du CCCG, la cour a dénaturé les stipulations du CCCG Travaux SNCF. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société SNCF Réseau est fondée à demander l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur le pourvoi incident :

4. Il ressort des énonciations, non arguées de dénaturation, de l'arrêt attaqué relatives aux retards dans le démarrage du chantier, que si la société Colas Rail n'a obtenu de SNCF Réseau l'autorisation de circulation sur les voies de service qu'à compter du 4 octobre 2017 alors que les travaux auraient dû commencer le 11 septembre 2017, la société Colas Rail n'avait pas remis, avant le 4 octobre 2017, l'ensemble des documents nécessaires au démarrage des opérations. En estimant en conséquence, en l'absence de lien de causalité direct entre le comportement de SNCF Réseau et le préjudice allégué, que ces conclusions indemnitaires devaient être rejetées, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Sur les frais de l'instance :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SNCF Réseau qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, au titre des mêmes dispositions, à la charge de la société Colas Rail, la somme de 3 000 euros à verser à la société SNCF Réseau.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'arrêt du 26 janvier 2024 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le pourvoi incident de la société Colas Rail est rejeté.

Article 4 : La société Colas Rail versera une somme de 3 000 euros à la société SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Colas Rail au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société SNCF Réseau et à la société Colas Rail.

Copie en sera adressée à la société Systra.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 492917
Date de la décision : 12/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2025, n° 492917
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492917.20250512
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award