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12/05/2025 | FRANCE | N°495589

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 12 mai 2025, 495589


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin et 3 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis d'irrecevabilité rendu le 21 juin 2024 par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature sur sa demande d'intégration directe dans le corps judiciaire, présentée sur le fondement des articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative

au statut de la magistrature ;



2°) d'enjoindre à la commission d'a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin et 3 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis d'irrecevabilité rendu le 21 juin 2024 par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature sur sa demande d'intégration directe dans le corps judiciaire, présentée sur le fondement des articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

2°) d'enjoindre à la commission d'avancement de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la décision à venir.

Il soutient que l'avis attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie, en sa qualité d'officier de police judiciaire, des conditions d'au moins sept années et d'au moins quinze années d'exercice professionnel le qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires posées respectivement par les articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis émis le 21 juin 2024, la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature a déclaré irrecevable la candidature à une intégration directe dans le corps judiciaire présentée par M. B... sur le fondement de l'article 22 et de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

2. Aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins : / 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ". Aux termes de l'article 23 de la même ordonnance : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire : / 1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'intégration directe aux second et premier grades du corps judiciaire est subordonnée, notamment, à la condition que, outre les diplômes requis, les intéressés justifient respectivement de sept et quinze années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, ce qui implique nécessairement qu'une partie substantielle de cette expérience relève du domaine juridique. La loi organique investit la commission d'avancement d'un large pouvoir dans l'appréciation de l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de la condition d'expérience professionnelle le qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions de magistrat, M. B..., qui est titulaire d'un master 2 en droit des affaires obtenu à l'université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, a fait valoir qu'il a été agent de police judiciaire pendant plus de huit ans, puis officier de police judiciaire pendant plus de dix ans, ayant notamment été, à ce titre, affecté à la direction régionale de la police judiciaire de Versailles au sein de laquelle il a exercé diverses fonctions pendant huit ans, ainsi qu'au sein de la brigade de sûreté urbaine de Bayonne où il est en service depuis 2022. Ces fonctions l'ont amené à avoir une collaboration étroite avec différents magistrats judiciaires et lui ont permis d'acquérir des connaissances en droit pénal et en procédure pénale. De plus, le président du tribunal judiciaire de Pau ainsi que le procureur de la République près ce tribunal, d'une part, et le premier président de la cour d'appel de Pau ainsi que le procureur général près cette cour, d'autre part, ont émis des avis favorables à sa candidature dans leurs rapports respectifs en date des 18 et 29 mars 2024, qui sont rédigés dans des termes particulièrement élogieux, en soulignant notamment la grande motivation et la puissance de travail du candidat ainsi que la solidité de ses connaissances juridiques, en droit pénal comme en droit civil. Dès lors, la commission d'avancement a entaché son appréciation d'une erreur manifeste en estimant que M. B... ne justifiait pas remplir les conditions de sept et quinze années au moins d'exercice professionnel le qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, prévues respectivement par les articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'avis déclarant irrecevable sa candidature à l'intégration directe dans le corps judiciaire au titre de l'article 22 et de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder à un réexamen par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature de la demande de M. B... tendant à son intégration directe dans le corps judiciaire, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'avis d'irrecevabilité rendu le 21 juin 2024 par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature sur la demande d'intégration directe dans le corps judiciaire, présentée par M. B... sur le fondement des articles 22 et 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de faire procéder à un réexamen par la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature de la demande de M. B... tendant à son intégration directe dans le corps judiciaire, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée M. A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Magalie Café


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 495589
Date de la décision : 12/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2025, n° 495589
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495589.20250512
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