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13/05/2025 | FRANCE | N°498386

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 13 mai 2025, 498386


Vu la procédure suivante :



Le ministre des armées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de Mme B... A... de la chambre qu'elle occupait à raison de son affectation à la base de défense Marseille-Aubagne, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2407307 du 1er octobre 2024, ce juge

des référés a enjoint Mme A... de libérer cette chambre avant le 7 octo...

Vu la procédure suivante :

Le ministre des armées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de Mme B... A... de la chambre qu'elle occupait à raison de son affectation à la base de défense Marseille-Aubagne, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2407307 du 1er octobre 2024, ce juge des référés a enjoint Mme A... de libérer cette chambre avant le 7 octobre 2024, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 et 23 octobre 2024 et le 27 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le ministère des armées dispose à Marseille (Bouches-du- Rhône), par le biais d'une convention du 3 juin 2014 conclue avec l'administration chargée des domaines, d'un site militaire cadastré section P n°17, 45 et 84 et A n°17 et 59, au sein duquel se trouvent des bâtiments de cadres célibataires (BCC) à usage d'hébergement. Par une décision du 19 juillet 2017, Mme A... s'est vu attribuer la chambre n° 113 du bâtiment 1 du site " Quartier Rendu " à raison de son affectation à la base de défense Marseille-Aubagne. A la suite de la mutation de Mme A... à partir du 23 octobre 2023 au grand quartier général des puissances alliées en Europe de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, il lui a été demandé de libérer sa chambre avant le 29 février. Estimant qu'elle s'était maintenue dans les lieux sans droit ni titre, le ministre des armées a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et sous astreinte, l'expulsion de l'intéressée de ce logement. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 1er octobre 2024 par laquelle ce juge des référés lui a enjoint d'évacuer ce logement, avant le 7 octobre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et autorisé à défaut le ministre des armées à requérir le concours de la force publique pour procéder à son expulsion.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. S'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l'occupant et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse.

3. Pour faire droit à la demande du ministre des armées, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le fait qu'elle ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, dès lors que Mme A... ne justifiait pas avoir déjà détenu un titre l'autorisant à être présente dans le logement.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier comme des écritures tant du ministre que de Mme A... devant le juge des référés qu'elle justifiait d'un titre à occuper la chambre et qu'elle contestait la validité de la décision du 31 janvier 2024 y mettant fin à compter du 29 février 2024, décision dont elle allègue qu'elle lui aurait été irrégulièrement notifiée.

5. Par suite, en estimant que Mme A... ne justifiait pas avoir déjà détenu un titre l'autorisant à occuper le logement, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et a commis, par voie de conséquence, une erreur de droit en jugeant que la demande ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, sans rechercher si la décision mettant fin au titre d'occupation du domaine public était devenue définitive, comme le contestait la requérante, et partant, sans examiner le bien-fondé des moyens soulevés à l'encontre de cette décision.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

8. Il résulte de l'instruction que Mme A... a exécuté l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille et qu'elle n'occupe donc plus la chambre n° 113 du bâtiment 1 du site " Quartier Rendu ". La demande du ministre des armées tendant à ce que soit ordonnée son expulsion de cette chambre est devenue sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 1er octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par le ministre des armées devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 498386
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2025, n° 498386
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498386.20250513
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