La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2025 | FRANCE | N°496756

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 20 mai 2025, 496756


Vu les procédures suivantes :



1°) Sous le n° 496756, M. et Mme D... et E... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1904945 du 28 juin 2022, ce tribunal a fait droit à leur demande.



Par un arrêt n° 22LY03178 du 11 juin 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du mi

nistre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annul...

Vu les procédures suivantes :

1°) Sous le n° 496756, M. et Mme D... et E... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1904945 du 28 juin 2022, ce tribunal a fait droit à leur demande.

Par un arrêt n° 22LY03178 du 11 juin 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et prononcé le rétablissement des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 6 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) Sous le n° 496757, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1904944 du 28 juin 2022, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 22LY03181 du 11 juin 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et prononcé le rétablissement des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 6 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3°) Sous le n° 496759, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1904941 du 28 juin 2022, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 22LY03177 du 11 juin 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ce jugement et prononcé le rétablissement des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 6 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. et Mme B... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société à responsabilité limitée (SARL) Comboire Minceur, dont le capital était détenu par M. et Mme D... et E... B..., Mme A... B... et M. C... B... et qui proposait à ses clients des services de cures d'amincissement se composant de plusieurs séances réparties sur une durée de 15 à 20 mois et dont le prix était payable d'avance par le client à la signature du contrat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré au résultat de son exercice clos le 31 décembre 2015 des recettes d'un montant total de 261 637 euros, au motif que ces sommes, correspondant aux prix de séances de cures d'amincissement non encore effectuées par les clients mais payées d'avance par ceux-ci et que la société avait comptabilisées en tant que produits constatés d'avance, constituaient le règlement de séances se rattachant à des cures devant être regardées comme déjà achevées en 2015. La société Comboire minceur ayant opté pour le régime d'imposition des sociétés de personnes en application de l'article 239 bis AA du code général des impôts, le rehaussement de son résultat a donné lieu à des suppléments d'impôt sur le revenu au nom des requérants dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à proportion de leurs droits dans la société, ainsi qu'à des suppléments de contributions sociales. M. et Mme D... et E... B..., Mme A... B... et M. C... B..., qui avaient été déchargés des impositions supplémentaires mises à leur charge par jugements du tribunal administratif de Grenoble, se pourvoient en cassation contre les arrêts du 11 juin 2024 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé ces jugements et rétabli les impositions contestées.

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient (...) l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. Pour (...) les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution (...) ". Le simple geste commercial qu'une société est susceptible de consentir librement à un client, en acceptant de mener jusqu'à son terme l'exécution d'une prestation à laquelle le client est contractuellement réputé avoir renoncé et a perdu tout droit, ne saurait avoir pour effet, quand bien même il relèverait d'une pratique constante de cette société, de repousser la date de fin d'exécution de cette prestation, au sens et pour l'application des dispositions précitées, au-delà de celle à laquelle le client ne peut plus juridiquement prétendre à l'accomplissement de la prestation.

4. Après avoir, par une appréciation souveraine des conditions générales de vente de la société Comboire Minceur exempte de dénaturation, estimé qu'il résultait de celles-ci qu'une interruption des soins supérieure à trois mois par le client impliquait, sauf en cas de force majeure ou de motif dûment justifié, la perte des soins à effectuer dans le cadre de sa cure souscrite initialement et, partant, la cessation de l'obligation d'assurer les prestations restantes du fait de la renonciation du client, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant qu'une cure interrompue depuis plus de trois mois pour laquelle il n'avait pas été justifié d'un cas de force majeure ou d'un motif légitime ne pouvait plus être regardée comme en cours d'exécution mais devait être regardée comme achevée, sans qu'ait d'incidence la circonstance selon laquelle la société avait pour pratique, à titre de geste commercial, d'accorder aux clients ayant interrompu leur cure pendant plus de trois mois, quel que soit le motif de cette interruption, la possibilité, à leur demande, d'obtenir la réalisation des soins pour lesquels ils avaient payé d'avance. Par ailleurs, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures qui lui étaient soumises et n'a pas méconnu les règles gouvernant l'administration de la preuve, n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas exigé des requérants une preuve impossible en estimant qu'en l'absence d'éléments établissant que le client était en droit, en vertu du contrat, d'obtenir l'exécution des séances restantes sur une cure interrompue depuis plus de trois mois, le prix de ces séances devait être comptabilisé en produits.

5. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les requérants avaient soutenu à titre subsidiaire devant la cour administrative d'appel de Lyon qu'à supposer que le redressement fût, contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal administratif de Grenoble, fondé dans son principe, seules pouvaient être rattachées à l'exercice clos en 2015 et réintégrées au résultat de la société Comboire Minceur au titre de cet exercice, qui n'était pas le premier exercice non prescrit, les sommes, d'un montant non contesté de 73 222 euros, rémunérant des séances de cures devant être regardées comme s'étant achevées en 2015, c'est-à-dire celles qui avaient été interrompues entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015, à l'exclusion des produits de cures s'étant achevées lors des exercices antérieurs. En écartant cette argumentation au motif que les produits constatés d'avance par la société que le service avait réintégrés correspondaient à un ensemble de prestations s'étalant sur plusieurs exercices qui ne pouvaient plus être considérées comme étant en cours d'exécution au sens du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts le 31 décembre 2015, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que les arrêts attaqués doivent être annulés en tant seulement qu'ils ont annulé les jugements du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble et prononcé le rétablissement des impositions en litige pour un montant de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux supérieur à celui résultant d'un rehaussement de 73 222 euros du résultat de la société Comboire minceur.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure les affaires au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'outre celles qui ont été effectivement achevées en 2015, peuvent seules voir leur prix comptabilisé en recettes au titre de cet exercice les séances de cures d'amincissement dont le client a perdu au cours de l'exercice clos en 2015 le droit d'obtenir l'exécution, c'est-à-dire celles ayant été interrompues entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015 et dont l'interruption a duré plus de trois mois. Il n'est pas contesté par le ministre que la mise en œuvre de ce principe a pour effet de ramener le rehaussement du résultat de la société Comboire minceur au titre de l'exercice clos en 2015 de 261 637 euros à 73 222 euros. Par suite, le ministre n'est fondé à demander le rétablissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme D... et E... B..., F... Mme A... B... et de M. C... B... qu'à hauteur de la part de ces impositions résultant d'un rehaussement de 73 222 euros du résultat de la société Comboire minceur. Le surplus de ses conclusions d'appel doit donc être rejeté.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au titre de chacun des pourvois une somme de 1 500 euros, à verser à son ou à ses auteurs en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêts n° 22LY03178, 22LY03181 et 22LY03177 du 11 juin 2024 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés en tant qu'ils ont annulé les jugements du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble et prononcé le rétablissement des impositions en litige pour un montant de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux supérieur à celui résultant d'un rehaussement de 73 222 euros du résultat de la société Comboire minceur.

Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique tendant à ce que soit remis à la charge de M. et Mme B... et autres un montant de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015, assorties de pénalités, supérieur à celui résultant d'un rehaussement de 73 222 euros du résultat de la société Comboire minceur, sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à M. et Mme D... et E... B..., ainsi que 1 500 euros chacun à Mme A... B... et M. C... B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des pourvois est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme D... et E... B..., à Mme A... B..., à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 20 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 496756
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2025, n° 496756
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496756.20250520
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award