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16/06/2025 | FRANCE | N°498608

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 16 juin 2025, 498608


Vu la procédure suivante :



La Cimade a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 septembre 2024 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté sa demande tendant à la communication d'un document administratif présentant les statistiques relatives aux personnes bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile, non hébergées, par d

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Vu la procédure suivante :

La Cimade a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 septembre 2024 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté sa demande tendant à la communication d'un document administratif présentant les statistiques relatives aux personnes bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile, non hébergées, par département et par composition familiale, au 2 février 2024, actualisées en mars 2024.

Par une ordonnance n° 2425182 du 14 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande et a enjoint au directeur de l'OFII de procéder au réexamen de la demande de communication de ces documents dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre et 8 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFII demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de la Cimade.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 14 octobre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, d'une part, a ordonné la suspension de l'exécution de la décision du 10 septembre 2024 par laquelle il a opposé un refus à la demande de la Cimade tendant à la communication d'un document administratif présentant les statistiques relatives aux personnes bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile, non hébergées, par département et par composition familiale, au 2 février 2024, actualisées en mars 2024, et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la demande de la Cimade dans un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Cimade en défense :

2. Le mémoire distinct par lequel la Cimade a demandé au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions des titres Ier et IV du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des dispositions des titres Ier et II du livre V du code de justice administrative n'a pas été présenté par avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, malgré la demande de régularisation qui lui a été adressée. Il est, par suite, irrecevable.

Sur le pourvoi de l'OFII :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

4. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait ou non un caractère d'urgence.

5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour estimer satisfaite la condition d'urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, après avoir relevé qu'aux termes de ses statuts la Cimade avait pour but de manifester une solidarité active avec les personnes opprimées et exploitées et de défendre la dignité et les droits des personnes réfugiées et migrantes, a estimé que la poursuite de l'action de cette association justifiait d'avoir communication du document demandé, au motif qu'il portait sur des données statistiques très évolutives et que les délais dans lesquels l'association parvenait à en obtenir communication par l'administration étaient relativement longs. En ne caractérisant pas en quoi, notamment au regard de la poursuite de l'action de la Cimade, le refus de communication des documents portait une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts que l'association entend défendre, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'OFII est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Si la Cimade fait valoir l'intérêt public qui s'attache à la diffusion du document dont la communication est demandée, ainsi que l'utilité qu'elle présente au regard des intérêts qu'elle entend défendre, elle n'apporte pas d'éléments circonstanciés permettant de regarder le refus qui lui a été opposé comme portant une atteinte suffisamment grave et immédiate à ces différents intérêts. Par suite, la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, la demande présentée par la Cimade doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'ordonnance du 14 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la Cimade devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Cimade devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et à la Cimade.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 16 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Renaud Vedel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 498608
Date de la décision : 16/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2025, n° 498608
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Renaud Vedel
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP POUPET & KACENELENBOGEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498608.20250616
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