Vu la procédure suivante :
La métropole Orléans Métropole a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert avec pour mission notamment de décrire les désordres affectant la station de nettoyage des rames de tramway de la ligne B du centre de maintenance de Saint-Jean-de-Braye, d'en rechercher les causes et les responsabilités, de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier et de chiffrer le coût de ces travaux ainsi que les préjudices subis. Par une ordonnance n° 2200370 du 23 mai 2023, ce juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M. B... A..., expert, pour réaliser cette mission, en présence, notamment, de la métropole d'Orléans, de la société L'Heude et associés architectes et de la société Via Sonora.
M. B... A..., expert judiciaire, a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, d'étendre les opérations de cette expertise à la société Alstom transport. Par une ordonnance n° 2200370 du 20 septembre 2024, ce juge des référés a rejeté cette demande.
Par une ordonnance n° 24VE02647 du 11 décembre 2024, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société L'Heude et associés architectes et la société Via Sonora contre l'ordonnance du 20 septembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 décembre 2024 et les 14 janvier et 7 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Heude et associés architectes et la société Via Sonora demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge d'Orléans Métropole et de la société Alstom transport la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat des sociétés L'Heude et associés architectes et Via Sonora, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société Alstom transport et à Me Haas, avocat d'Orléans Métropole ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles que la communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire, devenue la métropole Orléans Métropole, a fait construire, à Saint-Jean-de-Braye (Loiret), un centre de maintenance de la ligne de tramway B, comportant une station de nettoyage des rames. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à un groupement composé notamment de la société L'Heude et associés architectes, mandataire du groupement, et de la société Via Sonora. Par une ordonnance du 23 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, a, à la demande d'Orléans Métropole, prescrit une expertise aux fins de décrire les désordres affectant cette station de nettoyage, d'en rechercher les causes et les responsabilités, d'indiquer les réparations nécessaires et leurs coûts et d'évaluer les préjudices subis par la collectivité, en présence, notamment, de la société L'Heude et associés architectes et de la société Via Sonora. L'expert désigné, M. A..., a sollicité, le 25 avril 2024, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, l'extension des opérations d'expertise à la société Alstom transport, responsable de la fourniture, de l'installation et de la mise en service des rames de tramways, aux fins d'examiner la question de l'insuffisante protection contre la corrosion des éléments de carrosserie des rames, de recueillir auprès du fabricant l'ensemble des éléments techniques relatifs aux rames et d'élaborer la solution réparatoire. Par une ordonnance du 20 septembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande de l'expert. Par une ordonnance du 11 décembre 2024, contre laquelle la société L'Heude et associés architectes et la société Via Sonora se pourvoient en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par ces sociétés contre cette ordonnance.
Sur le pourvoi :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'article R. 532-2 de ce code précise que la requête présentée au juge des référés est immédiatement notifiée au défendeur éventuel, avec fixation d'un délai de réponse. Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise à laquelle elle a été convoquée, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait utile à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles." Aux termes de l'article R. 532-4 du même code : " Le juge des référés ne peut faire droit à la demande prévue au premier alinéa de l'article R. 532-3 qu'après avoir mis les parties et le cas échéant les personnes auxquelles l'expertise doit être étendue en mesure de présenter leurs observations sur l'utilité de l'extension ou de la réduction demandée. (...) L'expert, même lorsqu'il présente la demande en application de l'article R.532-3, n'a pas la qualité de partie à la procédure (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 533-1 du code de justice administrative : " L'ordonnance rendue en application du présent titre par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". Le premier alinéa de l'article R. 811-1 du même code dispose que : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance."
4. Il résulte de ces dispositions que toute partie à une expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif a le droit de relever appel de l'ordonnance par laquelle ce dernier rejette une demande d'extension de l'expertise présentée par l'expert désigné. La circonstance que la partie concernée n'était, à la date à laquelle l'expert a présenté sa demande, plus recevable à demander elle-même une telle extension est sans incidence sur son droit de former appel de l'ordonnance refusant l'extension de l'expertise.
5. Après avoir relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que la demande d'extension de l'expertise rejetée par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans avait été présentée par l'expert et qu'elle avait été formée plus de deux mois après la première réunion à laquelle la société L'Heude et associés architectes et la société Via Sonora avaient été convoquées, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que ces sociétés, alors même qu'elles étaient parties à l'expertise, n'étaient pas recevables à faire appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, le juge des référés de la cour a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
Sur la mise en cause de la société Alstom transport :
7. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, le juge ne peut faire droit à une demande d'extension de l'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. Dans l'hypothèse où est opposée une forclusion ou une prescription, il lui incombe de prendre parti sur ces points. En outre, le juge des référés peut appeler à l'expertise en qualité de sachant toute personne dont la présence est de nature à éclairer ses travaux.
8. D'une part, il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, que les garanties contractuelles et décennale des travaux et équipements produits par la société Alstom transport, susceptibles d'être invoquées par le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur, étaient prescrites à la date de la demande d'extension de l'expertise présentée par l'expert et il ne résulte pas de l'instruction que l'extension demandée serait susceptible de présenter un caractère utile dans le cadre de la mise en cause de la responsabilité de cette société sur un autre fondement.
9. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard à l'objet de l'expertise et aux éléments techniques à la disposition de l'expert concernant la corrosion des rames et son traitement, l'extension de l'expertise à la société Alstom transport, en qualité de sachant, présenterait un caractère utile pour éclairer ses travaux.
10. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elles contestent, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a refusé d'ordonner l'extension de l'expertise à la société Alstom transport.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Alstom transport et d'Orléans Métropole qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions qu'elles ont présentées au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 11 décembre 2024 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société L'Heude et associés architectes et la société Via Sonora devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société L'Heude et associés architectes, première requérante dénommée, à Orléans Métropole et à la société Alstom transport.
Copie en sera adressée à M. B... A....