Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé d'abroger l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et a assorti ces mesures d'une interdiction de retour d'une durée d'un an et a refusé de lui délivré un titre de séjour.
Par un jugement n° 2201820 du 20 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 mars 2023, M. B..., représenté par Me Guerault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de huit jours ;de saisir les services ayant procédé à son signalement de non-admission en vue de la mise à jour du fichier en tenant compte de cette annulation, laquelle constitue un motif d'extinction au sens de l'article 7 du décret du 28 mai 2010, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'ayant pas répondu à sa demande de communication des motifs de sa décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour et de sa demande d'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français, cette décision est dépourvue de motivation ;
- le refus de titre de séjour et le refus d'abrogation de l'arrêté du 16 janvier 2020 portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
Par un courrier en date du 29 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. B... n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision refusant d'abroger l'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet le 16 janvier 2020 par le préfet de Saône-et-Loire dès lors qu'il ne justifie pas résider hors de France à la date où il a saisi le présent tribunal, en application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère,
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né en 1985, est entré sur le territoire français en 2011. Il a sollicité auprès du préfet de Saône-et-Loire, un titre de séjour. Par un arrêté du 16 janvier 2020, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Il est constant que la légalité de cet arrêté a été confirmée par jugements du tribunal administratif de Dijon des 11 février 2020 et 12 novembre 2020 et par un arrêt de la cour administrative de Lyon le 17 décembre 2020.
2. Par un courrier en date du 23 juillet 2021, reçu le 26 juillet suivant, il a demandé au préfet de Saône-et-Loire, d'une part, d'abroger ses décisions en date du 16 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour. Aucune réponse ne lui a été apportée par le préfet de Saône-et-Loire. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation des décisions implicites nées du silence du préfet de Saône-et-Loire.
Sur le refus implicite d'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 731-1 ou L. 731-3 ". Si M. B..., alors assigné à résidence, était recevable le 23 juillet 2021 à solliciter du préfet de Saône-et-Loire l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée le 16 janvier 2020, il n'est pas contesté, qu'il n'était plus assigné à résidence le 12 juillet 2022, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif de sa demande d'abrogation. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la requête adressée au juge de première instance faisait état d'une domiciliation en France et M. B... ne justifie par aucune pièce avoir alors résidé hors de France. Par suite, à la date à laquelle il a saisi le juge administratif, M. B... n'était pas recevable à demander l'annulation de la décision implicite refusant d'abroger l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre.
Sur le refus implicite de lui délivrer un titre de séjour :
4. En vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 dudit code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
5. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
6. M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour par un courrier daté du 23 juillet 2021 et reçu en préfecture de police le 26 juillet suivant. Par un courrier du 24 novembre 2021, reçu le 25 novembre suivant, M. B... a sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande.
7. Il résulte de ce qui précède qu'à la date de réception de la demande de communication des motifs c'est-à-dire le 25 novembre 2021, la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour, intervenue le 26 novembre 2021, n'était pas encore née, le délai faisant naitre un tel rejet implicite étant ici de quatre mois. La demande de communication des motifs présentée par M. B... était ainsi prématurée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne saurait être retenu.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. "
9. M. B..., qui a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français les 7 juin 2013, 6 novembre 2014 et 9 novembre 2016, se borne à faire valoir qu'il a toutes ses attaches en France et que son couple a donné naissance à une troisième enfant née en septembre 2021. Toutefois, alors notamment que son épouse est également en situation irrégulière, et qu'il n'est pas spécialement fait état d'obstacles sérieux à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Arménie, pays dont les intéressés ont la nationalité, où ils ont longtemps vécu et où ils disposent de nombreuses attaches, les éléments dont se prévaut l'appelant, notamment sa durée de présence sur le territoire français, la naissance d'un troisième enfant et des attaches sur le territoire, ne sont pas suffisants pour établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Saône-et-Loire aurait, en l'état, porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent ne peut donc qu'être écarté.
Sur le refus implicite d'abrogation de la mesure d'éloignement :
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'abrogation de l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de ce que le refus d'abroger l'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est inopérant, doit également être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande, sa requête devant, dans toutes ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre,
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023;
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00847
lc