Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 26 janvier 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301440 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301440 du 25 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... B....
La préfète de l'Ain soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de séjour méconnait le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- les autres moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Dachary, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) subsidiairement :
- à l'annulation des décisions du 26 janvier 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;
- et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) à ce que la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a pris en compte l'aggravation récente de son état de santé ;
- le traitement requis par son état de santé n'est pas disponible en Algérie ;
- le refus de séjour est en outre entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnait l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu l'article L. 611-3, 9°).
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 26 février 1979, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 26 janvier 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 25 juillet 2023 dont la préfète de l'Ain interjette appel, le tribunal a annulé les décisions contestées et a enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en avril 2019 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien, en invoquant son état de santé. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par la préfète de l'Ain, lui a indiqué par un avis du 29 décembre 2022 que l'état de santé de M. B... appelle une prise en charge dont le défaut serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, l'intéressé peut y bénéficier d'une prise en charge adaptée et peut voyager pour s'y rendre sans risque médical. La préfète de l'Ain s'est approprié cet avis pour refuser la délivrance d'un titre de séjour et elle a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement.
3. Il ressort du rapport médical d'analyse du dossier réalisé par un médecin de l'OFII le 28 novembre 2022, qu'a produit M. B..., que ce dernier était essentiellement atteint de trois pathologies, une tumeur maligne du colon apparue en septembre 2021, un lymphome de Hodgkin ou de Poppema apparu en juillet 2021 et un état de stress post-traumatique caractérisé depuis janvier 2019. Le même rapport relève notamment des antécédents de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) et de neuropathie périphérique. Si le patient a fait l'objet d'une colectomie droite élargie et d'un curage ganglionnaire en septembre 2021, et si le lymphome a également été traité par radiothérapie en 2021, l'adénopathie est en cours d'augmentation, des traitements complémentaires étant envisagés. Une coloscopie réalisée en janvier 2022 a par ailleurs révélé une volumineuse lésion non accessible à une résection endoscopique. Un ganglion axillaire est également en voie d'augmentation. Le patient souffre, du fait de ces pathologies, d'une forte asthénie. Enfin, ce rapport note que l'état est évolutif et non consolidé ni même stabilisé. A cet égard, un certificat hospitalier dressé le 24 mars 2023, qui est postérieur aux décisions préfectorales en litige mais permet d'identifier la situation évolutive en cours à la date de ces décisions, souligne, outre les pathologies précitées, que la présence d'une petite plage d'infarctus pulmonaire a été identifiée à la suite d'examens réalisés en raison d'une suspicion d'embolie pulmonaire aigüe. Le même certificat note également une augmentation de l'hépatomégalie et l'apparition d'une splénomégalie. S'agissant de pathologie psychiatrique, un compte-rendu du 27 avril 2022 fait état d'une problématique " souffrante et envahissante " subie par le patient. Ainsi, si un compte-rendu de consultation du 22 septembre 2022 paraissait relever, prudemment, une certaine amélioration, l'état du patient était en voie de dégradation sensible à la date des décisions. Le certificat hospitalier du 18 février 2022 et un compte-rendu du 27 avril 2022 notent enfin que le patient est hébergé par une sœur, qui vit régulièrement en France.
4. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés, en admettant qu'un traitement adapté des différentes pathologies existe en Algérie, et en supposant que, en dépit de l'aggravation de son état, M. B... puisse voyager pour s'y rendre, le cumul de ces pathologies, ainsi que leur aggravation, conduisent le patient, qui est très affaibli, à un état général très fortement dégradé. Eu égard à cette situation humanitaire préoccupante, et alors que le patient est en cours de prise en charge et hébergé par une sœur, le préfet a, en l'espèce, en lui refusant le séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. B....
5. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions et lui enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de l'Ain est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02603