Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a annulé l'arrêté du 23 août 2019 par lequel le maire de la commune de Perpignan a exercé son droit de préemption urbain sur l'immeuble cadastré section AS n° 557, sis au 78, boulevard Jean Bourrat, appartenant à la société civile immobilière (SCI) Marci, et, d'autre part, a enjoint à la commune de Perpignan de proposer, dans le délai de deux mois, le bien en priorité à la SCI Marci, et en cas de renonciation de cette dernière, de proposer l'acquisition du bien au département des Pyrénées-Orientales en se conformant aux prescriptions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.
Par un arrêt n° 20MA00581 du 19 avril 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la commune de Perpignan tendant à l'annulation de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une lettre, enregistrée le 4 octobre 2020, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Rouquet, a demandé l'exécution du jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier.
Par une ordonnance du 25 janvier 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par des mémoires complémentaires, enregistrés les 24 février et 19 avril 2023, le département des Pyrénées-Orientales persiste dans sa demande tendant à l'exécution du jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'enjoindre à la commune de Perpignan de lui proposer le rachat du bien au prix fixé dans la déclaration d'intention d'aliéner, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre à la commune de Perpignan de remettre, dans l'attente de la cession du bien, le site de l'hôtel-restaurant " La Cigale " à la garde du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre à la commune de Perpignan de cesser toute action susceptible de modifier l'usage et l'affectation du site de l'hôtel-restaurant " La Cigale " jusqu'à ce qu'il soit procédé à la vente du site de l'ancien hôtel-restaurant de la cigale ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune de Perpignan méconnaît le caractère exécutoire des décisions de justice dès lors qu'elle ne lui a jamais transmis de proposition d'acquisition et qu'il ignore si une telle offre a été formulée auprès de la SCI Marci ou de ses ayants droit universels, qu'elle profite indûment de son statut de propriétaire du site pour poursuivre son projet quand bien même la décision de préemption a été annulée, et que le seul intérêt général d'installer un poste de police ne justifie pas à faire obstacle à l'exécution du jugement ;
- le comportement de la commune de Perpignan impose le prononcé d'injonctions sous astreinte.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars et 17 novembre 2023, la commune de Perpignan, représentée par Me Escale, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la demande d'exécution et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle a proposé à l'ancien propriétaire et à ses ayants droit d'acquérir le bien qu'elle a préempté ;
- en présence de motifs impérieux d'intérêt général, elle a procédé à des travaux indispensables de remise aux normes, qui ne sont pas terminés à ce jour ;
- le département ne démontre plus d'intérêt à acquérir l'hôtel La Cigale qui, de surcroît, ne répond plus aux exigences législatives actuelles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Dumont, substituant Me Rouquet, représentant le département des Pyrénées-Orientales,
- et les observations de Me Escale, représentant la commune de Perpignan.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil départemental des Pyrénées-Orientales a décidé d'acquérir l'ancien hôtel-restaurant " La Cigale ", situé sur la parcelle cadastrée section AS n° 557, 78 boulevard Jean Bourrat à Perpignan, d'une superficie de 556 m², appartenant à la SCI Marci, pour un prix d'acquisition fixé à 420 000 euros. Le maire de Perpignan a exercé, par un arrêté du 23 août 2019, dans les mêmes conditions de prix, le droit de préemption et le transfert de propriété est intervenu le 13 septembre 2019. Par un jugement du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, et a enjoint à la commune de Perpignan de proposer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, le bien en priorité à la SCI Marci, et en cas de renonciation de cette dernière, de proposer l'acquisition du bien au département des Pyrénées-Orientales en se conformant aux prescriptions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.
2. Par un arrêt irrévocable n° 20MA00581 du 19 avril 2021, la Cour a rejeté la requête de la commune de Perpignan tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2019. Dans la présente instance, le département des Pyrénées-Orientales sollicite l'exécution de ce jugement et de cet arrêt, en enjoignant principalement à la commune de Perpignan, sous astreinte, de se conformer aux dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.
Sur la demande d'exécution :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Et aux termes de l'article R. 921-2 de ce même code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. (...) ".
3. Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 ".
5. Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou par l'acquéreur évincé et après avoir mis en cause l'autre partie à la vente initialement projetée, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une décision de préemption, sous réserve de la compétence du juge judiciaire, en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, pour fixer ce prix. A ce titre, il lui appartient, après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire au titulaire du droit de préemption qui a acquis le bien illégalement préempté, s'il ne l'a pas entre-temps cédé à un tiers, de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et, en particulier, de proposer à l'ancien propriétaire puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'arrêté illégal du 23 août 2019 par lequel le maire de la commune de Perpignan a exercé le droit de préemption a eu pour conséquence de faire obstacle à la vente de l'ancien hôtel-restaurant " La Cigale ", situé 78 boulevard Jean Bourrat sur le territoire de cette commune, au département des Pyrénées-Orientales par son propriétaire, la SCI Marci. Alors que le transfert de propriété est intervenu le 13 septembre 2019, il ne résulte pas de l'instruction ni même n'est allégué par la commune de Perpignan qu'elle aurait revendu ce bien à un tiers. En revanche, la commune de Perpignan établit avoir proposé l'acquisition du bien en priorité à son ancien propriétaire, la SCI Marci, par courrier du 12 mars 2020, puis, eu égard à la liquidation de cette société, intervenue dès le 20 novembre 2019, aux ayants droit de celle-ci, par courriers du 24 février 2023.
7. Toutefois, alors que les courriers précités conféraient aux intéressés un délai de
deux mois pour se prononcer sur la proposition qui leur a été ainsi faite, délai au terme duquel ils sont réputés avoir renoncé tacitement à l'acquisition, la commune de Perpignan, qui n'apporte aucune précision à la Cour sur les suites éventuelles réservées à cette procédure, n'établit ni que le processus de vente aurait abouti, ni, dans la négative, qu'elle aurait rempli son obligation à l'égard du département des Pyrénées-Orientales, acquéreur évincé, en application des dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner qui lui a été notifiée le 6 juin 2019 par le notaire instrumentaire. Par suite, ainsi que le soutient l'appelant, la commune de Perpignan n'a pas entièrement exécuté le jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier, confirmé par l'arrêt de la Cour de céans du 19 avril 2021.
8. En second lieu, si, postérieurement au jugement du tribunal administratif de Montpellier, la commune de Perpignan, malgré l'injonction qui lui était faite, a décidé d'affecter l'immeuble en cause à l'usage de la police nationale et de la police municipale et de le classer dans le domaine public communal, cette décision, intervenue le 23 septembre 2020, a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 mars 2022. S'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 3 février 2023 que des travaux sont en cours dans l'immeuble, et qu'il comporte en fronton un panneau indiquant " Poste de Police ", il ressort de ce même procès-verbal que le local est inoccupé. Au demeurant, la commune confirme, dans le dernier état de ses écritures, que des travaux sont toujours en cours dans cet immeuble, dont une partie serait désormais destinée à l'accueil de femmes victimes de violences conjugales, le conseil municipal ayant approuvé, par délibération du 29 juin 2021, un contrat de partenariat pour la création d'un centre d'accueil et d'hébergement d'urgence à cette fin. Outre que la commune de Perpignan n'apporte aucune indication sur le coût des travaux qu'elle a engagés postérieurement au jugement précité du tribunal administratif de Montpelier, confirmé par la Cour, dont l'exécution est recherchée par le département des Pyrénées-Orientales, il résulte de l'instruction que ce dernier a souhaité acquérir le local dont il s'agit afin de proposer des solutions de logement au bénéfice de mineurs privés, temporairement ou définitivement, de la protection de leur famille, projet dont la commune n'établit pas, en tout état de cause, qu'il ne pourrait être réalisé conformément aux exigences fixées par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Par conséquent, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, le rétablissement de la situation initiale ne porte pas atteinte à l'intérêt général.
9. Dans ces conditions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de la commune de Perpignan, à défaut pour elle de justifier, dans un délai de
deux mois à compter de la notification de la présente décision, de l'exécution de l'injonction prononcée par le jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier, confirmé par l'arrêt n° 20MA00581 de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 avril 2021, une astreinte de 200 euros par jour jusqu'à la date à laquelle ce jugement aura reçu exécution. Cette exécution implique, d'une part, qu'en application de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, la commune de Perpignan propose au département des Pyrénées-Orientales l'acquisition de l'ancien hôtel-restaurant " La Cigale ", situé 78 boulevard Jean Bourrat à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. Ce prix pourra notamment tenir compte du coût des travaux engagés par la commune de Perpignan dans la stricte limite de leur utilité au département, compte tenu de l'état initial du bien. D'autre part, l'exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier implique que soient cessés tous les travaux éventuellement en cours, à la date de la présente décision, dans le local objet de la présente procédure, à l'exception des travaux indispensables à la conservation du bien. Il n'y a en revanche pas lieu d'enjoindre à la commune, en tout état de cause, de remettre ce bien à la garde du préfet des Pyrénées-Orientales.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département des Pyrénées-Orientales et non compris dans le dépens. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que les sommes exposées par la commune de Perpignan soient mises à la charge du département des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Perpignan, si elle ne justifie pas, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, avoir exécuté le jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier selon les modalités précisées au point 9. Le taux de cette astreinte est fixé à 200 euros par jour à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 2 : La commune de Perpignan communiquera au greffe de la Cour, dans le délai fixé à l'article 1er, copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement n° 1905241 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : La commune de Perpignan versera au département des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Pyrénées-Orientales, à la commune de Perpignan, à M. D... C..., à Mme B... C..., et à Mme A... E....
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.
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N° 23MA00260