Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 octobre 2022 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme A... F..., et de ses deux enfants I... B... D... et G... D....
Par un jugement n° 2210627 du 11 juillet 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. D..., représenté par Me Morosoli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 11 juillet 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de Seine-et-Marne du 10 octobre 2022, mentionnée ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne d'accorder le bénéfice du regroupement familial à son épouse et à ses enfants dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 434-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il n'est pas établi que l'adjointe déléguée de la mairie de Provins qui a signé le formulaire d'enquête sur ses ressources financières transmis à l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII), était bien compétente ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 434-7 et R. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisque ses ressources sont stables, voire en progression ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2018-1173 du 19 décembre 2018 ;
- le décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 ;
- le décret n° 2020-1598 du 16 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant congolais né le 9 mars 1994 à Pointe-Noire (République du Congo), est titulaire, depuis le 14 février 2022, d'une carte de résident valable jusqu'au 13 février 2032. Il a sollicité auprès de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII), le 10 novembre 2021, l'introduction en France de son épouse et de ses deux enfants mineurs au titre du regroupement familial. Il a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision du 10 octobre 2022 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande. Il fait appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision de refus de regroupement familial :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 434-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. / Le maire, saisi par l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 434-7. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative (...) ".
3. II ressort des pièces du dossier que la demande de regroupement familial de M. D... au profit de son épouse et de ses deux enfants a donné lieu à un avis défavorable en raison de ressources inférieures au salaire minimum de croissance majoré de 10 %, signé le 23 décembre 2021 par Mme E... C..., adjointe au maire de la commune de Provins, qui a reçu délégation du maire de la commune de Provins pour établir les attestations d'accueil des étrangers, par un arrêté du 25 mai 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la commune. M. D... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait été rendue sur la base d'un avis signé par une autorité incompétente, et qu'elle serait ainsi entachée d'un vice de procédure.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; 2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; 3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ". Aux termes de l'article R. 434-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; 2° Cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personne ; 3° Cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ". Selon l'article R. 434-12 de ce code : " Au vu du dossier complet, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration délivrent sans délai une attestation de dépôt de dossier qui fait courir le délai de six mois dont bénéficie l'autorité administrative pour statuer."
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. En outre, en application du décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance était de 1 539,42 euros pour l'année 2020. Ce montant a été porté à 1 554,58 euros pour l'année 2021 par le décret n° 2020-1598 du 16 décembre 2020.
6. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. D..., le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé sur la circonstance que ses ressources, appréciées sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, étaient inférieures à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance majorée de 10%.
7. S'il ressort des pièces du dossier que M. D... est titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis 2014 et justifie à ce titre de ressources stables, et s'il établit que ses salaires, sur la période de référence, ont été minorés en raison de huit absences non rémunérées et de deux arrêts de maladie, il est constant qu'il percevait, durant la période citée ci-dessus, un salaire moyen brut de 1 589 euros par mois, inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 10%, s'élevant à 1693 euros en 2019, et 1710 euros en 2020. Il ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir de la progression de son salaire en 2022, en produisant une fiche de paie de décembre 2022, ainsi que de la circonstance qu'il effectue du travail temporaire supplémentaire, en versant un bulletin de paie du mois d'avril 2023, ces éléments étant postérieurs à la période considérée. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne aurait méconnu les dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de regarder ses ressources comme suffisantes.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
9. Compte tenu de la possibilité pour M. D... de présenter une nouvelle demande de regroupement familial, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de ces stipulations, ni comme méconnaissant les dispositions précitées de la convention internationale des droits de l'enfant, ni encore comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.
L'assesseur le plus ancien,
D. PAGES
Le président-rapporteur,
J-C. NIOLLET La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03526