Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2200921 du 31 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, renvoyé les conclusions relatives au refus de séjour en formation collégiale et, dans un article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté édicté le 12 janvier 2022.
Par jugement n° 2200921 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2022 portant refus de séjour.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 6 août 2022 sous le n°22LY02500, Mme A..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :
1°) le cas échéant après avoir ordonné des mesures d'instruction supplémentaire s'agissant des signatures apposées sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'annuler le jugement n° 2200921 du 31 mai 2022 ainsi que les décisions susvisées ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour lui permettant de travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces frais incluant le droit de plaidoirie de 13 euros resté à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que celui-ci s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le premier juge était également compétent pour statuer sur sa demande d'annulation du refus de titre de séjour ;
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII dans le cadre de la demande de séjour est irrégulier ; la preuve du caractère collégial de la délibération n'est pas rapporté ; il n'est pas démontré que les médecins composant le collège ont manuscritement signé l'avis ; si ces signatures sont des fac-similés, la preuve du respect des prescriptions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 s'agissant de la signature électronique n'est pas rapportée ; il n'est pas démontré que le médecin-rapporteur du dossier n'a pas participé à la délibération collégiale ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, à ce titre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en vertu des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette décision méconnaît le 9°) de l'article L. 611-3 du code précité ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 juillet 2022.
II. Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023 sous le n°23LY01801, Mme A..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :
1°) le cas échéant après avoir ordonné des mesures d'instruction supplémentaire s'agissant des signatures apposées sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, d'annuler le jugement n° 2200921 du 19 janvier 2023 ainsi que les décisions susvisées ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour lui permettant de travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces frais incluant le droit de plaidoirie de 13 euros resté à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve que celui-ci s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII dans le cadre de la demande de séjour est irrégulier ; la preuve du caractère collégial de la délibération n'est pas rapporté ; il n'est pas démontré que les médecins composant le collège ont manuscritement signé l'avis ; si ces signatures sont des fac-similés, la preuve du respect des prescriptions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 s'agissant de la signature électronique n'est pas rapportée ; il n'est pas démontré que le médecin-rapporteur du dossier n'a pas participé à la délibération collégiale ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, à ce titre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en vertu des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mars 2023.
Mme A... a présenté un nouveau mémoire incluant une pièce nouvelle, enregistré le 22 novembre 2023, qui n'a pas été communiqué en raison de la clôture de l'instruction de l'affaire, trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne, est entrée en France irrégulièrement le 23 novembre 2020. Sa demande d'asile a définitivement été rejetée le 25 novembre 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 11 février 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès de la préfecture du Puy-de-Dôme. Par un arrêté du 12 janvier 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, renvoyé ses conclusions relatives au refus de séjour en formation collégiale, dans un article 2, rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté édicté le 12 janvier 2022 ainsi que du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2022 portant refus de séjour contenue dans cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 janvier 2022 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. " Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. " Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité le bénéfice de l'asile pour son fils né le 12 mars 2021 en France et qu'une attestation de demandeur d'asile a été délivrée à ce dernier le 7 octobre 2021 et était valable jusqu'au 6 août 2022. Par cette attestation, le préfet du Puy-de-Dôme a pris acte de ce que la requérante est la représentante légale de son fils mineur dans le cadre de l'instruction de la demande d'asile de ce dernier. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, l'enfant mineur auquel a été délivré une attestation de demandeur d'asile, bénéficiait en application de l'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français au moins jusqu'à la notification de la décision de l'office. Il n'est pas allégué que Mme A... ne participe pas à l'entretien et à l'éducation de son enfant et, au contraire, il est constant qu'elle est seule en mesure de mettre en œuvre le droit pour l'enfant de bénéficier des conditions matérielles d'accueil qui sont attachées à sa situation de demandeur d'asile jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur sa demande. Dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait sans méconnaître les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, refuser, à la date de la décision en litige, le droit au séjour à Mme A.... Par suite, la décision portant refus de séjour en litige doit être annulée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement du 31 mai 2022, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision du 12 janvier 2022 portant refus de séjour prise par le préfet du Puy-de-Dôme ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique que le préfet du Puy-de-Dôme procède au réexamen de la situation de Mme A... au regard du droit au séjour et munisse l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à cette autorité de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Faure Cromarias, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Faure Cromarias de la somme de 2 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200921 du 31 mai 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que le jugement n° 2200921 du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2022 du préfet du Puy-de-Dôme édicté à l'encontre de Mme A... est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la situation de Mme A... au regard du droit au séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme A....
Article 5 : L'Etat versera à Me Faure Cromarias une somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qu'il lui a confiée.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête d'appel est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Puy-de-Dôme et à Me Faure-Cromarias.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02500, 23LY01801