Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2110084 du 31 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 septembre 2022 et le 17 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Naili, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation, en le munissant dans l'attente, dans un délai d'une semaine à compter de l'arrêt à intervenir, d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté ;
- en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, le refus de titre de séjour n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire et il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ; les droits de la défense, tels que prévus par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union ont été méconnus ;
- le préfet a méconnu l'article 9 de la convention franco-sénégalaise en refusant de renouveler son titre de séjour en raison du défaut de réalité et de sérieux dans le suivi des études ;
- le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour en lui opposant sa capacité à s'acquitter de ses frais de scolarité, qui n'est pas une condition prévue par la convention franco-sénégalaise ;
- il disposait de moyens d'existence suffisants pour obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2023 à 16 h 30.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- et les observations de Me Naili pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais, né le 26 septembre 1996, est entré en France le 13 janvier 2018 muni d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " afin de poursuivre des études supérieures. Le 4 janvier 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ". Par un arrêté du 10 septembre 2021, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise visée ci-dessus : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de pré-inscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, à partir de l'ensemble des pièces du dossier, la réalité et le sérieux des études poursuivies.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était étudiant à Lyon au sein de l'ESAM, école de management, finance et droit, en bachelor " Responsable en gestion et développement de l'entreprise " depuis février 2018. Après avoir validé sa première année au cours de l'année 2018, il a validé sa deuxième année, à l'exception d'un module qu'il a obtenu par la suite, au cours de l'année 2018/2019. Alors qu'il était inscrit en 2019/2020 en troisième année, il n'a présenté, ainsi que l'a indiqué le préfet, aucun relevé de notes. Dans ses écritures devant la cour, M. A... fait toutefois valoir qu'en accord avec son école il a différé d'une année son inscription pour sa troisième année en raison de la maladie de son père, resté au Sénégal, qui souffrait d'une affection neurologique invalidante depuis 2012 et est décédé le 2 septembre 2021. Pour l'année universitaire 2020/2021, M. A... a produit pour la première fois devant la cour son relevé de notes de l'automne 2020 démontrant qu'il avait validé vingt-neuf des trente-huit crédits et terminé le semestre avec une moyenne de 2,14/4, ainsi que son relevé de notes du printemps 2021 faisant apparaître qu'il avait validé dix crédits sur vingt et qu'il n'était pas, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet sur la base d'un relevé de note alors incomplet, défaillant dans la plupart des matières. Par ailleurs, la directrice de l'école a attesté qu'il pourrait, s'il réglait ses frais d'inscriptions, soutenir sa thèse, rendue en retard, à la fin du mois de septembre 2021. Dans ses conditions, même s'il n'avait pas validé sa troisième année, le préfet du Rhône ne pouvait, sans faire une inexacte application des stipulations précitées de la convention franco-sénégalaise, refuser de procéder au renouvellement du titre de séjour du requérant le 10 septembre 2021 au motif qu'il ne justifiait ni du sérieux ni de la progression de ses études.
4. La convention franco-sénégalaise prévoit que l'étudiant non boursier doit justifier de ressources suffisantes par référence, selon l'annexe à cette convention, à " une somme au moins égale à 70 % de l'allocation d'entretien servie par le Gouvernement français aux étudiants boursiers, indépendamment des avantages matériels dont ils peuvent justifier ". En se fondant sur le fait que M. A... n'était pas à jour dans ses frais de scolarité pour en déduire qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes, sans vérifier le montant des ressources dont il disposait, le préfet du Rhône a commis une erreur de droit.
5. Aucun des deux motifs opposés par le préfet du Rhône pour refuser le renouvellement du titre de séjour en qualité d'étudiant de M. A... n'étant légal, ce refus doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et la décision fixant son pays de renvoi pris le même jour.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que la préfète du Rhône réexamine la demande de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt en munissant dans l'attente, sous quinzaine, M. A... d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'État le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que son conseil renonce au bénéfice de la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi ainsi que le jugement n° 2110084 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente sous quinzaine d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Naili une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Naili renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02907
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