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15/12/2023 | FRANCE | N°22LY03401

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 15 décembre 2023, 22LY03401


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 19 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2101859 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferra

nd a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 19 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101859 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2022, Mme A... C... veuve B..., représentée par la SCP Blanc-Barbier-Vert-Remedem et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101859 du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 19 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un certificat de résidence d'un an sur le fondement de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- le jugement n'est pas motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors qu'il n'indique pas que le préfet s'est trompé sur son identité au dernier paragraphe des motifs de son arrêté ;

- le refus de séjour méconnait l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché de vice de procédure, faute pour le préfet de l'avoir invité à compléter sa requête sur un autre fondement que celui invoqué ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas justifiée par un besoin social impérieux et elle emporte des conséquences disproportionnées ;

- la fixation du pays de renvoi méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé.

Le préfet du Puy-de-Dôme, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 24 janvier 2022, l'intention manifestée par Mme B... de demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a fait l'objet d'un classement sans suite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... veuve B..., ressortissante algérienne née le 3 janvier 1957, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation des décisions du 19 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 20 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. Par une erreur flagrante de plume, le préfet a indiqué, au dernier paragraphe récapitulatif des motifs de son arrêté, une identité erronée, alors que pour le reste il a indiqué l'identité exacte de l'intéressée et mentionné les éléments pertinents de sa situation.

4. D'une part, la requérante a entendu en déduire que la décision portant refus de séjour ne serait pas motivée. Pour écarter ce moyen, le tribunal a pu relever, de façon précise et circonstanciée, au point 3 du jugement, que le préfet a indiqué les motifs de fait sur lesquels il s'est fondé, sans mentionner expressément l'erreur de plume précitée qui ne caractérise pas par elle-même un défaut de motivation.

5. D'autre part, la requérante a également entendu en déduire que le préfet aurait méconnu l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien. Pour écarter ce moyen, le tribunal a pu, aux points 5 et 6 du jugement, exposer les éléments qu'il a estimé pertinents pour apprécier la régularité de la mise en œuvre de ces stipulations, sans que l'erreur de plume précitée, qui ne porte au demeurant pas sur le paragraphe de la décision préfectorale consacré à ce fondement de droit au séjour, ait appelé par elle-même de mention particulière.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement, qui est régulièrement motivé, n'est pas entaché des irrégularités de forme alléguées.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

8. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), régulièrement consulté par le préfet, a indiqué que, si l'état de santé de la requérante appelle une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il résulte des pièces du dossier que la requérante est atteinte d'ulcère gastrique depuis 2003 et de douleurs du genou (gonalgies) en raison de lésions cartilagineuses depuis 2013 ou 2014. Elle est également atteinte d'arthrose et d'une hernie discale. Les pièces produites ne font pas mention d'une particulière gravité de ces pathologies, courantes. Ainsi, en s'appropriant l'avis médical précité du collège de médecins de l'OFII, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation. La condition préalable de gravité des conséquences d'un défaut de traitement sur l'état de santé, posée par les stipulations précitées de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien, n'étant pas remplie, il n'était pas nécessaire pour le préfet de se prononcer de façon superfétatoire sur les autres conditions. Au demeurant, la requérante n'est entrée en France qu'en 2015 et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'aurait pu bénéficier d'une prise en charge adaptée en Algérie avant son entrée ni qu'elle ne pourrait médicalement voyager pour s'y rendre. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6, 7° doit, en conséquence, être écarté. Le préfet n'a pas par ailleurs commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation sur ce fondement.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née à Skikda en Algérie le 3 janvier 1957 et qu'elle est de nationalité algérienne. Elle a épousé en Algérie un compatriote le 27 juillet 1983. Le couple a eu trois enfants, nés en Algérie respectivement le 28 septembre 1983, le 22 février 1985 et le 4 novembre 1990. Mme B... est entrée en France le 30 octobre 2015, à l'âge de 58 ans, sous couvert d'un visa à entrées multiples. Si deux de ses enfants résident en France, le troisième demeure dans son pays d'origine, où Mme B... a elle-même vécu l'essentiel de son existence. Elle ne fait pas valoir d'élément d'intégration ancrés dans la durée, même si elle produit des attestations portant sur des activités associatives. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le préfet n'a pas en l'espèce, en refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour sollicité en raison de l'état de santé, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

10. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi par un ressortissant algérien d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien susvisé, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de stipulations expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre stipulation de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision de vice de procédure en ne l'invitant pas à produire tout élément susceptible de conduire à la délivrance d'un titre de séjour sur un fondement autre que celui qu'elle invoquait.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. En soutenant que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas justifiée par un besoin social impérieux et qu'elle emporte des conséquences disproportionnées, la requérante doit être regardée comme invoquant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur sa situation personnelle. En l'absence de toute argumentation particulière, et pour les motifs exposés au point 9 du présent arrêt, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

12. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Pour l'application des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a en particulier exposé que ce texte ne serait méconnu que si l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement peut être regardé, soit comme courant le risque imminent de mourir, soit comme courant le risque de faire face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie (CEDH, grande chambre, 13 décembre 2016, 41738/10).

13. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que les pathologies chroniques courantes de Mme B... atteindraient un niveau d'une particulière gravité, ni au surplus qu'elles ne pourraient être prises en charge en Algérie. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées en fixant l'Algérie comme pays de destination soit, en conséquence, être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... veuve B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... veuve B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le président- rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien,

B. Gros

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03401
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : REMEDEM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22ly03401 ?
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