Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse avant cassation :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du
23 octobre 2017 par lequel le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident survenu le 26 septembre 2016, d'enjoindre à ce maire de prendre une nouvelle décision, de condamner la commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement nos 1704382, 1704383 du 6 août 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes de Mme A....
Par un arrêt nos 19NT03913 du 15 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de Mme A..., annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 en tant que cet arrêté n'a pas reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie, annulé l'arrêté litigieux, enjoint au maire de ... de prendre une nouvelle décision concernant l'imputabilité au service de la pathologie dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et rejeté le surplus des conclusions de Mme A... et les conclusions de la commune de ....
Par une décision n° 455610 du 15 mai 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de ..., a annulé l'arrêt n° 19NT03913 du 15 juin 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a fait droit aux conclusions de Mme A... à fin d'annulation de l'arrêté du maire de ... en date du 23 octobre 2017 et aux conclusions à fin d'injonction liées à celles-ci et a renvoyé l'affaire devant la même cour dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires enregistrés les 30 juin 2023 et 10 novembre 2023, Mme A..., représentée par la Selarl Acte Avocats Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 août 2019 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident survenu le 26 septembre 2016 et, subséquemment, tout arrêté pris en conséquence de l'arrêté du 23 octobre 2017, notamment l'arrêté de radiation du 11 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune de prendre une nouvelle décision dans un délai raisonnable suite à la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire et avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale ;
5°) de condamner la commune de ... à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
6°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les avis de la commission départementale de réforme des 6 avril 2017 et 20 septembre 2017 ne sont pas suffisamment motivés, au regard des dispositions de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 ;
- la commission de réforme qui a examiné son dossier lors des séances ayant donné lieu à ses avis des 6 avril 2017 et 20 septembre 2017 n'était pas régulièrement composée, au regard des dispositions de l'article 12 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dès lors qu'elle ne comprenait aucun spécialiste de sa pathologie ;
- les avis défavorables de la commission de réforme rendus les 6 avril et 20 septembre 2017 sont intervenus au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le rapport écrit du médecin du travail exigé par l'article 26 du décret du 14 mars 1986 n'a pas été transmis aux membres de la commission ;
- l'arrêté du 23 octobre 2017 est insuffisamment motivé puisqu'il se borne à se référer à l'avis de la commission de réforme ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que son état anxio-dépressif avéré est directement lié à l'évènement du 26 septembre 2016, puisqu'elle ne présentait aucune prédisposition ou pathologie antérieure à l'apparition de ce syndrome ;
- s'agissant de ses conclusions indemnitaires, elle a été victime d'un harcèlement moral et l'administration a commis une faute lui ayant causé des préjudices psychologiques importants suite à une gestion du personnel hasardeuse.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2023, la commune de ... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de
2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juin 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Jaud, représentant la commune de ....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., adjointe technique de 2ème classe employée par la commune de ... (Loiret) au sein du service de restauration scolaire, a demandé au maire de ... la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 26 septembre 2016. Par un arrêté du 23 octobre 2017, le maire, après deux avis de la commission de réforme en date des 6 avril et 20 septembre 2017, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Par un jugement du 6 août 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017, à ce qu'il soit enjoint au maire de prendre une nouvelle décision, à la condamnation de la commune de ... à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée. Sur appel de Mme A..., la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du
15 juin 2021, a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 en ce que cet arrêté n'a pas reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie, annulé l'arrêté litigieux, enjoint au maire de ... de prendre une nouvelle décision concernant l'imputabilité au service de la pathologie dans un délai d'un mois et rejeté le surplus des conclusions de Mme A... et les conclusions de la commune de .... La commune de ... s'étant pourvue en cassation contre cet arrêt, le Conseil d'Etat, par une décision n° 455610 du 15 mai 2023, a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il a fait droit aux conclusions de Mme A... à fin d'annulation de l'arrêté du maire de ... en date du 23 octobre 2017 et aux conclusions à fin d'injonction liées à celles-ci et a renvoyé l'affaire à la cour dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". L'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale dispose que " Les avis (...) doivent être motivés, dans le respect du secret médical (...) ".
3. En premier lieu, les avis des 6 avril et 20 septembre 2017 de la commission de réforme qui a examiné la situation de Mme A... se bornent à exprimer l'un et l'autre un " avis défavorable à l'imputabilité au service de l'accident du 26 septembre 2016 " et à préciser le nombre de votes " pour ", " contre " ou " abstention " émis par les membres de la commission, sans présenter, même de manière succincte, le ou les motifs ayant conduit l'instance consultative à retenir comme elle l'a fait la non imputabilité au service de l'événement du 26 septembre 2016, pourtant survenu sur le lieu de travail et en situation professionnelle. La requérante fait donc valoir à bon droit, pour la première fois en appel, que même en tenant compte de l'atténuation de l'exigence de motivation résultant de l'impératif de respecter le secret médical applicable, ces avis ne comportent pas la motivation exigée par les dispositions précitées de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 et que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux du 23 octobre 2017 a été pris suivant une procédure irrégulière et doit être annulé.
4. En deuxième lieu, la décision du maire, si elle rappelle les textes dont elle fait application, se borne, pour toute motivation de la décision par laquelle l'accident déclaré le 26 septembre 2016 par Mme A... n'est pas reconnu imputable au service, à faire état de ce que " la commission de réforme a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service en sa séance du 6 avril 2017 et a maintenu son avis à la séance du 20 septembre 2017 " et de ce que " la commission de réforme a aussi émis un avis défavorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle ". Alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, les avis des 6 avril et
20 septembre 2017 de la commission de réforme ne sont pas suffisamment motivés, la motivation de l'arrêté du maire de Chézy par référence à ces avis n'est elle-même pas suffisante.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 30 juin 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux alors en vigueur : " (...) la commission de réforme prévue par le décret n° 65773 du 9 septembre 1965 susvisé est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice de l'article 57 (2°, 2ème alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné (...) ". Cette obligation de remise d'un rapport écrit du médecin de prévention à la commission de réforme est également rappelée à l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale.
6. Il résulte des dispositions précitées que le dossier soumis à la commission de réforme doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. Au cas particulier, en l'absence de démonstration ni même d'allégation par la commune de Chézy qu'un rapport écrit du médecin chargé de la prévention aurait été transmis à la commission de réforme avant que celle-ci ne statue sur la situation de Mme A..., celle-ci est fondée à soutenir que la décision litigieuse a été prise au terme d'une procédure irrégulière.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt, l'annulation de l'arrêté du maire de ... du 23 octobre 2017 refusant à Mme A... la reconnaissance comme accident de service de l'événement survenu le 26 septembre 2016 implique seulement que la demande de la requérante à cette fin soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre à l'administration d'agir en ce sens dans un délai de quatre mois.
Sur les autres conclusions présentées par Mme A... :
9. Si la requérante, dans ses mémoires après cassation, présente des conclusions tendant au versement à son bénéfice de dommages-intérêts à hauteur de 50 000 euros et à l'annulation de
" tout arrêté pris en conséquence de l'arrêté du 23 octobre 2017, notamment l'arrêté de radiation du 11 septembre 2019 ", il a été statué définitivement sur ces conclusions par l'arrêt n° 19NT03913 du 15 juin 2021, qui n'a été pas été remis en cause, sur ces deux points, par la décision du juge de cassation.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de Mme A... les frais exposés par la commune de ... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par Mme A... en condamnant la commune de ... à lui verser la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 23 octobre 2017 du maire de la commune de ... est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de ... de statuer dans un délai de quatre mois sur la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance d'un accident de service.
Article 3 : La commune de ... versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de ... présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet du Loiret, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01405