Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., retenu au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot n° 2, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois et sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300846 du 3 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, M. B..., représenté par Me Meliodon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300846 du 3 février 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 26 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 75 euros par jours de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie de dix ans de présence sur le territoire français ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 743-13 et L. 611-1 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Meliodon, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 24 juin 1999, de nationalité marocaine, est entré en France le 22 octobre 2010, à l'âge de dix ans. Il a bénéficié de plusieurs documents de circulation pour étranger mineur avant de se voir octroyer le bénéfice d'une carte de résident d'une durée de dix ans valable du 10 novembre 2016 au 9 novembre 2026. Après s'être maintenu sur le territoire français à la suite de l'arrêté du 24 décembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a retiré son titre de séjour à la suite de plusieurs condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Pontoise, M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans par un arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 26 janvier 2023. Par un arrêté du même jour, ce préfet l'a placé en rétention administrative, laquelle a été prolongée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux pour une durée de 28 jours par une décision du 28 janvier 2023. Par un jugement du 3 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. B..., qui a été reconduit à la frontière et renvoyé dans son pays d'origine le 11 février 2023, relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, M. B... soutient que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de fait dès lors qu'il justifie de dix ans de présence sur le territoire français et de l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille présents en France. En l'espèce, si M. B... établit sa résidence en France depuis 2010, qui n'est d'ailleurs pas contestée par le préfet du Val-d'Oise, cette circonstance ne peut, à elle seule, emporter l'illégalité de la décision en litige dès lors que l'arrêté litigieux est fondé sur l'arrêté du 24 décembre 2021 portant retrait de la carte de résident du requérant, lié à la menace à l'ordre public que l'intéressé représente en raison de ses différentes condamnations, cet arrêté n'ayant pas été contesté par M. B.... Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de fait de nature à emporter l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. / Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale. ".
5. Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, M. B... ne peut utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que celles-ci sont relatives à la compétence du jugement des libertés et de la détention, ne relevant donc pas de la compétence du juge administratif. Toutefois, en soutenant à l'appui de ce moyen, qu'il n'était pas en mesure de prendre connaissance de la décision portant retrait de son titre de séjour et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, M. B... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-1 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
7. M. B... soutient qu'il n'était pas en mesure de prendre connaissance de la décision portant retrait de titre de séjour dès lors que, d'une part, à supposer que cette décision lui ait été notifiée, celle-ci n'indiquait pas porter également obligation de quitter le territoire français, et d'autre part, il n'était pas en mesure d'en comprendre la teneur en raison des comportements irresponsables et difficultés de compréhension auxquels il peut être sujet en lien avec les troubles psychiatriques dont il souffre. Toutefois, il est constant que M. B... a reçu notification de l'arrêté du 24 décembre 2021 portant retrait de son titre de séjour le 12 janvier 2022, celui-ci ayant été communiqué par courrier recommandé avec accusé de réception. Par ailleurs, à supposer établis les troubles psychiatriques décrits par l'intéressé, pouvant conduire à des comportements irraisonnables, il ne revient pas à l'administration de veiller à la bonne consultation de documents régulièrement notifiés et réceptionnés. En outre, il est également constant que M. B... a été condamné à trois reprises, les 8 janvier 2019, 4 février 2021 et 16 mars 2021, par le tribunal correctionnel de Pontoise, à des peines comprises entre 4 à 6 mois d'emprisonnement pour des faits de rébellion et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, et ce, en situation de récidive et de violence sur un ascendant sans incapacité, commis les 13 mars 2018, 9 juillet 2020 et 12 mai 2020. Il a également fait l'objet de deux incarcérations entre le 17 septembre 2020 et le 15 juillet 2021 pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion ainsi qu'entre les 9 et 23 septembre 2021 dans le cadre d'une ordonnance d'incarcération provisoire pour des faits d'agression sexuelle. Par ailleurs, M. B... a également fait l'objet de nombreux signalements au sein du fichier de traitement des antécédents judiciaires, dont deux pour des faits présumés de menace de mort. Enfin, il est établi, par la production d'un procès-verbal rédigé par la direction interdépartementale du centre de rétention n° 2 du Mesnil-Amelot dans lequel était placé l'intéressé avant son éloignement, que ce dernier a tenté de s'en évader. Dans ces circonstances, nonobstant la circonstance qu'il aurait exécuté l'ensemble de ses peines, et dès lors que d'une part, M. B... s'est bien maintenu de manière irrégulière sur le territoire français pendant plus de trois mois et, d'autre part, le comportement de l'intéressé représente bien une menace réelle et actuelle pour l'ordre public au regard de la nature et du caractère récent et répétitif des faits commis ayant conduit à différentes condamnations et à de nombreux signalements, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 611-1 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a le droit au respect sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits ou des libertés d'autrui ".
9. M. B... soutient que le préfet du Val-d'Oise a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de l'éloigner du territoire français a été prise. Il fait valoir la durée de sa résidence sur le territoire français, l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille présents en France ainsi que la pathologie psychiatrique dont il souffre. Toutefois, si M. B... établit sa présence sur le territoire français depuis son arrivée en 2010 et qu'il est hébergé chez sa mère où vivent également son beau-père et son demi-frère, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas de la nécessité de demeurer auprès des membres de sa famille résidant en France, ni d'une insertion particulière dans la société française. En outre, le requérant n'établit pas être totalement dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine, le Maroc, ni même que sa famille présente en France ne puisse pas être en mesure de lui apporter son soutien dans le traitement de sa maladie psychiatrique pour laquelle il est hospitalisé au Maroc, et donc pris en charge. Enfin, la gravité et le caractère récent des infractions commises par M. B... ne permettent pas de regarder la mesure d'éloignement prise par le préfet du Val-d'Oise comme étant disproportionnée au regard des buts poursuivis. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Aucun des moyens de la requête de M. B... n'étant fondé, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
12. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée par M. B... au titre de ces dispositions.
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DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01008