Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de réintégrer dans son compte de campagne déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la région Occitanie, la somme de 48 779 euros retranchée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de fixer en conséquence le montant du remboursement dû par l'État à la somme de 48 779 euros.
Par un jugement n° 2212041 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande en réintégrant la somme de 46 011 euros en dépenses dans son compte de campagne.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023 et complétée le 1er août 2023 et un mémoire enregistré le 21 novembre 2023, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande à la Cour de réformer le jugement n° 2212041 du 12 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris pour confirmer qu'elle a statué à bon droit en réformant la somme de 14 010 euros de dépenses relatives à l'impression de documents de propagande.
Elle soutient qu'elle ne pouvait admettre au remboursement deux tirages d'un même document de propagande dès lors qu'un de ces deux tirages n'a pas fait l'objet d'une distribution aux électeurs à la suite d'une erreur, et que la somme de 14 010 euros réformée, au titre du second tirage, l'a donc été à bon droit alors qu'elle aurait pu réformer le coût du premier tirage pour 87 565 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Bardon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête ne comporte aucune motivation en droit ;
- elle n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Mme C..., pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et de Me Bardon, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 9 décembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé après réformation le compte de campagne déposé par Mme B... A..., candidate tête de liste dans la région Occitanie aux élections régionales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par une décision du 24 mars 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a partiellement rejeté son recours gracieux contre cette décision. L'intéressée ayant saisi le tribunal administratif de Paris aux fins de réintégration en dépenses dans son compte de campagne de la somme globale de 48 779 euros et la fixation en conséquence du montant du remboursement dû par l'État, la juridiction a partiellement fait droit à cette demande par un jugement du 12 juillet 2023 qui a, d'une part, réintégré dans les dépenses du compte de campagne une somme de 32 001 euros, des dépenses d'affichage excédant le plafond des dépenses ouvrant droit à remboursement au titre de la campagne officielle ainsi qu'une somme de 14 010 euros se rapportant aux frais de reproduction de six cent mille documents de propagande qui ont été distribués aux électeurs et, d'autre part, fixé le montant du remboursement dû par l'État à Mme A... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 971 407 euros.
2. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève appel de ce jugement, et demande à ce qu'il soit réformé " pour confirmer qu'elle a statué à bon droit réformant la somme de 14 010 euros de dépenses relatives à l'impression documents de propagande ". Elle soutient qu'elle ne pouvait admettre au remboursement deux tirages d'un même document de propagande dès lors qu'un de ces deux tirages n'a pas fait l'objet d'une distribution aux électeurs à la suite d'une erreur, et que la somme réformée au titre du second tirage, l'a donc été à bon droit alors qu'elle aurait pu réformer le coût du premier tirage pour 87 565 euros.
3. Aux termes du I de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque (...) candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...). / Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par (...) le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion des dépenses de la campagne officielle. / Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) / Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission (...). ".
4. D'une part, il n'appartient pas au juge du plein contentieux statuant, dans le cadre du titre Vbis du livre Ier du code électoral, sur le droit des candidats à une élection au remboursement de leurs dépenses de campagne, de donner acte à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qu'elle " a statué à bon droit " en réformant un compte de campagne par la soustraction d'une dépense. Lorsqu'elle relève appel d'un jugement réformant sa propre décision sur ce point, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'est donc recevable, comme d'ailleurs le candidat, qu'à demander au juge, à titre principal, d'une part, la réforme du jugement qu'elle conteste et, d'autre part, en assortissant ses conclusions à cette fin des nécessaires précisions chiffrées, la modification des diverses sommes figurant au compte de campagne ainsi que la détermination du montant du remboursement dû au candidat par l'État au titre de l'article L. 52-15 précité du code électoral.
5. D'autre part, il revient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, comme à tout requérant d'appel, d'assortir sa requête des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, et notamment de présenter au juge des moyens et des arguments de droit, sans lui demander d'approuver une position explicitement présentée comme fondée sur l'opportunité.
6. En l'espèce, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques se borne en réalité dans ses écritures, comme il a été dit, à demander à la Cour de lui donner acte qu'elle s'est prononcée à bon droit sur le retranchement d'une dépense, et à exposer dans le même temps qu'elle aurait pu prendre une décision différente sur le point tranché par les premiers juges. De telles considérations sont évidemment étrangères à l'office du juge.
7. Toutefois, et en tout état de cause, les écritures de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peuvent, en dépit de leur caractère lacunaire mais telles qu'éclairées quant à leur véritable portée par les écritures en défense, être regardées comme tendant à ce que la somme afférente aux dépenses d'impression relatives à un second tirage d'un document de propagande soit soustraite de l'assiette des dépenses du compte de campagne de Mme A... tel qu'arrêté par le jugement attaqué.
8. Les dépenses liées à l'impression de documents de propagande électorale présentent, en principe, le caractère de dépenses électorales, au sens de l'article L. 52-12 du code électoral, à la condition qu'elles soient exposées en vue de la distribution de ces documents dans la circonscription électorale du candidat qui les inscrit sur son compte de campagne.
9. En l'espèce, il est constant que la somme litigeuse de 14 010 euros se rapporte aux frais de reproduction de six cent milles documents de propagande de la liste conduite par Mme A..., qui ont été effectivement distribués aux électeurs. Elle correspond donc à une dépense dont la finalité est l'obtention des suffrages des électeurs, et qui avait ainsi vocation à être inscrite en dépense dans le compte de campagne de la candidate. N'a aucune incidence, à cet égard, la circonstance qu'un premier lot du même document de propagande avait été antérieurement imprimé sans avoir pu être distribué, faute d'avoir alors comporté les mentions légales imparties, et dont la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a admis l'inscription de la dépense y afférente dans le compte de campagne.
10. Aussi, à supposer même que la requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques possède effectivement la portée qui lui a été reconnue aux points 7 à 9, il résulte de ce qui précède qu'elle ne peut qu'être rejetée.
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, qui succombe à l'instance, la somme de 1 500 euros réclamée par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme B... A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2023.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03480