Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle, d'une part, à verser à M. C... la somme de 42 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le versement de la rente d'invalidité prévue par le contrat de prévoyance conclu entre le syndicat et la Mutuelle nationale de prévoyance et la somme de 171 647,92 euros en réparation des préjudices financiers qu'il estime avoir subis à raison des illégalités commises par le syndicat et, d'autre part, à verser à M. et Mme C... la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'ils estiment avoir subis à raison des fautes commises par le syndicat.
Par un jugement n° 1722112 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nancy a condamné le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle, d'une part, à verser à M. C... une indemnité visant à réparer le préjudice financier qu'il a subi, en renvoyant l'intéressé devant le syndicat pour qu'il liquide cette indemnité, selon des modalités qu'il a définies, dans la limite de la somme demandée de 42 000 euros et, d'autre part, à verser à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2020 et le 23 septembre 2021, le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle, représenté par Me Diss, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 janvier 2020 en tant qu'il l'a condamné à verser une indemnité à M. C... en réparation de son préjudice financier résultant de la perte de chance de percevoir une rente d'invalidité, la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral de M. et Mme C... et celle de 1 500 euros au titre des frais de première instance ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme C... tendant à l'indemnisation du préjudice financier de M. C..., de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a pas de lien de causalité entre ses manquements et la perte de chance de M. C... de percevoir une pension d'invalidité ;
- le préjudice moral, en l'absence de lien de causalité entre ses manquements et la perte de chance de M. C... de percevoir une pension d'invalidité, n'existe pas ;
- la réalité du préjudice moral n'est pas établie ;
- le préjudice moral a déjà été indemnisé par le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 août 2019 ;
- la prescription quadriennale n'a pas été interrompue pour les années 2008 à 2011 ; la créance indemnitaire pouvait être déterminée avant la régularisation de la situation administrative de M. C... ;
- en l'absence de contestation du jugement attaqué ayant rejeté la demande d'indemnisation des pertes de traitements, les conclusions reconventionnelles sollicitant l'indemnité du préjudice dans la limite du montant de 219 647,92 euros ne peuvent être accueillies ;
- l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er juillet 2013 s'oppose à la réparation des troubles dans les conditions d'existence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 février 2021 et le 25 octobre 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Lerat, concluent au rejet de la requête et demandent, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a accueilli la prescription quadriennale pour la période de 2008 à 2011 et, en conséquence, d'enjoindre au syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle de procéder à la liquidation, sans limite de montant, de l'indemnité due en réparation de la perte de chance de percevoir la rente d'invalidité en tenant compte de ces années, de porter la somme accordée par le jugement attaqué au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à 6 000 euros et, enfin, demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de réparation pour les années 2008 à 2011 n'était pas atteinte par la prescription quadriennale ;
- le préjudice résultant de la perte de chance de percevoir la rente d'invalidé est lié aux décisions illégales prises par le syndicat sur sa situation administrative ;
- la réalité du préjudice moral est établie ;
- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis sont évalués à 6 000 euros.
Par un courrier du 29 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'illégalité du placement en disponibilité d'office de M. C... sont nouvelles en appel et irrecevables dès lors que cette faute repose sur un fait générateur distinct de celui invoqué devant le tribunal.
Par un mémoire, enregistré le 4 décembre 2023, M. et Mme C... ont présenté leurs observations sur le moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Diss pour le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle et de Me Lerat pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., agent technique du syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle (SDEA), a été placé en congé de maladie à compter du 15 juillet 1996 pour une durée d'un an. A l'issue de cette période, l'intéressé a été placé en position de disponibilité d'office à compter du 15 juillet 1997, pour une durée d'un an, par une décision du directeur général du syndicat du 5 mars 1998. Cette position statutaire a été renouvelée, pour une durée de six mois, par une décision du 15 octobre 1998, puis une dernière fois jusqu'au 15 juillet 1999, par une décision du 8 mars 1999. L'intéressé, en raison de l'inertie de l'administration, est resté sans position statutaire jusqu'à l'arrêté du 3 août 2009, par lequel le directeur général du syndicat a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité avec effet à compter du 27 septembre 2008. Par un jugement du 25 juillet 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions des 5 mars 1998, 15 octobre 1998 et 8 mars 1999 et a partiellement fait droit aux conclusions de M. C... tendant à la condamnation du SDEA à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité de ces décisions. Par un arrêt du 1er juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé l'annulation de ces trois décisions et réformé l'indemnisation accordée à M. C... en réparation des troubles qu'il avait subis dans ses conditions d'existence en raison de son maintien dans une situation statutaire irrégulière de 1999 à 2008 en la portant à 15 000 euros. La cour a enjoint, par un arrêt du 23 juillet 2015, au syndicat de procéder à la reconstitution de carrière de M. C... pour la période du 15 juillet 1997 au 27 septembre 2008. A la suite de cet arrêt, le directeur général du syndicat a, par un arrêté du 30 septembre 2015, procédé à la reconstitution de la carrière de M. C....
2. M. C... et son épouse ont adressé une réclamation au syndicat tendant au versement de la somme de 42 000 euros correspondant à la perte de chance de percevoir la rente d'invalidité prévue par un contrat d'assurance collectif entre le 27 septembre 2008, date de l'admission à la retraite pour invalidité de M. C..., et le 18 septembre 2015, date à laquelle il a atteint l'âge de 60 ans, de la somme de 171 647,92 en réparation de la perte de traitements et enfin de la somme de 6 000 euros au titre leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence. Cette demande a été rejetée. Par une ordonnance du 6 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la requête dont M. et Mme C... avaient saisi le tribunal administratif de Strasbourg au tribunal administratif de Nancy, qui, par un jugement du 30 janvier 2020, a condamné le SDEA à verser à M. C... une indemnité en réparation de la perte de chance de percevoir la rente d'invalidité prévue par le contrat d'assurance collectif, renvoyant l'intéressé devant le syndicat pour qu'il liquide cette indemnité dans la limite de la somme demandée de 42 000 euros, à M. C... et son épouse la somme de 1 500 euros en réparation de leur préjudice moral et celle de 1 500 euros au titre des frais d'instance et, enfin, a rejeté le surplus de leur demande. Le SDEA fait appel de ce jugement. M. et Mme C... demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des décisions de placement en disponibilité d'office de M. C... et de maintien dans cette position :
3. Au soutien du bien-fondé du jugement attaqué concernant la responsabilité du SDEA, M. et Mme C... reprennent en appel les fautes invoquées en première instance à l'encontre de celui-ci tenant, d'une part, à l'absence de réponse à la demande que M. C... a adressée à son employeur le 2 décembre 2009, d'autre part, à la déclaration tardive ou, en cas d'abstention du syndicat, à l'absence de déclaration de sa situation à la mutuelle et font valoir, pour justifier du lien de causalité entre ces fautes expressément invoquées et l'indemnisation mise à la charge du syndicat par les premiers juges, que les cotisations afférentes au contrat d'assurance collectif auraient pu être versées à la mutuelle si M. C... n'avait pas été placé illégalement en disponibilité d'office et maintenu sans position statutaire régulière. En admettant qu'à travers ce développement venant au soutien de leur argumentation sur le lien de causalité entre la faute retenue par le tribunal et leurs préjudices, M. et Mme C... doivent être regardés comme invoquant une faute tenant à l'illégalité du placement en disponibilité d'office de M. C... à compter du 15 juillet 1997, de telles conclusions, qui reposent sur un fait générateur distinct de celui des fautes invoquées devant le tribunal, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé que le SDEA avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne répondant pas à la demande que M. C... lui avait adressée le 2 décembre 2009 pour connaître la raison pour laquelle aucune rente d'invalidité n'avait été sollicitée auprès de la mutuelle de groupe, puis, sur la base de cette faute, il a condamné le syndicat à verser à M. C... une indemnité en réparation de son préjudice financier dans la limite de la somme réclamée de 42 000 euros, ainsi que la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi par l'intéressé et son épouse. Il résulte toutefois des stipulations du contrat de prévoyance que seuls en sont bénéficiaires les agents pour lesquels l'employeur verse une cotisation correspondant à 0,4 % de leur traitement de base précomptée sur leur bulletin de paie, l'interruption de ce versement entrainant la radiation de l'agent. Or il résulte l'instruction qu'à compter du 15 juillet 1997, M. C... a été placé en disponibilité d'office pour raisons de santé et maintenu dans cette position statutaire jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité. Il n'est pas contesté qu'en l'absence de traitement sur lequel prélever les cotisations d'adhésion au contrat d'assurance collectif, le syndicat a cessé, dès 1997, de les verser à la mutuelle pour le compte de l'intéressé et que cela a entraîné la radiation de M. C... des bénéficiaires du contrat d'assurance et l'a privé de la perception de la rente d'invalidité. Dès lors et comme le soutient le syndicat requérant, la faute retenue par le tribunal administratif n'est pas la cause des préjudices invoqués par M. et Mme C....
5. Par suite, le SDEA est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamné à indemniser M. et Mme C... à raison du défaut de réponse à la demande du 2 décembre 2009.
6. Il appartient à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. et Mme C....
Sur les autres fautes invoquées par M. et Mme C... :
7. M. et Mme C... soutiennent qu'en ne déclarant pas la situation de M. C... auprès de l'assurance de groupe, ou, à supposer qu'il l'ait déclarée, en effectuant cette déclaration au-delà du délai de six mois suivant son admission à la retraite pour invalidité, le privant, dans l'un ou l'autre cas, du bénéfice du maintien de traitement, le syndicat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
8. Toutefois, si l'article 5 de la convention de prévoyance stipule que toute demande sollicitée six mois après la date suivant celle à laquelle l'adhérent pouvait prétendre aux prestations, soit celle à laquelle M. C... a été admis à la retraite pour invalidité par un arrêté du 3 août 2009, est frappée par la forclusion, il ne résulte pas de l'instruction que le syndicat aurait déclaré tardivement la situation de M. C..., ni d'ailleurs que le refus par l'assurance de groupe de verser une indemnité à ce dernier aurait été causé par une déclaration tardive de sa situation. De plus, en admettant que le SDEA n'a pas sollicité la mise en œuvre de la garantie du contrat de prévoyance dans les six mois suivant la mise à la retraite pour invalidité de M. C..., cette circonstance ne saurait être regardée comme fautive dès lors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé avait été radié du contrat de groupe à la suite de l'absence de versement par son employeur des cotisations à compter de 1997. Dans ces conditions, en l'absence de faute à cet égard, M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'indemnisation de leurs préjudices tant financier que moral.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance, que le SDEA est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à indemniser M. et Mme C....
Sur les conclusions d'appel incident :
10. Compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, M. et Mme C... n'établissent pas une faute du SDEA à l'origine des préjudices qu'ils allèguent avoir subis. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'appelant principal, leurs conclusions d'appel incident doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SDEA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demandent M. et Mme C... au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme que le syndicat demande au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de M. et Mme C... ainsi que celles présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des eaux et de l'assainissement Alsace-Moselle, à M. A... C... et à Mme B... C....
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUXLe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète de la région Grand-Est, préfète du
Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC02334 2