Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation, d'une part, de la décision implicite et de la décision expresse du 26 janvier 2018 par lesquelles le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le versement de son allocation pour demandeur d'asile à compter du mois de janvier 2018, d'autre part, la décision implicite par laquelle cette même autorité a refusé de faire droit à sa demande du 3 janvier 2019 tendant au rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Par un jugement n° 1907240-1907241 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 17 août 2021, 10 mars 2022 et 21 mars 2022, Mme B... A..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907240-197241 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 janvier 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite et la décision expresse du 26 janvier 2018 par lesquelles le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu le versement de son allocation pour demandeur d'asile à compter du mois de janvier 2018 ;
3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de faire droit à sa demande du 3 janvier 2019 tendant au rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui verser sans délai l'allocation pour demandeur d'asile au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2018 et 1er octobre 2019 sous astreinte de deux cents euros par jour à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- en considérant à tort que la décision expresse du 26 janvier 2018 s'était substituée à la décision implicite portant suspension du versement de l'allocation pour demandeur d'asile à compter de janvier 2018, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité ;
- en méconnaissance des articles L. 744-8 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision implicite n'est pas écrite et motivée ;
- elle est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne pouvait légalement suspendre de manière implicite le versement de l'allocation pour demandeur d'asile et qu'il n'a pas tenu compte de sa situation de vulnérabilité ;
- la décision expresse du 26 janvier 2018 est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure pour méconnaissance du principe du contradictoire ;
- il n'est pas démontré que les informations relatives aux conditions matérielles d'accueil lui ont été délivrées dans une langue qu'elle comprend ;
- la décision expresse en litige est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 744-6 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en la privant de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires, elle méconnaît le cinquième paragraphe de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision implicite refusant le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière, notamment au regard de sa vulnérabilité ;
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision implicite et de la décision expresse du 26 janvier 2018 portant suspension du versement de l'allocation pour demandeur d'asile à compter de janvier 29018 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, eu égard à sa situation de vulnérabilité ;
- en les privant, elle et sa fille mineure, née le 4 octobre 2019, de la possibilité de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, elle méconnaît le cinquième paragraphe de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 18 mars 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 27 novembre 2023, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de suspension des conditions matérielles d'accueil du 26 janvier 2018.
Par un autre courrier du 27 novembre 2023, les parties ont également été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité pour défaut d'objet des conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions implicites portant respectivement suspension des conditions matérielles d'accueil et refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil, l'existence de telles décisions n'étant pas établies par les pièces du dossier.
Une réponse aux courriers du 27 novembre 2023, présentée pour Mme A... par Me Chebbale, a été reçue le 27 novembre 2023 et communiquée le lendemain.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... est une ressortissante nigériane, née le 6 mars 1991. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 12 novembre 2016, afin d'y solliciter l'asile. Une demande en ce sens ayant été enregistrée le 5 décembre 2016, l'examen du fichier " eurodac " a révélé que ses empreintes avaient déjà été prises en Italie le 29 mars 2016. Le 30 janvier 2017, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes compétentes, qui a donné lieu à un accord implicite. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Bas-Rhin a décidé de transférer l'intéressée à destination de l'Italie. Ne s'étant pas présentée aux services de la police aux frontières de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim en vue d'organiser son départ, malgré l'obligation que l'administration lui avait faite d'accomplir cette formalité dans les quinze jours suivant la réception de son courrier du 17 juillet 2017, Mme A... a été déclarée en fuite et le délai d'exécution de la mesure de transfert a été portée à dix-huit mois, soit jusqu'au 10 novembre 2018. Par un courrier du 5 décembre 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé la requérante qu'elle envisageait de suspendre l'allocation pour demandeur d'asile, qui lui était versée mensuellement depuis son acceptation, le 5 décembre 2016, de l'offre de prise en charge proposée au moment de l'enregistrement de sa demande d'asile. Puis, après avoir recueilli les observations écrites de l'intéressée, datées du 28 décembre 2017, il a, par une décision du 26 janvier 2018, prononcé la suspension annoncée. Mme A..., qui n'a perçu en janvier 2018 que 24,40 euros au titre de l'allocation pour demandeur d'asile, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2018, ainsi que d'une décision implicite de suspension intervenue précédemment et révélée, selon elle, par le faible montant de la somme ainsi allouée. La mesure de transfert la concernant n'ayant pas été exécutée dans le délai imparti, la requérante a été mise en possession, le 3 janvier 2019, d'une attestation de demande d'asile en procédure normale. Toutefois, ce changement de statut ne s'étant pas accompagné du rétablissement des conditions matérielles d'accueil, Mme A... a également saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait refusé de reprendre le versement mensuel de l'allocation pour demandeur d'asile. Elle relève appel du jugement n° 1907240-1907241 du 26 janvier 2021 qui rejette ses demandes successives.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme A... fait valoir qu'elle a perçu, en janvier 2018, un montant d'allocation pour demande d'asile de 24,40 euros, soit une somme nettement inférieure à celle qu'elle aurait dû percevoir pour la période allant du 1er janvier au 26 janvier 2018, date à laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de suspendre l'attribution de cette allocation. Toutefois, s'il est loisible à l'intéressée de solliciter, le cas échéant, le versement de la somme dont elle aurait été indûment privée, une telle circonstance n'est pas de nature à révéler l'existence d'une décision implicite de suspension, dont l'intervention aurait précédé l'édiction la décision expresse du 26 janvier 2018. Par suite, en s'abstenant de statuer sur les conclusions de la demande dirigées spécifiquement contre cette prétendue décision implicite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision implicite de suspension des conditions matérielles d'accueil :
3. Ainsi qu'il vient d'être dit, alors même que Mme A... n'a perçu, en janvier 2018, qu'une somme de 24,40 euros au titre de l'allocation pour demandeur d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision expresse du 26 janvier 2018 aurait été précédée d'une décision implicite de suspension du versement de cette allocation. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées pour irrecevabilité.
En ce qui concerne la décision expresse de suspension des conditions matérielles d'accueil :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, alors en vigueur : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, (...) n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités (...). / La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 744-38 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019, alors en vigueur : " La décision de suspension, de retrait ou de refus de l'allocation est écrite, motivée et prise après que l'allocataire a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / (...) ".
5. Si les termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur, ensemble, qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales prises à compter de cette date relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.
6. Il ressort des pièces du dossier que, le 5 décembre 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé Mme A... de son intention de prendre à son encontre une mesure de suspension des conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait en raison de son manquement à l'obligation de présentation aux autorités et l'a invitée, conformément aux dispositions des articles L. 744-8 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Il est au demeurant constant que, préalablement à l'édiction de la décision en litige du 26 janvier 2018, la requérante a fait usage de ce droit dans un courrier du 20 décembre 2017, reçu le 28 décembre suivant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige cite les textes dont elle fait application et justifie la suspension des conditions matérielles d'accueil par la circonstance que Mme A... n'a pas donné suite au courrier du préfet du Bas-Rhin du 17 juillet 2017 lui demandant de se rendre, avant l'expiration d'un délai de quinze jours, dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim. Cette décision énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle ainsi est suffisamment motivée au regard des exigences du deuxième alinéa de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 744-39 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019 : " L'offre de prise en charge faite au demandeur d'asile en application de l'article L. 744-1 fait mention de la possibilité pour le demandeur d'asile de se voir refuser, retirer ou suspendre le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile dans les conditions prévues par la présente sous-section. ".
9. Il résulte des mentions figurant sur l'offre de prise en charge du 5 décembre 2016, émise par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et acceptée par Mme A... lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, que la requérante a certifié avoir été informée dans une langue qu'elle comprend des conditions et modalités de suspension, de retrait et de refus des conditions matérielles d'accueil. La requérante ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance par la décision en litige du second paragraphe de l'article 5 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dont les dispositions ont été intégralement et régulièrement transposées en droit interne. Par suite et alors même que l'offre de prise en charge du 5 décembre 2016 ne fait pas état de la présence d'un interprète, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il ressort des observations écrites formulées par Mme A... dans son courrier du 20 décembre 2017 qu'elle ne s'est pas présentée à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim en juillet 2017 afin de continuer à bénéficier des soins médicaux dispensés par l'Etablissement public de santé Alsace Nord. Toutefois, si l'intéressée a fait l'objet d'un suivi au centre de santé mentale de Strasbourg du 7 juin au 6 décembre 2017, elle n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle se rende, conformément au courrier du préfet du Bas-Rhin du 17 juillet 2017, dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières du Bas-Rhin. Dans ces conditions, Mme A... ayant manqué, sans motif légitime, à son obligation de présentation aux autorités, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu légalement prononcer à son encontre la suspension de ses conditions matérielles d'accueil sur le fondement du 1° du premier alinéa de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du même code, alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. ". Aux termes de l'article R. 744-14 du même code, alors en vigueur : " L'appréciation de la vulnérabilité des demandeurs d'asile est effectuée par les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en application de l'article L. 744-6, à l'aide d'un questionnaire dont le contenu est fixé par arrêté des ministres chargés de l'asile et de la santé. / Si le demandeur d'asile présente des documents à caractère médical, en vue de bénéficier de conditions matérielles d'accueil adaptée à sa situation, ceux-ci seront examinés par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui émet un avis. ".
12. Il n'est pas contesté que la vulnérabilité de Mme A... a été évaluée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration lors de l'enregistrement de sa demande d'asile le 5 décembre 2016. Si l'intéressée fait valoir qu'elle a bénéficié de soins dispensés par l'Etablissement public de santé Alsace Nord, il ressort des pièces du dossier que ce suivi s'est achevé le 6 décembre 2017 et, en tout état de cause, l'attestation en ce sens produite par la requérante, qui est dépourvue de toute précision, n'est pas de nature à révéler une situation de vulnérabilité susceptible de faire obstacle à la suspension des conditions matérielles d'accueil. Par suite, alors que l'intéressée était, à la date de la décision en litige, âgée de vingt-six ans, célibataire et sans enfant à charge, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 744-6 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du cinquième paragraphe de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs. ".
14. Mme A... ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance par la décision en litige du cinquième paragraphe de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, dont les dispositions ont été intégralement et régulièrement transposées en droit interne. En tout état de cause, il ne ressort ni de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la possibilité pour un demandeur d'asile dont les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues d'en solliciter le rétablissement, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les décisions de suspension des conditions matérielles d'accueil feraient en toutes circonstances obstacle à l'accès aux autres dispositifs prévus par le droit interne répondant aux prescriptions du cinquième paragraphe de l'article 20, si l'étranger en remplit par ailleurs les conditions, et notamment à l'application de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles relatives à l'aide médicale de l'Etat ou de l'article L. 345-2-2 du même code relatives à l'hébergement d'urgence, dans leur rédaction alors applicable. Par suite et alors que Mme A... n'établit pas avoir été contrainte, comme elle l'allègue, à la mendicité et à la prostitution pour subsister, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du cinquième paragraphe de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil :
15. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article D. 744-38 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019, alors en vigueur : " Lorsque le bénéfice de l'allocation a été suspendu, l'allocataire peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La reprise du versement intervient à compter de la date de la décision de réouverture. ".
16. Il résulte de ces dispositions que les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile auquel il est procédé en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l'évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa demande d'asile, l'examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n'emporte pas l'obligation pour l'office de réexaminer, d'office et de plein droit, les conditions matérielles d'accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
17. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de transfert du 7 avril 2017 n'ayant pas été exécuté dans le délai de dix-huit mois, la France est devenue l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de Mme A... et une attestation de demande d'asile en procédure normale lui a été délivrée le 3 janvier 2017. Toutefois, contrairement à ses allégations, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée a sollicité auprès de l'Office français l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Si elle produit une attestation de demande d'asile revêtu d'un tampon portant la mention " OFII Strasbourg - Arrivé le 7 janvier 2019 ", ce seul document ne suffit pas à révéler l'existence d'une telle demande de rétablissement. Dans ces conditions, le silence gardé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas fait naître une décision implicite de rejet. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ce prétendu refus sont sans objet et doivent, en conséquence, être rejetées pour irrecevabilité.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC02344 2