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27/12/2023 | FRANCE | N°23NC00791

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 27 décembre 2023, 23NC00791


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2201135 du 10 février 2023, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 11 mars 2023, M. A..., représenté par Me Gaffu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201135 du 10 février 2023, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2023, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2023 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; il n'est pas fait état de sa situation personnelle et familiale et de la procédure pendante devant la cour administrative d'appel de Nancy ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2023, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen déclarant être né le 8 septembre 2002 à Conakry, serait entré en France le 26 novembre 2018. Il a été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube jusqu'à sa majorité. Le 27 juillet 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 18 décembre 2020, le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par un jugement du 25 février 2021, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'annulation dudit arrêté. Par un arrêt du 9 février 2023, la cour a annulé ce jugement et enjoint à la préfète de l'Aube de réexaminer la situation de l'intéressé. Toutefois, dans l'intervalle, à la suite de l'interpellation et du placement en rétention administrative de M. A... le 15 avril 2022, la préfète de l'Aube avait édicté à son encontre le même jour une obligation de quitter le territoire sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée d'un an. Par jugement du 10 février 2023, dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande d'annulation de ces nouvelles décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée qu'elle comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit par suite être écarté.

3. En deuxième lieu, la préfète a mentionné l'ensemble des éléments pertinents de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, de sorte que la décision attaquée n'est pas entachée d'un défaut d'examen.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

5. M. A... se prévaut de son entrée en France en 2018 alors qu'il était encore mineur, du suivi d'une formation de certificat d'aptitude professionnelle de maçon sous contrat d'apprentissage avec une société du 16 septembre 2019 au 30 juin 2021, et fait valoir qu'il dispose d'une promesse d'embauche. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir que le centre de ses intérêts personnels serait désormais en France alors que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucune attache familiale en France ni de l'intensité de ses liens personnels sur le territoire, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et sa sœur. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du préfet de l'Aube n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêt du 9 février 2023, la cour a annulé rétroactivement la mesure d'éloignement du 18 décembre 2020 dont faisait l'objet le requérant. Ce dernier ne peut donc être regardé comme s'étant soustrait à l'exécution d'une première mesure d'éloignement. Il s'ensuit que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 15 avril 2022 portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Au regard des motifs du présent arrêt, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer la situation de l'intéressé.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

12. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Gaffuri, avocate de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2201135 du 10 février 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : Les décisions du 15 avril 2022 de la préfète de l'Aube portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Gaffuri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 23NC00791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00791
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;23nc00791 ?
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