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16/07/2021 | FRANCE | N°21BX00253

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 juillet 2021, 21BX00253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités néerlandaises ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2002353 du 5 juin 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021,

et un mémoire enregistré le 11 juin 2021, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités néerlandaises ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2002353 du 5 juin 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021, et un mémoire enregistré le 11 juin 2021, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 juin 2020 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités néerlandaises ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur un moyen non inopérant tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation dans la décision d'assignation à résidence ;

- la décision de transfert est entachée d'incompétence de son auteur ; l'arrêté de délégation du 2 avril 2020 n'a pas fait l'objet d'une publication sur le site internet de la préfecture ; à supposer que l'arrêté de délégation ait été publié dans sa version papier, le recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 de la Haute-Garonne, ne peut pas eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision puisqu'à la date de publication, la population française était confinée en vertu du décret n° 2020-344 du 27 mars 2020 ;

- en estimant que la prise en cause de ces liens familiaux et la circonstance qu'il soit majeur ne lui permettait pas de se prévaloir d'une vie privée et familiale en France, le préfet a commis une erreur de droit ;

- la décision de transfert méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la présence en France de nombreux membres de famille ;

- la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 devait être appliquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne a produit des documents de nature à révéler que M. B... a pris la fuite.

Par ordonnance du 9 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juin 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc, est entré en France le 19 octobre 2019 selon ses déclarations. Il s'est présenté à la préfecture de la Haute-Garonne le 23 octobre 2019 pour y introduire une demande d'asile. La consultation du système Visabio a révélé que l'intéressé avait obtenu un visa Schengen valable du 10 août 2019 au 24 septembre 2019 délivré par les autorités néerlandaises. Le 19 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a saisi les autorités néerlandaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités néerlandaises ont fait connaître leur accord explicite le 11 février 2020. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 5 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... a soulevé devant le tribunal administratif de Toulouse, dans un mémoire en réplique enregistré le 5 juin 2020, les moyens tirés de ce que l'arrêté l'assignant à résidence est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation. La magistrate désignée par le président du tribunal n'a pas répondu à ces moyens qui ne sont pas inopérants. Par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence et de se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités néerlandaises :

4. En premier lieu, par un arrêté du 2 avril 2020 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 de la préfecture de la Haute-Garonne, Mme G... C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, a reçu délégation à l'effet de signer, en lieu et place du préfet de la Haute-Garonne, notamment " Les arrêtés portant transfert d'un étranger dans le cadre de l'Union Européenne en application de l'article L. 742-3 du CESESDA ". Si le requérant soutient qu'à la date de l'arrêté contesté, l'arrêté n'avait pas été publié sur le site internet de la préfecture, la publication sur ce site n'est pas obligatoire, dès lors que la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, dans sa version papier, constitue une publicité suffisante quand bien même la population française était confinée en vertu du décret n° 2020-344 du 27 mars 2020. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 g) du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, on entend par " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'Etat membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'Etat membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve ; ".

6. En indiquant qu'il ressort des observations formulées par M. B... le 6 novembre 2019, que des membres de sa famille vivent en France et en estimant par ailleurs, que M. B... est majeur et ne peut donc faire valoir la présence de membres de sa famille au sens de l'article 2 g) du règlement (UE) n° 604/2013 précité, le préfet de la Haute-Garonne n'a commis aucune erreur de droit puisque M. B... n'a jamais prétendu qu'un membre de sa famille, entrant dans l'une des catégories visées à l'article 2 g) du règlement précité, vivait en France.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la présence de M. B... en France est récente et qu'il n'a été admis à y séjourner que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Si l'intéressé, célibataire et sans enfant, se prévaut de la présence en France de sa soeur, d'oncles et de cousins vivant régulièrement en France, cette seule circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à lui conférer un droit particulier à demeurer sur le territoire national. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle du requérant.

9. En quatrième lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par la première juge, le moyen tiré de ce que la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la mesure d'assignation par voie de conséquence doit être écarté.

11. En deuxième lieu, l'arrêté en litige mentionne notamment l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que M. B... fait l'objet d'un arrêté du 2 juin 2020 portant transfert aux autorités néerlandaises, responsables de sa demande d'asile et que l'exécution de cette mesure demeure une perspective raisonnable eu égard à l'accord de transfert des autorités néerlandaises en date du 11 février 2020. Par suite, alors même que cette décision ne fait pas état de la situation sanitaire de la France, le moyen tiré du défaut de motivation en droit doit être écarté.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la décision du 2 juin 2020, que la situation de M. B... a fait l'objet d'un examen personnel.

13. En quatrième lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

14. L'accord explicite des autorités néerlandaises étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable, et que M. B... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes. Par suite, alors même que compte tenu la situation de pandémie mondiale les frontières entre les Pays-Bas et la France étaient fermées à la date de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 juin 2020 l'assignant à résidence et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour portant remise aux autorités néerlandaises. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002353 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse du 5 juin 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 juin 2020 assignant M. B... à résidence.

Article 2 : Les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence et le surplus des conclusions d'appel de M. B... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. D... E..., premier conseiller,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2021.

Le rapporteur,

Nicolas E... La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00253
Date de la décision : 16/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TOUBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-16;21bx00253 ?
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