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15/02/2022 | FRANCE | N°21BX03216

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 février 2022, 21BX03216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2005864 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, et un m

moire enregistré le 10 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Derkaoui demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2005864 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, et un mémoire enregistré le 10 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Derkaoui demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 mai 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- il est entaché d'incompétence de son auteur ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, son édiction n'ayant pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; pour les mêmes raisons, elle méconnaît l'article 41 de la charte de droits fondamentaux ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait en raison de l'absence totale d'indication des risques encourus par le requérant en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2021 à 12 heures.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 juillet 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine, née en 1947, entrée régulièrement en France le 10 novembre 2018, a sollicité le 16 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français et au titre de ses liens personnels et familiaux en France. Par un arrêté du 14 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 21 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

2. A l'appui des moyens tirés de ce que l'arrêté portant refus de séjour est entaché d'incompétence de son auteur, insuffisamment motivé et souffre d'un défaut d'examen particulier de sa situation, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges. En outre, si pour la première fois en appel, la requérante soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation en fait, ce moyen ne peut qu'être écarté puisque l'arrêté indique, au visa de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays, vu notamment l'absence de demande d'asile.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Mme C... fait valoir qu'elle est veuve, âgée, souffre de problèmes cardiaques depuis 1980, que deux de ses enfants de nationalité française et ses petits-enfants résident en France, qu'elle réside chez l'un de ses fils depuis son arrivée sur le territoire français et qu'elle est à la charge de ce dernier. Elle ajoute qu'elle ne dispose pas de couverture sociale au Maroc, et que l'argent que lui versait au Maroc son fils qui l'héberge désormais en France était détourné par ses autres fils. D..., A... C..., qui est entrée en France à l'âge de soixante-et-onze ans, n'y réside que depuis deux ans, a vécu au Maroc la majorité de sa vie, n'établit pas y être dépourvue d'attaches privées et familiales alors d'ailleurs qu'y résident trois de ses fils et une de ses filles et qu'il lui appartient de prévenir, le cas échéant sous la protection des autorités marocaines, les détournements de fonds dont elle prétend être la victime. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde.

6. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, désormais codifié aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, dont se prévaut la requérante ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'autorité administrative aurait méconnu cette disposition en s'abstenant de susciter préalablement à la décision les observations de Mme C... doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que ces articles s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

8. D..., il résulte également de la jurisprudence de cette même Cour que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, qui implique notamment que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, doit mettre l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permettre, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

9. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas eu, avant l'édiction des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, la possibilité de faire valoir son droit d'être entendue.

10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03216
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DERKAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-15;21bx03216 ?
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